AG d’ArcelorMittal : Les actionnaires doivent voter contre l’acier à base de charbon

ArcelorMittal, le deuxième producteur mondial d’acier, bloque la sortie nécessaire du charbon en développant de nouveaux hauts-fourneaux dépendants de ce combustible fossile, et en prolongeant la durée de vie de ceux existants. Alors que son assemblée générale annuelle se déroulera le 30 avril prochain, Reclaim Finance appelle les actionnaires de l’entreprise à renforcer leur démarche d’engagement actionnarial en faveur du climat, et à s’opposer à la persistance d’activités liées au charbon dans leurs décisions de votes.

En tant que producteur d’acier, ArcelorMittal fait partie des entreprises les plus émettrices au monde, et est à ce titre engagée par plusieurs investisseurs dans le cadre du Climate Action 100+. Détenue à 40% par la famille Mittal [1], l’entreprise n’a jamais fait l’objet d’un dépôt de résolution climatique actionnariale. Certains actionnaires engagent cependant l’entreprise par d’autres moyens, notamment du dialogue bilatéral et l’envoi de courriers privés. L’année dernière, un groupe d’investisseurs incluant notamment Nordea Asset Management, Aegon Asset Management, MFS Investment Management et Ruffer LLP, a ainsi adressé à ArcelorMittal plusieurs demandes liées au climat [2]. L’entreprise n’y a cependant apporté aucune réponse satisfaisante depuis [3], ce qui justifie une action renforcée de la part des investisseurs dans le cadre d’une démarche d’escalade crédible.

Une stratégie faisant toujours la part belle au charbon

Alors que le charbon est l’un des combustibles fossiles les plus émetteurs de gaz à effet de serre, ArcelorMittal prévoit toujours de produire de l’acier en y ayant recours dans les prochaines années. L’entreprise continue en effet de prolonger la durée de vie de ses hauts-fourneaux existants, et d’investir dans de nouveaux hauts-fourneaux fonctionnant au charbon, notamment en Inde dans le cadre d’une coentreprise avec Nippon Steel [4].

Une récente analyse publiée par l’Australasian Centre for Corporate Responsibility (ACCR) [5] montre que moins de la moitié des projets de décarbonation d’ArcelorMittal ont le potentiel de produire de l’acier sans énergie fossile [6]. Il s’agit notamment de projets reposant sur les technologies de captage et de stockage de CO2, alors qu’ils n’ont pas encore fait leurs preuves à grande échelle [7].

Au-delà des projets reposant sur le charbon, le doute plane sur la mise en œuvre des projets basés sur des technologies plus propres, notamment l’hydrogène vert, situés en Europe [8]. En février 2024, le directeur des opérations européennes d’ArcelorMittal déclarait en effet que l’hydrogène vert était trop cher pour être utilisé dans ses aciéries européennes [9]. Ces propos sont d’autant plus inquiétants que l’entreprise reçoit des subventions massives en Europe pour développer cette technologie [10].

Par ailleurs, la stratégie climatique de l’entreprise se distingue par un manque de clarté. ArcelorMittal prévoit par exemple un investissement total de 10 milliards de dollars pour atteindre son objectif de décarbonation à 2030, mais elle n’explique pas en détail la manière dont ce montant contribuera à la mise en œuvre de ses différents leviers de décarbonation [11].

S’opposer au développement de l’acier à base de charbon dans les votes stratégiques de routine 2024

Face à l’absence d’avancée d’ArcelorMittal en matière d’action climatique, et la persistance de ses activités liées au charbon, Reclaim Finance appelle les investisseurs à se saisir de l’échéance clé qu’est l’assemblée générale 2024 pour escalader leur engagement. Les actionnaires doivent poursuivre leurs actions actuelles en posant des questions écrites et orales sur les projets de l’entreprise liés au charbon, et sur ceux liés aux technologies soutenables alternatives, et ils doivent accentuer la pression mise sur l’entreprise en intégrant l’enjeu climatique dans leurs votes sur les résolutions stratégiques de routine.

Les votes en assemblée générale constituent en effet un outil important pour les actionnaires dans la mesure où ils peuvent influencer la stratégie et la gouvernance de l’entreprise, et envoyer un signal fort au conseil d’administration et au management. Les questions climatiques sont par ailleurs étroitement liées aux considérations stratégiques des entreprises les plus émettrices, dont ArcelorMittal fait partie. Elles doivent donc être prises en compte dans certaines résolutions clés en assemblée générale, parmi lesquelles celles relatives à la réélection des administrateurs et à la rémunération des dirigeants. Le conseil d’administration et les dirigeants exécutifs étant chargés de la définition et de la mise en œuvre de la stratégie, ils doivent à ce titre être tenus responsables en cas de plans climaticides basés sur les énergies fossiles, et être sanctionnés pour ceci dans les votes.

A l’assemblée générale 2024 de ArcelorMittal, Reclaim Finance appelle donc les investisseurs à voter contre : 

  • Les résolutions 5 et 6 relatives à la rémunération des dirigeants ; 
  • La résolution 7 relative à la gestion de l’entreprise par le conseil d’administration ; 
  • La résolution 8 relative à la réélection de l’administratrice Clarissa Lins, présidente du comité de durabilité ; 
  • La résolution 9 relative à la réélection de l’administratrice Karyn Overlmen. 

Reclaim Finance appelle également les investisseurs à reproduire des votes similaires à l’avenir tant qu’ArcelorMittal continuera de développer des hauts-fourneaux fonctionnant au charbon, et de prolonger la durée de vie de ses hauts-fourneaux existants. 

L’assemblée générale 2024 d’ArcelorMittal doit faire du climat la priorité. Il est crucial que les investisseurs prennent en compte les considérations climatiques dans leurs décisions de vote sur les résolutions stratégiques, en sanctionnant la poursuite d’activités liées au charbon métallurgique. Dans le cas contraire, ils risqueraient de contribuer indirectement à l’inaction climatique de l’entreprise. 

Notes :

  1. ArcelorMittal, Shareholding Structure 
  2. ArcelorMittal, Minutes of the Annual General Meeting of Shareholders, Mai 2023
    Les demandes portaient notamment sur la décarbonation des projets de production d’acier en dehors de l’Europe et du Canada, l’engagement à obtenir une certification SBTi 1,5°C et à définir des cibles de décarbonation associées, et la transparence sur les dépenses d’investissement. 
  3. Depuis la dernière assemblée générale, l’entreprise n’a pas communiqué de nouveaux objectifs climatiques et n’a pas mis à jour son rapport climat qui date de 2021. 
  4. IEEFA, ArcelorMittal : Green Steel for Europe, blast furnaces for India, Février 2023  
  5. ACCR, Forging pathways, insights for the green steel transformation, Mars 2024  
  6. D’après l’analyse d’ACCR, seuls 46,7 % des projets de décarbonation d’ArcelorMittal ont des objectifs clairs et un « potentiel vert ». Le « potentiel vert » désigner les méthodes de production d’acier qui ont le potentiel d’éliminer complètement l’utilisation des combustibles fossiles. Il s’agit par exemple de l’utilisation d’hydrogène vert pour la réduction directe du fer, la pelletisation et le recyclage d’acier dans des fours à arc électriques. Pour plus d’informations, voir : ACCR, Steel Sector Tracker 
  7. IEEFA, Carbon Capture : a decarbonisation pipe dream, Septembre 2022  
  8. LeadIt, Green Steel Tracker 
  9. HydrogenInsight, Green hydrogen is too expensive to use in our EU steel mills even though we’ve secured billions in subsidies, Février 2024  
  10. Disclose, ArcelorMittal : Un champion des émissions de CO2 biberonné aux aides publiques, Mars 2023
    Clean Energy Wire, EU approves German subsidies for ArcelorMittal green steel plans, Février 2024
    Investment Monitor, ArcelorMittal will cut plant emissions in France, Janvier 2024
    HydrogenInsight, ArcelorMittal hoovers up another €280m of subsidies for a “green steel” plant that might never use green hydrogen, Juin 2023 
  11. Climate Action 100+, Net Zero Company Benchmark, page ArcelorMittal

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2024-04-11T11:11:39+02:00