Copublié avec les Amis de la Terre France
Paris, 13 mai 2024 – À rebours de la science climatique et de leurs propres engagements pour limiter le réchauffement à 1,5°C, les grandes banques françaises ont accordé 67 milliards de dollars à l’expansion fossile entre 2021 et 2023. C’est ce que révèle la nouvelle édition du Banking on Climate Chaos publiée par 8 organisations dont Reclaim Finance, avec le soutien des Amis de la Terre France (1). Alors que les banques françaises ont baissé leurs financements aux développeurs fossiles en 2023, Reclaim Finance et les Amis de la Terre France appellent BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et BPCE à définitivement cesser tout soutien à l’expansion des énergies fossiles et à augmenter massivement leurs soutiens à l’approvisionnement en énergies soutenables (2).
La 15ème édition du rapport Banking On Climate Chaos, qui constitue l’analyse mondiale la plus large et complète sur les financements aux énergies fossiles, couvre cette année un périmètre plus large du secteur en incluant l’ensemble de la chaîne de valeur (3).
Il révèle que, depuis l’Accord de Paris fin 2015, les 60 plus grandes banques mondiales ont accordé 6 896 milliards de dollars aux énergies fossiles (4). Les banques états-uniennes restent en tête du classement avec 31 % des financements accordés au secteur, devant les banques chinoises (15 %), canadiennes (13 %), japonaises (11 %). Les banques anglaises puis françaises arrivent ensuite avec respectivement 8 % et 7 % des financements aux énergies fossiles depuis 2016.
Alors que les banques françaises se sont engagées à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 suivant une trajectoire 1,5°C en rejoignant la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ) en 2021, elles ont accordé entre 2021 et 2023 67 milliards de dollars à l’expansion des énergies fossiles (5). Un soutien qui provient à 99 % de quatre banques : BNP Paribas (US$23,9 milliards), Crédit Agricole (US$17 milliards), Société Générale (US$15,6 milliards) et Banque Populaire Caisse d’Epargne (BPCE – US$9,7 milliards).
Si les quatre grandes banques françaises apparaissent désormais peu exposées au secteur du charbon, elles continuent de financer largement le secteur pétrolier et gazier – avec 57,6 milliards de dollars accordés à son expansion entre 2021 et 2023 (6).
Devant des signaux climatiques au rouge, c’est à toute la chaîne des énergies fossiles qu’il faut s’attaquer ! Que les banques puissent encore financer de nouveaux champs ou terminaux de gaz naturel liquéfié est aussi catastrophique pour le climat que révélateur de l’insuffisance de leurs politiques sectorielles. Les banques doivent de toute urgence cesser de financer l’expansion pétro-gazière et privilégier des financements aux énergies soutenables pour la production d’électricité.
Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance
Les quatre banques françaises sont particulièrement exposées aux majors et grandes entreprises pétrolières et gazières publiques et privées (7) – dont TotalEnergies, Eni et Saudi Aramco -, qu’elles ont soutenues à plus de 26,8 milliards de dollars entre 2021 et 2023 – faisant de la France le 2ème plus gros pays à soutenir ces entreprises en dépit de leur stratégie d’expansion dans les énergies fossiles.
En 2023, une des évolutions notables est la réduction des financements des banques françaises à ces entreprises (8). Si ces dernières ont demandé moins de financements (9), elles se sont aussi globalement tenues à l’écart de plusieurs transactions, notamment au deuxième semestre. Ce comportement tranche avec les financements passés, particulièrement pour BNP Paribas, traditionnellement en tête des banques derrière ces entreprises (10). La banque passe ainsi de la 3e place en 2021 à la 9e en 2023.
Si la baisse des financements de BNP Paribas aux majors est bienvenue, elle doit impérativement se traduire dans un engagement ferme à cesser de soutenir toute expansion du pétrole et gaz. Ne plus faire d’émissions obligataires conventionnelles au secteur, tel qu’indiqué par la banque (11), est sans aucun doute un pas notable dans la bonne direction. Mais en l’absence d’une politique couvrant tous les services financiers à l’expansion, BNP Paribas campe sur une logique de choix au cas par cas, et laisse ainsi la porte ouverte à de nouvelles transactions toxiques et contraires à ses propres promesses, comme en atteste son financement de 2023 à Eni (12).
Lorette Philippot, chargée de campagne aux Amis de la Terre France
Si BPCE peut toujours financer de nouveaux champs gaziers, à la différence des autres grandes banques françaises, aucune d’entre elles ne s’est engagée à ne plus financer directement de nouveaux terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL). Crédit Agricole et BPCE ont même augmenté entre 2021 et 2023 leurs financements à l’expansion du GNL, respectivement de 40% et 41% (13).
Mais c’est encore plus sur les financements aux entreprises, qui représentent la quasi-totalité de l’ensemble des soutiens financiers au secteur, que les politiques font défaut. Malgré les spécificités propres à chaque banque (14), toutes convergent sur un point : les banques françaises peuvent toujours soutenir les entreprises intégrées qui, à l’instar des majors, sont actives sur toute la chaîne de valeur – même si elles développent de nouveaux projets de production et de transport dans les énergies fossiles.