Le vendredi 27 août, le sommet de Jackson Hole réunira les banquiers centraux pour discuter des grands défis économiques et financiers. Quelques jours avant ce sommet, un nouveau rapport révèle que les principales banques centrales participantes soutiennent les entreprises des énergies fossiles, contribuant ainsi à la crise climatique. Alors que les événements climatiques extrêmes et les nouveaux avertissements du GIEC devraient les pousser à changer d’urgence de politique, il est probable que les banques centrales s’en tiennent à leurs vieilles habitudes et refusent d’utiliser les outils à leur disposition pour mettre fin à la frénésie des énergies fossiles.

Comme c’est le cas depuis 1982, banquiers centraux, économistes et régulateurs les plus puissants du monde se réunissent au sommet de Jackson Hole pour discuter des principaux défis de politiques économiques. Comme les années précédentes, ce « symposium », qui a historiquement été à l’origine de changements majeurs en matière de politique monétaire, sera suivi de près par les journalistes et les analystes désireux de déceler les futures tendances.

Le symposium de cette année, qui se tient virtuellement le 27 août, sera l’occasion de prendre le pouls des banques centrales en cette deuxième année de Covid-19. Le thème principal étant Macroeconomic in an uneven economy (« La politique macroéconomique dans une économie inégale »), il ne fait aucun doute que la question de la lutte contre les inégalités dans un contexte de reprise, tout en surveillant l’inflation et en garantissant la stabilité financière, y figurera en bonne place.

Mais, alors que des événements climatiques extrêmes se produisent partout, accentuant les inégalités sociales et économiques et renforçant les risques financiers, la grande question reste de savoir si le changement climatique sera lui aussi au centre de ce sommet qui fait largement office de « G7 » pour les banques centrales. Le récent rapport du GIEC est très clair : l’incapacité à limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C entraînerait des conséquences dramatiques pour notre environnement, nos sociétés et nos économies. L’impact du changement climatique – même s’il est maintenu à 1,5°C – sera mondial, avec des effets déstabilisants qui vont bien au-delà de ceux de la pandémie actuelle. Pour dire les choses clairement : une « économie inégale » sera le dernier de nos soucis si nous n’agissons pas de manière décisive contre le changement climatique.

Il est certain que le changement climatique a trouvé sa place dans l’agenda des banques centrales qui le reconnaissent de plus en plus comme une source de risque financier et un facteur à prendre en compte dans les futures politiques monétaires et prudentielles. Même la Réserve fédérale américaine, traditionnellement très conservatrice sur la question et dont la branche de Kansas City organise le sommet de Jackson Hole, a récemment pris conscience de l’enjeu. Cependant, les banques centrales se contentent pour l’instant de parler sans agir. Comme l’a montré le Green Central Banking Scorecard publié par Positive Money, les banques centrales du G20 n’ont pas revu leur politique monétaire ou prudentielle pour lutter contre le changement climatique.

En fait, les banques centrales continuent de soutenir les industries polluantes, contribuant ainsi à l’augmentation des émissions de carbone. Alors que l’alignement sur l’Accord de Paris implique une réduction drastique de la production d’énergies fossiles et – comme le souligne l’Agence internationale de l’énergie (AIE) – l’arrêt des projets d’énergies fossiles, un nouveau rapport d’Oil Change International, soutenu par Reclaim Finance et 20 autres organisations, révèle que les grandes banques centrales n’utilisent pas les outils à leur disposition pour détourner les flux financiers de l’industrie des énergies fossiles. Au contraire, elles contribuent à lui fournir un financement abondant et bon marché.

Comme le souligne le rapport, les banques centrales pourraient freiner le financement des énergies fossiles en excluant les entreprises de ce secteur de leurs achats d’actifs – qu’ils soient effectués à des fins monétaires ou non -, en poussant les banques commerciales à réduire leurs services financiers à ces entreprises ou en utilisant leur rôle de régulateur pour décourager ceux-ci. Notons que la Banque d’Angleterre et la Banque Centrale Européenne (BCE) envisagent toutes deux d’aligner une partie de leurs achats d’actifs sur l’Accord de Paris mais n’ont pas encore précisé ce que cela signifierait pour les entreprises des énergies fossiles. Si elles n’adoptent pas de politiques fortes dans le domaine, excluant notamment toute entreprise développant un projet d’énergie fossile, leurs initiatives serait simplement du greenwashing (« écoblanchiment »).

Quelques semaines après la publication du dernier rapport du GIEC et quelques mois avant la COP26, le sommet de Jackson Hole pourrait être le moment où les banques centrales font face au problème climatique et deviennent une partie de la solution en détournant les flux financiers des énergies fossiles. Les vieilles habitudes ont la vie dure et il est fort probable que les banques centrales se contentent d’un non-dit climatique et se concentrent sur le contexte actuel et les ajustements de la politiques monétaires liés. Mais elles pourraient aussi se montrer à la hauteur de l’événement en coupant les ponts avec le financement des énergies fossiles. C’est à elles d’en décider.