Paris, le 15 octobre 2024 – Les grandes banques françaises ont continué de soutenir des groupes problématiques du secteur du charbon, malgré leurs engagements pris il y a quatre ans : c’est ce que révèle une nouvelle analyse de Reclaim Finance (1) qui a identifié plusieurs transactions, notamment à des entreprises développant de nouvelles mines ou centrales à charbon. En cause : des failles dans les politiques de BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole ou encore Banque Populaire Caisse d’Epargne (BPCE)/Natixis. Reclaim Finance dénonce des pratiques trompeuses de la part des banques qui ont à maintes reprises affiché leur “sortie du charbon”. Reclaim Finance appelle donc l’Autorité des marchés financiers à faire cesser ce greenwashing et à exiger des banques de corriger ces pratiques, sous peine de sanctions.
Si les financements des banques françaises au secteur du charbon ont baissé depuis l’adoption de leurs politiques en 2020 (2), plusieurs transactions problématiques ont continué à avoir lieu entre 2021 et 2023. L’analyse de Reclaim Finance révèle que BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole et Banque Populaire Caisse d’Epargne/Natixis ont soutenu des entreprises qui développent encore de nouvelles mines ou centrales à charbon. Parmi elles se trouvent le sud-coréen Posco ou le japonais Mitsubishi. Des financements ont également été identifiés à des entreprises qui n’ont pas de date de sortie publique du secteur du charbon, ou des dates publiques qui ne permettent pas de limiter le réchauffement à 1,5°C (3).
En tout, 20 groupes problématiques ont été soutenu par BNP Paribas dont 8 entreprises développant de nouvelles mines ou centrales à charbon, 11 groupes par le Crédit Agricole, 9 par Société Générale et 3 par BPCE/Natixis.
La nécessité de mettre fin à l’expansion du charbon, fortement polluant, est connu de tous. Et pourtant, les banques françaises, tout en s’engageant publiquement à mettre fin à leur soutien au développement du secteur, ont continué à le financer ces dernières années. Cette analyse prouve que les engagements des banques doivent être vérifiés et leurs pratiques trompeuses sanctionnées.
Yann Louvel, analyste politiques sectorielles à Reclaim Finance
Si ces transactions aux entreprises problématiques du secteur du charbon ne constituent pas des “infractions” à leurs politiques charbon, elles n’en restent pas moins contraires aux objectifs affichés par ces politiques : l’arrêt du financement de l’expansion du secteur et le soutien à une sortie du secteur d’ici 2030/2040.
Quatre failles majeures ont pu être identifiées dans ces politiques, que l’on retrouve chez une ou plusieurs banques, qui peuvent expliquer ces transactions :
- La filiale qui opère ou détient des actifs charbon est exclue des financements, mais pas le groupe auquel elle appartient ;
- Une entreprise ne sera pas concernée par les politiques des banques si elle détient moins de 50% du projet charbon ;
- Un projet industriel – même s’il inclut une centrale à charbon captive – pourra être financé, ou l’entreprise industrielle qui développe cette centrale à charbon ;
- Des entreprises pourront être financées au cas par cas sur la base d’informations confidentielles reçues par les banques sur la date de sortie du secteur du charbon.
L’analyse de Reclaim Finance souligne également le manque de transparence des banques sur leurs politiques charbon, un problème pointé du doigt également par les régulateurs français (4). Interrogées à plusieurs reprises par Reclaim Finance, la plupart des banques n’ont pas répondu, ou pas de manière exhaustive, sur les modalités d’application de leurs politiques.
A en croire les banques, le soutien au secteur du charbon est derrière elles – mais cela ne se reflète pas dans la qualité de leurs politiques. Ces transactions problématiques sont bien contraires aux objectifs affichés par les banques. Cette contradiction constitue du greenwashing car les communications des banques sur le charbon peuvent tromper les investisseurs et les parties prenantes. C’est à l’Autorité des marchés financiers de jouer désormais en assumant son rôle de gendarme pour mettre fin à ces incohérences et sanctionner les banques si les failles dans les politiques persistent.
Yann Louvel, analyste politiques sectorielles à Reclaim Finance