Expansion pétro-gazière : BNP Paribas épargne ses principaux clients

Paris, le 11 mai 2023 – A quelques jours de son assemblée générale, BNP Paribas a annoncé un nouveau jeu de mesures sur le pétrole et le gaz. Bien que bienvenues, les mesures annoncées restent largement insuffisantes pour aligner la banque sur les projections du scénario 1,5°C de l’Agence internationale de l’énergie et répondre aux attentes des scientifiques et associations qui appellent BNP Paribas à ne plus financer l’expansion pétrolière et gazière. Reclaim Finance appelle BNP Paribas à aller jusqu’au bout de la démarche engagée et à exiger des entreprises de ses portefeuilles l’arrêt du développement de projets qu’elle-même n’entend plus financer directement.

En plus de mesures restreignant ses soutiens aux pétrole et gaz non conventionnels (1), BNP Paribas annonce plusieurs mesures complétant et précisant celles déjà annoncées en janvier dernier. (2) En particulier :

  • Elle complète l’engagement précédent à ne plus accorder de financements dédiés aux nouveaux champs pétroliers par un engagement similaire sur les nouveaux champs gaziers. (3).

La banque ne s’engage pas, à l’instar de la banque néerlandaise ING, à ne plus financer les terminaux de gaz naturel liquéfié alors même que ces projets ne trouvent pas plus leur place que les nouveaux champs pétroliers et gaziers dans le scénario Net Zero Emissions (NZE) de l’Agence internationale de l’énergie.

  • Elle s’engage aussi à ne pas financer les plate-formes flottantes (FPSO). (4)

Cette mesure, qui complète l’engagement à ne plus financer de nouveaux champs pétroliers ne suffit pas à tenir l’objectif annoncé en janvier de baisser de 80% l’encours de financement à l’extraction et la production de pétrole à l’horizon 2030 puisque la majorité des financements de BNP Paribas au pétrole et au gaz passe par des services financiers fournis non à des projets spécifiques mais à des entreprises. BNP Paribas indique donc les mesures suivantes :

  • un engagement à ne plus financer les entreprises spécialisées dans la production pétrolière ;
  • un engagement à ne plus fournir de prêts garantis par les réserves qui seraient destinés à soutenir la production pétrolière ; (5)
  • un pilotage des expositions restantes en utilisant la méthodologie PACTA.

Nous saluons les précisions apportées par BNP Paribas sur la manière dont elle entend tenir les objectifs annoncés en janvier. Mais précision et ambition sont deux choses différentes et ces nouvelles annonces ne suffisent pas à annuler le verdict rendu en janvier : BNP Paribas continuera de soutenir les plans d’expansion, en particulier dans le gaz, de ses principaux clients, les majors européennes et les autres entreprises dites intégrées, alors même qu’elles sont loin d’afficher des stratégies compatibles avec l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5°C. (6)

Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance

Les obligations dont sont très friandes ces entreprises ne sont toujours pas couvertes par les engagements de la banque (7) et le pilotage des encours de financement à l’horizon 2030 laisse encore de nombreuses années à BNP Paribas pour fournir de nouveaux services financiers aux TotalEnergies et consorts. Depuis 2016, la banque qui est le premier banquier de Shell, BP et ENI, a fourni plus de 45 milliards de dollars aux 9 principales entreprises pétrolières et gazières européennes et états-uniennes – cela représente 27% des financements de la banque à l’ensemble du secteur pétrolier et gazier (8). Même la mesure concernant les prêts garantis par les réserves pourrait épargner ces entreprises (9).

Décarboner son seul bilan sans décarboner le monde réel est une approche vaine et nous appelons BNP Paribas à aller jusqu’au bout de la démarche engagée en exigeant de ses clients l’arrêt du développement de projets qu’elle-même n’entend plus financer directement. Elle doit faire de l’arrêt de l’expansion pétrolière mais aussi gazière une ligne rouge à ne pas franchir, et s’engager à restreindre progressivement l’ensemble des services financiers aux entreprises qui ne satisferaient pas cette demande. Ce n’est que ainsi que BNP Paribas pourra prévenir et se prémunir contre les risques d’un emballement du climat

Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance

BNP Paribas affirme que ces entreprises sont en transition, un argumentaire principalement défendu par le rôle de ces entreprises dans le développement de projets “bas carbone”. (10) Cette affirmation ne résiste pas à l’analyse : la Global Oil and Gas Exit List liste les 9 entreprises pré-citées parmi les plus gros développeurs de nouveaux champs pétroliers et gaziers et l’analyse de leurs objectifs de production et dépenses d’investissement démontrent que les énergies renouvelables demeurent les parents pauvres de leur stratégie et représenteront bien moins de 22% de leur mix énergétique à l’horizon 2030. (11)

Contacts :

Notes :

  1. Voir la politique Pétrole et Gaz de BNP Paribas. Concernant les énergies fossiles non conventionnelles :
    • BNP Paribas complète enfin les mesures déjà existantes sur le gaz de schiste, les sables bitumineux et les activités en Arctique par des mesures sur les trois autres principaux pans des énergies fossiles non conventionnelles : s’ils arrêtent les financements directs pour des projets de forages en eaux très profondes, pétrole extra lourd et méthane de houille et intègrent les deux dernières énergies aux mesures d’exclusion des entreprises actives dans les non conventionnelles, leur définition du pétrole extra lourd et l’absence d’exclusion des entreprises impliquées dans les forages en eaux très profondes limitent la portée de la mesure.
    • Un point positif est la suppression de la clause d’exception qui lui permettait de maintenir ses soutiens à certaines entreprises jugées en transition bien que significativement exposées aux énergies non conventionnelles précédemment couvertes, ou qui y développent de nouveaux projets.
    • Cependant, ici comme sur le reste des mesures portant sur les pétrole et gaz conventionnels, BNP Paribas ne va pas jusqu’à demander à ses clients actifs dans ces secteurs à ne plus y développer de nouveaux projets. Cela est particulièrement dommageable étant donné les impacts et risques significatifs de ces types d’hydrocarbures sur les populations, les écosystèmes et le climat.
  2. Voir l’annonce de BNP Paribas. Voir la réaction de Reclaim Finance aux annonces de BNP Paribas en janvier 2023. Le communiqué de presse revient sur des annonces déjà faites concernant le financement d’activités “bas carbone”. Au-delà du secteur de l’énergie, BNP Paribas a également adopté des cibles de décarbonation pour les secteurs de l’acier, du ciment et de l’aluminium. Reclaim Finance les analysera ultérieurement.
  3. BNP Paribas devient la 2ème grande banque internationale, parmi les 20 plus grandes, à prendre un tel engagement, mais d’autres banques sont allées plus loin comme par exemple ING qui a aussi arrêté les nouveaux projets de GNL ou Crédit Mutuel qui s’est engagé à ne pas financer directement ni les projets d’extraction ou de transport de pétrole et de gaz. Voir le Oil & Gas Policy Tracker.
  4. Plusieurs transactions à des FPSO ont été relevées ces dernières années de la part de BNP Paribas. Cette mesure pourrait être plus impactante que celle portant sur l’arrêt de nouveaux champs gaziers. D’après nos informations, obtenues sur la base de données IJGlobal, la dernière transaction pour de nouveaux champs gaziers remonte à 2019 alors que BNP Paribas a participé à au moins 3 transactions à des FPSO depuis 2020.
  5. Les “reserve based lending” sont comme leur nom l’indique un type de prêt garanti par les réserves pétrolières des entreprises qui contractent la dette. En cas de défaut, les profits générés par l’exploitation de ces réserves iront avant tout aux banques qui ont versé le crédit.
  6. Loin d’être en transition, ces entreprises sont à l’avant garde de l’ouverture de nouveaux champs d’hydrocarbures. Leur diversification au-delà de l’extraction pétro-gazière repose en grande partie sur le développement de nouvelles activités toujours dépendantes des énergies fossiles, comme le GNL, la production d’électricité à partir de gaz ou encore le plastique. Voir l’analyse des plans climat des 9 principales entreprises europénnes et états-uniennes du pétrole et du gaz.
  7. BNP Paribas n’ inclut pas les obligations dans les engagements pris depuis janvier sur la production pétrolière et gazière. Un double standard est donc appliqué avec les engagements précédents sur le charbon et surtout avec les engagements aux catégories “vertes” ou “bas carbone”.
  8. D’après les données du Banking on Climate Chaos, Reclaim Finance, RAN & co, mars 2023.
  9. Les prêts garantis sur les réserves sont utilisés pour financer des entreprises risquées, ce qui est rarement le cas des grandes entreprises intégrées, avec des potentielles exceptions pour le financement de leurs filiales opérantes dans certains pays.
  10. Lire l’interview d’Antoine Sire, directeur de l’engagement de BNP Paribas dans la Tribune.
  11. Voir l’analyse des plans climat des 9 entreprises pétrolières et gazières européennes et états-uniennes par Reclaim Finance.

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2023-06-29T09:25:16+02:00