Communiqué de presse
Paris, le 25 janvier 2023 – BNP Paribas vient d’annoncer de nouvelles mesures visant à amplifier son soutien aux énergies dites bas carbone et à réduire celui aux énergies fossiles. Malgré des cibles relativement ambitieuses à l’horizon 2030, BNP Paribas n’adopte pas les mesures nécessaires pour garantir l’absence de soutien à l’expansion pétrolière et gazière et convaincre ses clients de respecter au plus vite cet impératif pour limiter le réchauffement à 1,5°C. Car ce qui est fait d’ici 2030 compte autant que les points d’arrivée, Reclaim Finance appelle BNP Paribas à revoir sa méthode et à s’inspirer des meilleures pratiques en la matière pour stopper le développement de nouveaux projets de production et de transport d’hydrocarbures.
BNP Paribas vient d’annoncer des mesures concernant sa trajectoire de financement du secteur énergétique (1). En plus de mesures visant le développement des solutions dites bas carbone (2), BNP Paribas s’engage à baisser de 80% son encours de financement à la production de pétrole (3) et de 30% celui à la production de gaz à l’horizon 2030 (4).
Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance, déclare : “BNP Paribas reconnaît la nécessité de réduire notre dépendance au pétrole et au gaz qui est source de risques et d’amplifier les soutiens aux solutions. Cependant, la méthode n’est pas la bonne et tout indique que la banque française va maintenir ses soutiens financiers à quelques gros clients malgré leur stratégie d’expansion dans les énergies fossiles, comme TotalEnergies.”
L’adoption de cibles de décarbonation ne garantit pas l’arrêt immédiat de services financiers à l’expansion pétro-gazière. Plusieurs raisons expliquent cela (5), notamment le fait que ces cibles ne concernent qu’une partie des services financiers (les prêts et non les émissions d’actions et d’obligations) et qu’elles s’accommodent de prêts à maturité courte qui seraient remboursés avant 2030. Si l’atteinte de ces cibles nécessitera à terme inéluctablement l’exclusion de nombreux clients de la banque, celle-ci pourra en maintenir d’autres dans son portefeuille, indépendamment du poids de leurs activités et même de leurs plans d’expansion dans le secteur. Cela pourrait concerner les majors pétrolières et gazières européennes, comme TotalEnergies mais aussi BP et Shell dont BNP Paribas est le premier banquier entre 2016 et 2021 (6).
“On ne peut se satisfaire de cibles à l’horizon 2030 alors qu’il y a urgence à cesser tout soutien à l’aggravation du dérèglement climatique. Si BNP Paribas annonce bien des mesures précisant son approche en vue de l’atteinte de ces cibles, elle échoue à prendre une position ferme contre l’expansion pétrolière et gazière et continuera de jeter de l’huile sur le feu en finançant directement et indirectement de nouveaux projets dans le secteur“, poursuit Lucie Pinson.
Contrairement à ses pairs ING et HSBC, BNP Paribas ne s’engage pas à cesser tous soutiens directs à de nouveaux projets pétroliers et gaziers (7). La banque affirme ne pas avoir fait de financement de projet pétrolier depuis 2016 (une affirmation discutable (8)) et indique vouloir « réserver ses financements dans le secteur gazier prioritairement aux centrales thermiques de nouvelle génération à bas taux d’émission ainsi qu’à la sécurité d’approvisionnement, terminaux gaziers et flotte de transport de gaz ».
“Ce qui est présenté comme des restrictions pour le secteur gazier reflète au contraire la volonté de la banque de soutenir ses clients dans le développement de nouvelles bombes climatiques, inutiles pour notre sécurité énergétique mais fatales pour nos objectifs climatiques. Le gaz n’est pas une énergie de transition et il est urgent de reconnaître son réel impact sur le climat” (9).
Si aucun nouveau projet de production pétrolière et gazière n’est approuvé après le 1er janvier 2022 dans le scénario Net Zero (NZE) de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) visant à limiter le réchauffement à 1,5°C, aucun nouveau projet de gaz naturel liquéfié (GNL) n’y est non plus approuvé après le 1er janvier 2023. Le scénario indique par ailleurs que la capacité des infrastructures existantes et en construction est bien supérieure aux volumes de GNL consommés dans les prochaines années et décennies (10).
Concernant les services financiers aux entreprises (et non aux projets), lesquels constituent la très grande majorité des soutiens au secteur énergétique, BNP Paribas ne prend aucune mesure visant à pousser ses clients à ne plus développer de nouveaux projets pétroliers et gaziers (11) mais indique vouloir programmer l’arrêt des « activités de financement spécialisées ou associées à ce secteur ».
Pour illustrer les engagements de BNP Paribas : la banque a, entre son adhésion à la Net-Zero Banking Alliance (NZBA) en avril 2021 et août 2022, soutenu TotalEnergies à travers 2 transactions, pour un montant total de 1 464,8 millions de dollars (12). La major française est le 7ème développeur mondial dans la production pétrolière et gazière (13). Au-delà du projet d’oléoduc EACOP, TotalEnergies prévoit d’allouer 45% de ses dépenses d’investissement au secteur pétrolier, dont environ 20% à l’exploration et au développement de nouveaux projets (14). BNP Paribas a indiqué qu’elle ne financerait pas directement le projet d’oléoduc EACOP et ses dernières annonces indiquent qu’elle demandera à TotalEnergies de ne pas utiliser les capitaux qu’elle lui attribuera pour des activités pétrolières.
“L’intégration de clauses restreignant l’usage des fonds dans les contrats de financements est un bon moyen pour la banque de signaler à ses clients son souhait de les voir se désengager de certaines activités. Cependant, l’argent étant fongible, BNP Paribas ne pourra pas garantir l’absence de soutien aux activités pétrolières de ses clients. Une fois de plus, BNP Paribas se trompe de méthode, surtout que s’il y a urgence à pousser les entreprises à ne plus développer de nouveaux projets, aucun scénario 1,5°C n’appelle à un arrêt de tous les soutiens au pétrole d’ici 2030. Il aurait donc été beaucoup plus pertinent d’appeler les entreprises à renoncer à leurs nouveaux projets pétroliers et de conditionner à court terme la provision de nouveaux services au respect de cette demande” conclut Lucie Pinson.