14 Octobre 2025 – Les initiatives visant à utiliser des crédits carbone pour financer la fermeture anticipée de centrales à charbon en Asie ne garantissent pas une réduction des émissions et risquent même d’entraîner une augmentation des émissions mondiales. C’est ce que révèle une nouvelle analyse publiée aujourd’hui par Reclaim Finance et le Centre pour l’Énergie, l’Écologie et le Développement (CEED) aux Philippines (1). Pour maintenir le réchauffement sous le seuil de 1,5°C ou même 2°C, les pays hors de l’OCDE doivent cesser d’utiliser le charbon d’ici 2040 pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux. Pourtant, près de 2000 centrales à charbon sont encore en activité à travers l’Asie. Reclaim Finance et le CEED appellent les décideurs politiques à donner la priorité à la croissance rapide des sources d’énergie soutenable et à des réglementations imposant la fermeture des centrales à charbon, plutôt qu’à des mécanismes de compensation carbone jugés risqués.
Les crédits pour la transition du charbon (en anglais coal transition offsets) sont promus par le gouvernement de Singapour, la Fondation Rockefeller, des institutions financières et des acteurs de l’industrie impliqués dans la compensation carbone afin de contribuer au financement de la fermeture anticipée de centrales à charbon, en particulier en Asie, pour limiter le réchauffement planétaire. Cependant, l’analyse de Reclaim Finance et CEED, fondée sur deux projets pilotes, révèle que ces crédits ne constituent probablement pas une solution efficace pour réduire les émissions mondiales.
Les données provenant de deux centrales philippines participant à des projets pilotes de crédits de transition du charbon – menés respectivement dans le cadre de l’initiative Traction de l’Autorité monétaire de Singapour, et de l’initiative Coal to Clean Credit (CCCI) de la Fondation Rockefeller – montrent des incohérences concernant la durée de vie prévue des centrales et le niveau d’émissions estimé si elles n’étaient pas fermées (2).
Reclaim Finance et CEED estiment que cette confusion rend impossible l’évaluation précise des émissions réellement évitées par la fermeture anticipée de ces deux centrales. Le calcul du nombre de crédits carbone pouvant être vendus à la suite de cette fermeture sera toujours incertain, mais les acteurs impliqués ayant intérêt à maximiser le volume de crédits générés, le chiffre a de fortes chances d’être gonflé.
Le rapport montre que ces problèmes sont récurrents dans les précédents systèmes de compensation carbone, où les réductions d’émissions revendiquées ne reposaient sur aucune économie réelle d’émissions. L’analyse met en garde contre les intérêts financiers des participants au marché du carbone qui rendent les surestimations quasi inévitables, soulignant qu’il existe des failles inhérentes au concept même de compensation.
Les crédits carbone ne sont tout simplement pas la solution pour fermer les centrales à charbon. En réalité, ces propositions risquent d’augmenter les émissions. Les décideurs politiques doivent tirer les leçons des échecs des scandales passés liés à la compensation et reconnaître qu’elle ne fonctionne pas. Ils devraient plutôt concentrer leurs efforts sur des réformes structurelles imposant une sortie du charbon et levant les obstacles à l’expansion rapide de l’énergie solaire, du stockage par batteries et d’autres sources d’énergie soutenables.
Patrick McCully, analyste énergie chez Reclaim Finance
Les crédits générés par la fermeture des centrales à charbon seraient achetés par des entreprises et des gouvernements pour atteindre leurs objectifs climatiques, au lieu de réduire leurs propres émissions. Etant donné que beaucoup de ces crédits ne sont pas susceptibles de représenter de réelles réductions d’émissions, cela augmentera les émissions mondiales.
Reclaim Finance et CEED soulignent que les pays dépendants du charbon, comme les Philippines et l’Indonésie, disposent d’un énorme potentiel pour développer des énergies soutenables. Cependant, pour le déployer au rythme nécessaire, des changements politiques sont indispensables, notamment en facilitant les investissements dans les réseaux électriques et en améliorant les processus d’autorisation.
Les deux organisations appellent les décideurs politiques à accélérer massivement le déploiement des énergies soutenables à court terme et à rendre obligatoire la transition vers l’abandon du charbon, plutôt que de compter sur des initiatives volontaires visant à racheter les investisseurs de centrales individuelles. A mesure que les énergies soutenables domineront l’approvisionnement électrique, la production à base de charbon deviendra de moins en moins rentable, et donc moins coûteuse et plus facile à éliminer politiquement.