Cher M. Buberl,

Depuis bientôt presque 7 ans, vous êtes à la tête de l’un des plus importants assureurs au monde, qui se dit également être l’un des plus engagés sur les questions environnementales. Sous votre direction, votre groupe a été l’un des premiers à prendre des engagements sur le charbon puis sur le pétrole et le gaz. AXA, en tant qu’assureur et gestionnaire des risques, connaît mieux que quiconque les risques climatiques croissants qui pèsent sur ses activités, ses clients, notre société et notre planète. Face à cette urgence, Reclaim Finance vous appelle à faire preuve de leadership, en renforçant les mesures d’AXA face à l’expansion pétro-gazière.

L’année 2022 a été marquée une nouvelle fois par les conséquences du dérèglement climatique et une intensification des catastrophes climatiques. Pour la deuxième année consécutive, ces catastrophes ont coûté plus de $100 milliards à votre industrie (1). Votre entreprise elle-même indique que le risque climatique est désormais la première préoccupation des experts interrogés dans le cadre de son rapport AXA Future Risks Report 2022. Pour reprendre vos mots, il est urgent de “construire le consensus et d’agir collectivement”.

Or, nous sommes particulièrement inquiets d’entendre AXA défendre des positions ne reposant plus sur des fondements scientifiques : votre politique laisse entendre qu’une entreprise développant encore de nouveaux projets pétroliers et gaziers pourrait être en transition. Vous avez vous même défendu à plusieurs reprises votre soutien à de nouveaux champs gaziers en vous référant à la taxonomie européenne qui n’intègre pourtant nullement ces projets. Par ailleurs, l’intégration de certains projets de centrales à gaz dans ce texte a été largement critiquée par les scientifiques et experts impliqués dans le développement de cette taxonomie.

Dans son scénario Net Zero by 2050, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a pourtant très clairement projeté l’arrêt du développement de nouveaux champs de pétrole et de gaz ainsi que les nouveaux terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL). Elle a récemment rappelé que même la guerre en Ukraine ne remettait pas en cause cette  conclusion et qu’elle ne justifiait, en aucun cas, le développement d’une nouvelle vague d’infrastructures fossiles.

Le 27 avril prochain, vous présenterez à vos actionnaires les résultats économiques exceptionnels du groupe AXA, malgré des ambitions climatiques à l’arrêt depuis octobre 2021. Nous vous appelons à montrer la voie à votre industrie, comme vous avez su le faire par le passé en adoptant notamment une politique robuste face à l’expansion pétro-gazière :

  • Sur les nouveaux champs de pétrole et de gaz : s’engager à ne plus couvrir ces nouveaux projets en ajoutant les nouveaux champs gaziers à la liste des projets qu’AXA exclut. AXA doit également retirer de sa politique actuelle l’exception faite pour les nouveaux champs développés par des entreprises dites “en transition”. En effet, une entreprise n’ayant pas pris l’engagement de ne plus développer de nouveaux champs de pétrole et de gaz ne peut pas être considérée comme “en transition”.
  • Sur les nouveaux projets de pétrole et de gaz midstream : s’engager au plus vite à ne plus couvrir les nouvelles infrastructures de transport et de stockage et notamment les terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL). La construction de ces infrastructures contribue directement au développement de nouveaux champs pétro-gaziers verrouillant des émissions de gaz à effet de serre pendant des décennies à venir.
  • Sur le charbon dans les traités de réassurance : s’engager au plus vite à étendre ses mesures déjà en place sur le charbon aux traités de réassurance. Il est important pour AXA de s’engager à ne plus couvrir les risques de portefeuilles d’assurance liés aux entreprises développant encore de nouveaux projets de mines, de centrales thermiques et d’infrastructures charbon. Une mesure aux impacts économiques limités pour AXA qui se cantonne aux activités de réassurance d’AXA XL, représentant environ 3% du chiffre d’affaires du groupe AXA (3).

Allianz, Swiss Re, Munich Re, Hannover Re, les plus grands noms de votre industrie se sont déjà engagés, en lien avec leurs engagements net zero, à ne plus couvrir les nouveaux champs pétroliers et gaziers. Il nous semble important, au vu du leadership climatique défendu par AXA, de s’aligner à minima sur cet engagement.

Malgré les récents départs de la NZIA de certains de vos pairs laissant place à l’action individuelle plutôt que collective, nous espérons que vous saurez renouveler votre capacité à montrer l’exemple pour engager l’ensemble de votre industrie dans la bonne direction. Nous vous appelons donc à ne pas uniquement vous aligner sur les meilleures pratiques portées par vos pairs mais à les dépasser en annonçant un engagement supplémentaire à ne plus couvrir de nouveaux terminaux de gaz naturel liquéfié.

Monsieur Buberl, nous serons présents le 27 avril et comptons sur vous pour renforcer les ambitions climatiques d’AXA en annonçant l’arrêt du soutien de votre groupe à l’expansion pétro-gazière.

Nous vous remercions pour votre attention et restons à votre entière disposition pour échanger au sujet d’une future politique pétrole et gaz de votre groupe.

Bien à vous,

Lucie Pinson, directrice et fondatrice, Reclaim Finance

Notes :

  1. Swiss Re Institute, A perfect storm Natural catastrophes and inflation in 2022, 2023
  2. En 2022, AXA XL a réalisé €3,2 milliards de chiffre d’affaires contre plus de €100 milliards au niveau groupe.