Le projet “Omnibus” européen est une vaste entreprise de déréglementation qui vide les obligations de leur substance en matière de devoir de vigilance et de transparence sur l’impact environnementale et climatique. Conçu par la Commission Européenne dans le cadre d’un processus opaque qui ignore les règles de gouvernance et de démocratie de l’Union, il met en péril des années de travail législatif visant à exiger des entreprises le respect les droits humains et sociaux, la préservation de l’environnement et un alignement sur les objectifs climatiques. Dans ce contexte, Reclaim Finance a analysé la proposition Omnibus dans une note et met en évidence une très forte similarité entre son contenu et les souhaits des lobbies industriels (Medef/BDI/Confindustria, la Fédération bancaire française, Business Europe et la Chambre de commerce américaine). Ces éléments suggèrent que le projet Omnibus a été capturé par les lobbies et fait de son arrêt une nécessité démocratique.
La proposition Omnibus présentée par la Commission européenne transformerait le devoir de vigilance en un simple exercice de conformité et supprimerait l’obligation de mettre en œuvre un plan de transition climatique. Dans le même temps, elle limiterait la publication d’informations sur la durabilité à une poignée de très grandes entreprises et se concentrerait sur des informations qui sont déjà – au moins partiellement – disponibles aujourd’hui, ne répondant ainsi pas à la nécessité de fournir des données fiables en abondance.
L’Omnibus est une attaque historique contre les droits humains, la protection de l’environnement et l’action climatique, en contradiction avec les propres objectifs de l’Union européenne. Il est un obstacle direct au besoin de mobiliser des financements massifs pour financer la transition écologique, 80 % des financements supplémentaires nécessaires devant provenir du secteur privé selon le rapport Draghi.
Un processus exceptionnel, ouvrant la porte à la capture réglementaire
En février 2025, cinquante-deux organisations – dont Reclaim Finance – ont averti la Commission que « le processus qui sous-tend la proposition Omnibus prive le public de ses droits démocratiques en vertu des traités » et qu’il y a un « risque sérieux de capture réglementaire ». En effet, l’Omnibus a été adopté à la hâte par la Commission, sans consultation publique. Il vise des directives qui n’ont pas encore été pleinement appliquées, sans attendre leur évaluation ni fournir d’étude d’impact. Au contraire, de nombreux changements proposés contredisent les études d’impact précédemment conduites.
Les informations reçues par la Commission proviennent en grande partie de réunions directes avec les entreprises et de deux « forums” où elle a présenté son projet. Le contenu exact des réunions que les commissaires à l’origine de l’Omnibus – notamment le commissaire Dombrovskis et le vice-président exécutif Séjourné – et leurs équipes ont eues avec les grandes entreprises dans les semaines précédant la proposition n’est pas divulgué.
Un « copier-coller » des demandes des lobbies industriels
Dans ce contexte, Reclaim Finance a analysé les demandes de quatre groupes industriels majeurs reçues par les commissaires récemment en examinant les documents ci-dessous :
- La lettre commune du Medef, de la BDI et de la Confindustria adressée à la Commission.
- La prise de position de la Fédération bancaire française (FBF) sur “la réduction de la bureaucratie”.
Cette étude révèle un très haut degré de similitude entre les mesures incluses dans l’Omnibus et ces demandes. Si les demandes des quatre groupes ne sont pas toujours formulées de la même manière, elles convergent largement. Une direction commune claire se dégage de ces positions, et celle-ci correspond étroitement à la proposition de la Commission. Ainsi, toutes les mesures de l’Omnibus sont au moins partiellement alignées sur les demandes des lobbies étudiés.
70% (7/10) des demandes inclues dans la lettre signée par le Medef, le BDI et la Confindustria ont été reprises dans la proposition législative présentée par la Commission européenne. La Fédération bancaire française (FBF) a réussi faire reprendre 62% de ses demandes (8/13) dans le texte final. Ce n’est pas rien dans la mesure où ces acteurs ont activement milité pour l’exclusion définitive des services financiers, l’affaiblissement des responsabilités et des sanctions, ou la suspension de la directive sur le devoir de vigilance. Sur l’ensemble de ces points, ils ont obtenu une première grande victoire, qui dépend maintenant du Parlement européen et du Conseil de l’UE.
Compte tenu de l’opacité du processus et du mépris des étapes réglementaires habituelles de l’UE, le fait que le contenu de l’Omnibus corresponde étroitement aux demandes des principaux lobbies industriels ne peut être ignoré. Cette situation suggère que ce projet est en grande partie le résultat de la mainmise des entreprises. Alors que l’Omnibus affaiblirait gravement la protection des droits humains et de l’environnement et les obligations nécessaires pour favoriser l’action climatique, c’est à la fois une nécessité démocratique et socio-écologique de l’arrêter.