Allianz Global Investors (Allianz GI) a annoncé le 8 juillet 2021 sa première politique d’exclusion charbon. C’est un premier pas très attendu puisque Allianz GI est l’un des plus grands gestionnaires d’actifs au monde, avec 598 milliards de dollars (US$) d’actifs sous gestion. Malheureusement, l’investisseur a choisi d’aligner sa politique de 2021 avec la première politique adoptée par Allianz en 2015, et non pas avec la meilleure et plus récente politique du groupe. La politique d’Allianz GI n’inclut pas les éléments essentiels à une politique charbon robuste, tels que des plans pour arrêter tout soutien aux entreprises alimentant l’expansion du charbon ni d’objectif daté de sortie totale du secteur du charbon. Cela est clairement insuffisant pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.

1. Ce qui est nouveau

La première politique d’exclusion charbon d’Allianz Global Investors consiste à exclure de ses nouveaux investissements, toutes les entreprises qui tirent plus de 30% de leurs revenus par le charbon thermique, ou qui produisent plus de 30% de leur électricité via le charbon.

Des exceptions peuvent avoir lieu pour les entreprises légèrement au-dessus des seuils (jusqu’à 5% supérieur) et pour les entreprises rompant le seuil de la production d’énergie du charbon lorsque celle-ci en tire moins de 10% de ses revenus, et uniquement dans le cas où ces entreprises ont adopté une “stratégie de décarbonisation crédible”.

2. Notre analyse : une politique en retard sur les standards d’Allianz en tant que groupe

Selon les dernières données accessibles, publiées en février 2021 sur le site Liste Mondiale de Sortie du Charbon (Global Coal Exit List – GCEL), Allianz Global Investors est un investisseur majeur dans le secteur du charbon, avec 2,1 milliards de dollars (US$) des 7,9 milliards de dollars (US$) du groupe Allianz dans son entier, investis dans des entreprises du secteur du charbon. Concrètement, cela veut dire qu’en janvier 2021, Allianz GI était investi dans 96 entreprises de charbon, produisant au total 1556 millions de tonnes de charbon annuellement, et opérant 475 GW de capacités électriques alimentées au charbon. Cela inclut 43 « développeurs » du charbon, dont 31 entreprises ayant comme but l’expansion ou la construction nouvelle capacité électrique charbonnière pour un total de 137 GW.

En adoptant un premier critère d’exclusion pour débuter son processus de désinvestissement, Allianz GI admet enfin devoir en faire plus pour combattre le changement climatique. Cependant, Allianz GI échoue à aligner son seuil d’exclusion avec les meilleures pratiques – telles que l’exclusion des entreprises ayant une exposition au charbon de plus de 30% alors qu’un nombre toujours plus important d’institutions financières adoptent un seuil de 20% ou moins. Il ignore également totalement les deux urgences climatiques liées au charbon : l’abandon de l’expansion et le désinvestissement progressif et planifié du charbon pour atteindre une exposition zéro.

En fermant les yeux sur l’expansion du charbon, Allianz GI rate le coche. Allianz GI doit urgemment blacklister et désinvestir de toutes les entreprises planifiant encore de développer de nouvelles mines, centrales ou infrastructures de charbon dans le monde entier. En janvier 2021, Allianz GI avait 437 millions de dollars (US$) investis dans 43 développeuse du charbon, y compris Marubeni (13 millions US$) et POSCO (23 millions US$), ce qui rompt avec le seuil d’exclusion des 30% tout en planifiant 4550 MW et 3300MW de capacité électrique charbonnière en Asie et en Afrique. Sur ce sujet, Allianz GI est en retard, derrière la maison mère du groupe Allianz, qui planifie déjà d’exclure tous les promoteurs de charbon, et derrière d’autres gestionnaires d’actifs tels que AXA IM qui le font déjà.

De même, en ne s’engageant pas à éliminer complétement le charbon en 2030 en Europe / OCDE et en 2040 dans le monde entier, comme cela est clairement requis par les sciences climatiques, Allianz GI reste en deçà des meilleures pratiques, pourtant déjà appliquées par de nombreux gestionnaires d’actifs : Allianz s’est déjà engagé à réduire régulièrement son seuil d’exclusion afin de pouvoir se désengager totalement du charbon en 2040, et le gestionnaire d’actifs de DZ Bank s’est même engagé dans des délais de sortie de charbon encore plus courts.

Finalement, ces seuils relatifs d’exclusion sont loin d’être suffisants : ils n’excluront pas efficacement les gros producteurs de charbon, comme Glencore (32 millions US$ investis) et BHP (95 millions US$), qui sont des entreprises hautement diversifiées. Cela signifie que Allianz GI doit impérativement adopter des seuils d’exclusion absolus pour les entreprises produisant plus de 10 millions de tonnes de charbon annuellement, ou avec plus de 5 GW de capacité électrique à partir de charbon. De plus, le fait que l’investisseur peut faire des exceptions pour les entreprises au-dessus de ses critères d’exclusion affaiblit sa politique.

De manière générale, la divergence entre cette politique et la politique du groupe est frappante. Concrètement, Allianz GI adopte une politique très similaire à celle adoptée par Allianz en tant que propriétaire d’actifs en 2015, avant la COP21, il y a plus de 6 ans. Depuis, le groupe a renforcé sa politique en matière d’exclusion avec notamment l’exclusion de tous les développeurs de charbon à partir de 2023, l’instauration de seuils d’exclusion absolus également en 2023, et via une stratégie de désengagement total du charbon d’ici 2040.

Les scores d’Allianz Global Investors dans le Coal Policy Tool

Ce tableau présente les scores liés à la politique charbon d’Allianz Global Investors basés sur les 5 critères du Coal Policy Tool

Conclusion

En adoptant une première politique d’exclusion charbon, Allianz GI fait un petit pas vers l’alignement entre ses activités et les objectifs de l’Accord de Paris. Cependant, cet engagement arrive bien trop tard. Il doit, au minimum, urgemment s’aligner avec le reste du groupe Allianz, au mieux, suivre l’exemple d’AXA IM qui a adopté une politique robuste de désengagement du charbon plus tôt dans l’année, débutant avec l’exclusion immédiate de tous les développeurs du charbon.

Tous les regards sont aussi désormais tournés vers l’autre grand gestionnaire d’actifs d’Allianz, PIMCO, qui est encore plus en retard, ne possédant toujours aucune politique d’exclusion charbon.

Pour aller plus loin: