SFDR : la Commission européenne acte la contradiction entre expansion fossile et transition

Paris, le 20 novembre 2025 – La Commission européenne vient de publier sa proposition de réforme de la réglementation des fonds durables (SFDR). En modifiant le texte qui avait fuité quelques jours avant pour exclure les entreprises développant de nouveaux projets d’énergies fossiles des fonds des catégories «durable» et «transition», elle rappelle que ces pratiques sont incompatibles avec toute prétention à l’action climatique. Reclaim Finance salue ce signal fort mais souligne que la proposition reste insuffisante, en particulier car les fonds de la catégorie “ESG” pourraient toujours investir dans les développeurs pétroliers et gaziers. Reclaim Finance appelle les Etats Membres et les eurodéputés à exclure ces entreprises de l’ensemble des catégories SFDR proposées lors des futures discussions.

Ce mercredi, la Commission européenne a publié sa proposition de réforme de la Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) qui établit différentes catégories de fonds selon leurs caractéristiques environnementales et définit les informations extra financières qu’ils doivent fournir (1).  

Dans son texte, la Commission établit trois catégories de fonds : « durable » (article 9), “transition” (article 7) et “ESG” (article 8) – les noms exacts des catégories seront définis ultérieurement. Alertée par l’appel de plus de 120 organisations, experts et acteurs financiers (2), elle y introduit l’exclusion des entreprises développant de nouveaux projets de charbon, pétrole et gaz pour deux catégories sur trois. Contrairement à un texte qui a fuité quelques jours avant la publication, cette exclusion concerne ainsi à la fois les catégories de fonds “durable” et “transition” (3). Cependant, si la catégorie “ESG” exclut les entreprises du charbon, elle n’a pas d’exclusion sur le secteur pétrolier et gazier et risque ainsi de tromper les investisseurs qui présumerait que cette catégorie fournie de telles garanties environnementales minimales.  

vec cette proposition, la Commission européenne acte que les entreprises comme TotalEnergies qui développent les énergies fossiles ne peuvent pas être considérées comme en transition et prendre part au marché de la finance durable. Ce texte ferme la porte aux pratiques de greenwashing les plus frappantes mais devra être significativement renforcé pour permettre aux investisseurs d’investir en connaissance de cause.

Lara Cuvelier, chargée de campagne investissements soutenables à Reclaim Finance

La réforme de la SFDR intervient après de nombreux scandales révélant la présence d’entreprises du charbon, pétrole et gaz dans des fonds à prétention durable (4), à contre-courant des souhaits des épargnants intéressés par des placements responsables (5). Elle fait aussi suite à la publication de lignes directrices par le superviseur de marché européen (ESMA) encadrant l’utilisation de termes liés à la durabilité dans la dénomination des fonds qui ont rapidement donné lieu à des pratiques de contournement (6).

Alors que le texte proposé par la Commission européenne sera étudié par le Conseil européen et le Parlement européen, Reclaim Finance appelle les Etats membres, et en particulier le gouvernement français, et les eurodéputés à exiger l’exclusion des entreprises développant de nouveaux projets pétroliers et gaziers de toutes les catégories SFDR. L’ONG souligne qu’une réglementation SFDR robuste est essentiel pour mobiliser la finance et l’épargne en faveur de la transition (7) et participer à combler le déficit de financement actuel (8).

Contacts :

Notes :

  1. Proposition de la Commission européenne, 20 novembre. 
  2. Voir la lettre ouverte “Pas de place pour les développeurs fossiles dans les catégories de financement durable” (septembre 2025). 
  3. Pour les catégories “durable” et « transition », le texte propose d’exclure les entreprises qui développent de nouveaux projets d’exploration, d’extraction, de distribution ou de raffinage de charbon, pétrole et gaz et les entreprises qui développent ou n’ont pas de plan de sortie de la production de charbon et de son utilisation pour produire de l’électricité. Il applique aussi les exclusions liées aux énergies fossiles du Paris-Aligned benchmark basées sur les seuils de revenu définies à l’article 12 du règlement 2020/1818 pour la catégorie “durable”, quand les catégories “transition” et “ESG” se voit uniquement appliquer l’exclusion des entreprises tirant plus de 1% de leurs revenus du charbon. Bien que la catégorie « transition » bénéficie désormais d’exclusions minimales, elle permet néanmoins l’utilisation d’indicateurs et de justifications manifestement imprécises en matière de contribution à la transition. La catégorie « ESG » intègre elle les stratégies d’investissement ESG actuelles (dont “best in universe” et “best in class”) qui n’ont pas démontré d’impact en matière de réduction des émissions et d’action environnementales et représentent surtout des méthodes de gestion du risque. 
  4. Voir notamment l’enquête publiée par The Guardian en mai 2025 et les enquêtes primées réalisées par Voxeurop en 2024. 
  5. BEUC, Sustainable Finance: Too green to be true?, octobre 2025 
  6. Concernant les pratiques de contournements mises en œuvre par les gestionnaires d’actifs, consultez : “Nouvelles réglementations : va-t-on vers plus ou moins de greenwashing des fonds ?” (janvier 2025) 
  7. La Commission européenne présente la mobilisation de la finance privée, et notamment via l’initiative dite d’Union de l’épargne et de l’investissement (UEI), comme essentielle au financement des objectifs européens. 
  8. Selon I4CE, le déficit d’investissement climat de l’UE atteignait €344 milliards par an en 2023 (contre 498 milliards d’investissement réalisés sur l’année). 

Lire aussi

2025-11-20T12:30:41+01:00