Copublié avec Data for Good, LINGO et Éclaircies
Les projets d’extraction d’énergies fossiles prévus, ainsi que les bombes carbone, émettraient onze fois le budget carbone mondial restant pour maintenir le réchauffement planétaire à 1,5°C. C’est ce que révèlent de nouvelles données publiées par Éclaircies, Data for Good, LINGO et Reclaim Finance. Le consortium a identifié 176 nouveaux méga-projets dits “bombes carbone” depuis la première publication de CarbonBombs.org il y a deux ans, portant leur nombre total à 601.
En 2021, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) avait averti qu’il n’y avait plus de place pour de nouveaux investissements dans les nouveaux projets d’extraction fossile pour limiter le réchauffement à 1,5°C. Pourtant, l’industrie fossile a prévu plus de 2 300 nouveaux projets depuis 2021, qui verront le jour d’ici 2050.
L’Accord de Paris sciemment ignoré
CarbonBombs.org est le premier outil mondial cartographiant l’ensemble des bombes carbone (les projets d’extraction de gaz, pétrole ou charbon qui devraient émettre plus d’un gigatonne de CO₂ sur leur durée de vie restante), les nouveaux projets fossiles prévus jusqu’en 2050, leurs émissions prévues, ainsi que les liens financiers entre les entreprises qui développent ces projets et les banques qui les soutiennent. Les infrastructures de transport du gaz naturel liquéfié (GNL) sont également cartographiées, avec 119 nouveaux projets de terminaux d’exportation identifiés depuis 2021, signe d’une forte accélération du développement.
Ces nouvelles données montrent que l’industrie fossile et ceux qui la financent sont en train de réduire en cendre l’Accord de Paris. Pendant des années, leurs intérêts financiers ont primé sur la prévention d’un effondrement climatique irréversible.
Lou Welgryn, directrice de Data for Good
Les cinq entreprises actives dans le plus grand nombre de projets fossiles et de bombes carbones à travers le monde sont TotalEnergies, China National Offshore Oil Corporation (CNOOC), Eni, BP et Shell. Les zones les plus exposées aux bombes carbone sont notamment la Chine, la Russie, les États-Unis, l’Australie, l’Inde et l’Arabie Saoudite.
Bombes carbone : une marche inexorable vers le chaos climatique et les risques juridiques
Depuis que les bombes carbone ont été identifiées en 2020 et décrites comme telles dans le domaine public, les bombes pétrolières et gazières ont à elles seules déjà émis plus de 54 gigatonnes de CO₂. Près de 30 nouvelles bombes carbone sont entrées en activité entre 2021 et 2025, tandis que seulement 12 ont été annulées.
Les énergies fossiles doivent être éliminées progressivement, et les bombes carbone constituent le test décisif de la volonté de la communauté internationale d’en sortir. Pourtant, les entreprises fossiles, les banques et les pays riches continuent d’investir des milliards pour extraire toujours plus d’énergies polluantes
Dr Kjell Kühne, directeur de LINGO et auteur du travail académique sur les bombes carbone.
En juillet 2025, la Cour internationale de justice a soulevé la question de l’illégalité du maintien des soutiens publics aux énergies fossiles. Les gouvernements qui continuent d’accorder des licences et subventions à des industries fortement émettrices pourraient être tenus responsables au niveau international des dommages climatiques causés.
Les banques continuent de financer l’expansion fossile, destructrice pour le climat
Malgré leurs engagements climatiques, les 65 plus grandes banques mondiales ont accordé 1 600 milliards de dollars depuis 2021 aux entreprises impliquées dans les bombes carbone et de nouveaux projets fossiles.
Parmi les banques françaises, Société Générale a fourni 23,2 milliard de dollars à 56 entreprises dont TotalEnergies, Eni, et Saudi Aramco. Le groupe Banque Populaire Caisse d’Epargne (BPCE) a lui accordé 18,1 milliard de dollars à 33 entreprises, dont TotalEnergies et Saudi Aramco.
Les grandes banques mondiales ont une responsabilité dans l’aggravation du dérèglement climatique et les émissions à venir en continuant de donner carte blanche à des entreprises qui détruisent la planète. Il est plus qu’urgent que les banques arrêtent de soutenir l’expansion des énergies fossiles, y compris l’essor actuel des projets de gaz naturel liquéfié. Ces ressources doivent être consacrées aux énergies soutenables et aux projets nécessaires à la transition
Louis-Maxence Delaporte, responsable de la recherche énergie à Reclaim Finance