Vendredi dernier, une fuite sur un gazoduc sous-marin provoquait un incendie impressionnant à la surface de l’eau dans le golfe du Mexique. L’oléoduc appartient à Pemex, la compagnie pétrolière et gazière nationale du Mexique. Si l’industriel est au manettes de la catastrophe, ses principaux soutiens financiers doivent aussi prendre leur part de responsabilité. Parmi eux, des poids lourds comme HSBC, JP Morgan Chase, FMR LLC, Allianz SE, ou encore BlackRock. Le Crédit Agricole et BNP Paribas remportent la palme des soutiens français à Pemex.

Pemex, un gros pollueur 

En 2019, The Guardian classait Pemex parmi les 20 pétro-gaziers les plus émetteurs de CO2 au monde. Début 2021, le Banking on Climate Chaos report classe de nouveau Pemex parmi les 30 entreprises pétro-gazières qui sont les plus impliquées dans le développement de nouvelles réserves pétro-gazières d’ici 2050. Si les velléités expansionnistes de Pemex se réalisent, l’industriel contribuerait à émettre 2385 millions de tonnes de CO2 d’ici 2050, l’équivalent de 5 fois les émissions annuelles de CO2 du Mexique (données Banque Mondiale 2018).

Pour couronner le tout, Pemex figure parmi les principaux acteurs des forages offshore. Actuellement, environ ¾ de sa production est offshore. Les réserves en production représentent presque 8 milliards de barils. A celles-ci il faut rajouter les autres réserves (5,7 milliards de barils supplémentaires) que Pemex projette d’exploiter d’ici 2050.

La finance française et internationale complice du désastre

Qui se cache derrière Pemex ? Étant donné que l’industriel appartient à l’Etat mexicain, Pemex n’a pas d’actionnaires privés. En revanche, sa dette est détenue par des dizaines d’acteurs financiers, banques et investisseurs. 

Le rapport Banking On Climate Chaos 2021 comptabilise 55 milliards de dollars de soutiens bancaires à Pemex entre 2016 et 2020. En première ligne, HSBC avec 6,3 milliards de dollars octroyés à l’industriel. Suivi de près – sans surprise – par JP Morgan Chase, le plus gros soutien bancaire aux énergies fossiles depuis plusieurs années. Ironie du sort ou preuve que l’on marche sur la tête : Emmanuel Macron inaugurait en grande pompe leur nouveau siège à Paris la semaine dernière.

Les banques françaises ne sont pas en reste. Elles ont soutenu Pemex à hauteur d’environ 8 milliards de dollars entre 2016 et 2020. BNP Paribas (3,5 milliards USD dont 500 millions USD en 2020) et Crédit Agricole figuraient parmi les 10 principaux soutiens bancaires de Pemex.

Selon les données financières provenant de Bloomberg, parmi les investisseurs-obligataires, figurent en tête d’affiche : AM Fidelity Manager Investment (FMR LLC) avec plus de 5 milliards de dollars en obligations, l’assureur Allianz SE avec près de 3 milliards USD, suivis par BlackRock, Dodge, Capital Group et Prudential Financial Inc avec chacun 1,5 milliards USD. Deux français figurent parmi les 10 plus gros investisseurs de Pemex : le groupe Crédit Agricole (720 millions de dollars) et Carmignac (plus de 500 millions de dollars).

Les forages offshores : des catastrophes écologiques en puissance ?

Désormais, même l’Agence internationale de l’Energie reconnaît que pour limiter le réchauffement à 1,5°C, il faut cesser d’investir dès maintenant dans de nouvelles installations pétrolières et gazières et baisser la production d’énergies fossiles dans son ensemble. Plus précisément, l’accident de Pemex devrait alerter les acteurs financiers sur l’urgence d’accélérer l’arrêt des soutiens financiers aux forages offshore, à commencer par ceux en eaux ultra profondes.

En effet, les risques liés à l’extraction sous-marine des réserves pétrolières et gazières augmentent avec les profondeurs. Alors que la plateforme de Ku Maloop Zaap se situe à “seulement” 100 mètres de profondeur, il aura fallu aux forces mobilisées cinq heures, ainsi que des trombes d’eau et d’azote, pour éteindre ce feu. Bien que l’autorité mexicaine de sécurité pétrolière ait déclaré que l’incident n’a donné lieu à aucun déversement, aucune indication n’a été donnée à ce jour sur le colmatage de la fuite, ni sur la portée environnementale de cet évènement.

Lors du drame de la plateforme Deepwater Horizon dans cette même région, la fuite avait duré bien plus longtemps que l’incendie. Sept millions de litres de dispersant avait été injecté au niveau de la fuite pour limiter la formation d’une marée noire, ce qui avait en retour infligé des dégâts collatéraux importants aux coraux à travers le Golfe du Mexique.

C’est d’autant plus inquiétant, à l’heure où l’industrie offshore se tourne vers des profondeurs de plus de 1500 mètres et qu’il est prouvé que les risques d’accident augmentent avec la profondeur d’exploitation à un taux d’environ 8.5% tous les 30 mètres. L’éloignement des côtes de ces installations, ce qui augmente le temps de réaction et les moyens déployables, et les températures et pressions extrêmes rencontrées par de telles profondeurs rendent plus complexes toute manœuvre de remédiation.

Il est urgent que les acteurs financiers prennent la mesure de l’enjeu, surtout que Pemex est loin d’être le seul industriel à menacer les écosystèmes et le climat. Les banques, assureurs et investisseurs doivent annoncer d’ici la COP 26 à Glasgow la fin de leurs soutiens à l’expansion pétro-gazière et aux industries et infrastructures qui concentrent tous les risques ESG : forages en eaux ultra profondes et en Arctique, sables bitumineux, pétrole et gaz de schiste.