Contre l’agenda de dérégulation de la FBF, les banques françaises doivent parler

Après des révélations de l’Agence France Presse (AFP), la Fédération bancaire française (FBF) a rendu publique sa position sur la future loi de déréglementation « omnibus ». La représentante des banques françaises va très loin dans ses demandes concernant les textes européens sur le devoir de vigilance et le reporting extra-financier. Loin de s’attaquer à une « surcharge administrative », la FBF plaide bien pour renoncer à l’ambition et l’esprit de ces textes, au mépris des droits humains et de l’environnement. Reclaim Finance appelle donc les banques françaises qu’elle représente à rompre publiquement avec cette position.

Le mercredi 26 février, la Commission européenne présentera la loi Omnibus qui entend « simplifier » la directive sur le devoir de vigilance, la directive sur le reporting de durabilité, la taxonomie européenne et potentiellement le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Alors que ce texte pourrait marquer un recul historique en matière de droits humains, sociaux et de protection de l’environnement, il a été développé dans la plus grande opacité. Aucune consultation publique, ni étude d’impact n’a été conduite, et l’essentiel des informations disponibles sont issues de fuites dans la presse.

Une position radicale contre l’esprit des textes

La Fédération bancaire française a saisi cette occasion pour obtenir plusieurs demandes qui lui avaient été refusées lors du long processus législatif ayant conduit à l’adoption des directives aujourd’hui attaquées. Elle entend ainsi protéger les banques de tout risque légal en cas de financements d’entreprises qui ne respectent pas les droits humains ou dégradent l’environnement, en :

  • Actant l’exclusion des services financiers du champ de la directive devoir de vigilance, une demande soutenue par le gouvernement français qui n’avait pas été entièrement entendu lors de l’adoption du texte avec le maintien d’une clause de révision sur le sujet.
  • Réduisant le devoir de vigilance à une « obligation de diligence », ce qui signifierait que les entreprises ne sont pas tenues responsables pour l’impact final du processus de vigilance mais uniquement pour la réalisation des contrôles eux-mêmes.
  • Limiter l’application du devoir de vigilance aux partenaires directs, ce qui remet en cause la notion même de « chaîne d’activités » exigeant de regarder l’ensemble du processus de production d’un bien ou service.

Au-delà, la FBF veut supprimer l’obligation de mise en œuvre de plans de transition climat. Ce dispositif est pourtant le seul qui intègre directement l’enjeu climatique et pousse les entreprises à opérer leur transition de manière compatible avec les objectifs européens. 

Contrairement aux positions passées de ses membres, la FBF pousse aussi pour un allégement global des obligations de reporting. Surtout, elle vise un standard banque « sur mesure » reposant sur un nombre faible d’indicateurs et réduisant significativement les obligations de collecte d’informations sur l’activité des entreprises financées. De manière paradoxale, la FBF met en avant la spécificité des banques et refuse l’ajout d’indicateurs qui permettraient de prendre celle-ci en compte.

Un silence coupable des banques françaises ?

En dépit de la radicalité des propositions de la FBF, les 320 entreprises bancaires qu’elle représente restent silencieuses. Et, comme souvent, les activités de lobbying semblent avoir été sous-traitées à la fédération qui a récemment rencontré les équipes des commissaires Dombrovskis et Albuquerque. Seule la Société Générale semble elle aussi avoir directement ciblé la Commission, sans pour autant publier sa position sur les textes.

Le contraste entre les positions passées de nombreuses banques françaises et le travail actuel de la FBF est frappant. En effet, les banques françaises se sont souvent présentées comme défenseurs d’une réglementation européenne ambitieuse sur le climat, l’environnement et les droits humains.

Dans ce contexte, les banques françaises ne peuvent plus rester silencieuses. Si elles ne soutiennent pas la casse en règle des obligations européennes en matière de devoir de vigilance et de transparence extra-financière, elles doivent le dire maintenant haut et fort et alerter la Commission.

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2025-02-24T17:31:58+01:00