Financement à long terme de TotalEnergies : le soutien dangereux des acteurs financiers

Paris, le 30 septembre 2024 – Alors que TotalEnergies réunit ses investisseurs ce mercredi, Reclaim Finance révèle le soutien de plus en plus long-terme des investisseurs et des banques à l’entreprise dans un nouveau briefing (1) – un soutien qui lui permettra de continuer sa stratégie d’expansion fossile sur des décennies. En effet, les récentes obligations émises par TotalEnergies pour lever de l’argent ont des durées de vie anormalement longues – jusqu’à 40 ans. Mais si TotalEnergies sort gagnant de cette stratégie de financement, le pari est risqué pour les banques et les investisseurs impliqués et les impacts dramatiques pour le climat et les populations. Reclaim Finance exhorte les acteurs financiers à ne plus participer aux nouvelles obligations de TotalEnergies et à mettre fin de toute urgence à leur soutien aux entreprises développant des projets pétroliers et gaziers.

3 milliards de dollars levés en septembre 2024, 4,25 milliards en avril : TotalEnergies a émis cette année, avec succès, plusieurs obligations (2) – avec l’aide de nombreuses banques, dont Société Générale et le groupe Banque Populaire Caisse d’Epargne (BPCE). Des obligations à la durée de plus en plus longue : 22 ans en moyenne entre 2020 et 2024 contre 6 entre 2000 et 2004 (3). Les plus récentes s’étendent par exemple jusqu’en 2064, ce qui signifie qu’elles ne devront être remboursées par TotalEnergies aux investisseurs que dans de très nombreuses années.

Ces récentes transactions illustrent le rôle crucial que jouent les obligations dans la stratégie de financement de TotalEnergies. Principal levier de financement de l’entreprise – près de 70% des montant levés proviennent des obligations (4) – celles-ci sont une source de financement facile d’accès et avantageuse.

Pour une entreprise comme TotalEnergies, ces émissions d’obligations sont du pain béni : les banques et investisseurs répondent présents, sans avoir leur mot à dire sur l’utilisation qui sera faite de l’argent. Les durées anormalement longues des dernières obligations doivent pourtant nous alerter. Les acteurs financiers sont en train de donner à TotalEnergies les conditions idéales pour mener à bien ses plans d’expansion fossile et lui permettent de sécuriser des conditions d’emprunt avantageuses sur une très longue période.

Lara Cuvelier, chargée de campagne Investissements soutenables

En permettant à TotalEnergies de s’endetter sur d’aussi longues durées, les banques et investisseurs contribuent au développement des champs et infrastructures de pétrole et de gaz prévus par l’entreprise sur les décennies à venir. Alors que de moins en moins de banques acceptent de financer directement les projets pétro-gaziers, l’argent levé par les obligations peut pourtant être utilisé pour les financer. Exemple : le projet d’oléoduc controversé EACOP en Afrique de l’Est est en partie financé par les capitaux propres de ses actionnaires, dont TotalEnergies (5) – de l’argent qui peut venir du marché obligataire.

ll faut mettre fin à l’hypocrisie des politiques climat des investisseurs et des banques : si Société Générale par exemple exclut de financer directement les projets pétroliers et gaziers en raison du climat, pourquoi est-elle impliquée dans 18 obligations actives de TotalEnergies, dont une très récente, alors que la majorité des investissements de l’entreprise vont dans le pétrole et le gaz ? Soutenir ces obligations est dangereux pour le climat.

Antoine Bouhey, coordinateur de la campagne Defund TotalEnergies

Si cette stratégie de financement est gagnante pour TotalEnergies, le pari est bien plus risqué pour les investisseurs impliqués. Ces financements vont augmenter les risques systémiques liés au climat, risques qui mettent déjà en danger l’avenir du secteur pétrolier et gazier et donc la valeur de ses actifs (6).

En mai dernier, BNP Paribas et Crédit Agricole ont annoncé ne plus participer aux obligations conventionnelles du secteur pétrolier et gazier (7). Une décision que les autres grandes banques françaises doivent adopter de toute urgence. En effet, alors qu’une obligation de TotalEnergies arrive à maturité le 4 octobre prochain, l’entreprise pourrait chercher à la renouveler. Reclaim Finance appelle donc les banques impliquées dans cette obligation et dans les dernières transactions de 2024, notamment Société Générale et BPCE, à ne plus participer à l’émission de nouvelles obligations de TotalEnergies.

Reclaim Finance appelle également les investisseurs, dont BNP Paribas AM et Amundi (8) impliqués dans la transaction d’avril 2024, à ne plus acheter de nouvelles obligations de TotalEnergies. Tous les acteurs financiers doivent plus généralement mettre fin à leur soutien aux entreprises développant de nouveaux projets pétro-gaziers.

Contacts :

Notes :

  1. Reclaim Finance, “TotalEnergies et les marchés financiers : le secteur financier s’engage pour des décennies de pollution”, 30 septembre 2024 
  2. Le 10 septembre 2024, TotalEnergies levait 3 milliards de dollars sur le marché obligataire à travers trois émissions distinctes. Quelques mois auparavant, le 5 avril 2024, TotalEnergies levait cette fois-ci 4,25 milliards de dollars sur le marché obligataire. 
  3. Etude AFII réalisée à partir du terminal Bloomberg. 
  4. Entre 2016 et 2023, 69.8% des financements de TotalEnergies proviennent des obligations selon les données du rapport Banking On Climate Chaos, 2024 
  5. Le projet a été financé jusqu’à présent par les capitaux propres de ses actionnaires, dont TotalEnergies, qui ont apporté au moins 2 milliards de dollars au projet. Les 3 milliards de dollars manquants, censés être obtenus par des prêts dédiés, n’étaient toujours pas levés mi-septembre 2024.    
  6. Le changement de cadre qu’impose la prise en compte du risque climatique va accroître le coût des infrastructures fossiles et impacter l’offre et la demande d’énergies fossiles. Ce nouveau contexte transformera un certain nombre de nouveaux champs, terminaux de gaz naturel liquéfié, oléoducs ou gazoducs en actifs échoués, qui seront une charge pour les entreprises les ayant développés et leurs investisseurs. Les règlementations qui seront adoptées pour permettre une transition vers les énergies renouvelables impacteront également les entreprises du secteur fossile, leurs actifs et donc leurs investisseurs. 
  7. Ces annonces, qui restent imparfaites, constituent tout de même une avancée majeure pour la lutte contre le dérèglement climatique.  Voir :  Reclaim Finance, BNP Paribas et Crédit Agricole disent non aux obligations pour le secteur pétro-gazier.  
  8. Les groupes bancaires doivent adopter des mesures équivalentes pour leurs filiales de gestion d’actif. BNP Paribas et Crédit Agricole ne peuvent de ce fait pas prétendre être pleinement engagées dans la lutte contre le dérèglement climatique, alors que leurs filiales de gestion d’actifs (BNP Paribas AM et Amundi) continuent d’investir dans les obligations qu’ils rejettent côté bancaire 

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2024-09-30T08:25:30+02:00