Dans une nouvelle publication, Reclaim Finance démontre que la plupart des grands gestionnaires d’actifs soutiennent encore massivement les entreprises poursuivant l’expansion fossile, et que certains renforcent même leurs investissements et leurs votes en faveur des développeurs fossiles. Les gestionnaires d’actifs analysés détiennent au moins 16,9 milliards de dollars dans des obligations récemment émises par les plus grands développeurs fossiles et leurs votes ont approuvé cette année encore 81 % des résolutions validant les actions des conseils d’administration de ces entreprises. Ces pratiques menacent les intérêts de long terme de leurs clients qui sont exposés aux risques systémiques liés au climat. Reclaim Finance appelle les investisseurs institutionnels à renforcer leur dialogue avec leurs gérants, et à conditionner l’octroi de nouveaux mandats ou investissements à des gérants au respect de demandes basées sur la science climatique.
Reclaim Finance publie une nouvelle analyse qui expose les pratiques climatiques de 30 grands gestionnaires d’actifs européens et américains, en évaluant leur soutien aux 75 plus grands développeurs de charbon thermique et aux 75 plus grands développeurs pétro-gaziers. L’évaluation considère leurs politiques d’investissement et de vote, ainsi que leurs votes et investissements fossiles obligataires réels. L’analyse s’intéresse spécifiquement à l’expansion fossile dont la science climatique a établi l’incompatibilité avec une trajectoire 1,5°C crédible (1).
Des investissements persistants et massifs dans l’expansion fossile
Les gestionnaires d’actifs analysés détiennent ensemble au moins 16,9 milliards de dollars dans 157 obligations émises par les plus gros développeurs fossiles entre le 1er janvier 2024 et le 30 juin 2025. Vanguard et BlackRock restent les deux plus gros investisseurs fossiles, avec respectivement 4,2 et 2,9 milliards de dollars détenus.
Certains gestionnaires n’ont même toujours pas rompu avec le charbon thermique, comme Amundi qui détient des obligations récentes de Glencore, et AXA IM de China Energy Investment Corporation. Au total, les gestionnaires étudiés détiennent au moins 1,2 milliards de dollars d’obligations nouvellement émises par les développeurs de charbon thermique.
Parmi les 30 acteurs analysés, seul Ostrum Asset Management se démarque en ne détenant aucune obligation récente de grand développeur fossile. Aviva Investors, BNP Paribas AM (2), Generali AM et Nordea AM investissent peu dans les obligations des développeurs fossiles, avec moins de 30 millions de dollars détenus dans ces obligations.
Ces investissements obligataires, l’une des principales sources de financement pour les développeurs d’énergies fossiles (3), pourraient se poursuivre, voire augmenter. 20 gestionnaires analysés sur 30 peuvent n’ont aucune restriction d’investissement dans les entreprises expansionnistes liées au charbon. Pour le secteur pétro-gazier, seuls BNP Paribas AM et Nordea AM excluent partiellement les développeurs (4). Par ailleurs, l’exclusion de l’expansion du gaz naturel liquéfié est absent de toutes les politiques analysées.
Des votes largement favorables à la direction des développeurs fossiles
Les grands gestionnaires d’actifs approuvent encore massivement les actions du conseil d’administration des plus grands développeurs fossiles. Dans l’ensemble, ils votent en faveur de 81 % des réélections d’administrateurs et des décharges (5) du conseil d’administration, cautionnant ainsi les stratégies d’expansion fossile poursuivies. Parmi les plus grands soutiens, on retrouve notamment des gérants américains : State Street Investment Management, Fidelity Investments, BlackRock et Vanguard. Seuls Amundi (55 % d’opposition) et BNP Paribas AM (44 %) se démarquent légèrement (6), mais restent loin derrière Union Investment qui affiche une opposition quasi-systématique (95 %).
Les gestionnaires analysés approuvent aussi encore majoritairement la rémunération des dirigeants des développeurs fossiles. Au total, ils votent en faveur de 69% des résolutions relatives à la rémunération.
Il faut souligner que certains gestionnaires, comme Swiss Life AM ou Eurizon AM, ne justifient pas publiquement leurs votes (7). Et pour ceux qui le font, ce n’est pas toujours par des raisons climatiques : leurs votes d’opposition sont donc à nuancer. LGIM et AXA IM sont les gérants qui les expliquent le plus leur opposition aux actions du conseil d’administration par une justification climatique.
Enfin, la majorité des gestionnaires analysés (26 des 30) n’ont aucune règle de vote contre les développeurs fossiles. Seul Union Investment a pris un engagement robuste pour sanctionner ces entreprises, même s’il continue d’afficher des investissements élevés dans les entreprises sanctionnées par ces votes (8).
Une tendance au renforcement de certains soutiens fossiles
Par rapport à l’an dernier, les politiques d’investissement et de votes n’évoluent presque pas : seul Nordea AM améliore sa politique d’investissement en instaurant des exclusions partielles dans les secteurs charbonnier et pétro-gazier.
Par ailleurs, l’analyse révèle une explosion des investissements dans les obligations pétro-gazières récentes en 2025, avec une hausse de 78% des investissements détenus par les 25 gestionnaires analysés les 2 années (9). La quasi-totalité des gestionnaires présentent une forte augmentation de leurs investissements détenus dans les obligations pétro-gazières récentes, notamment BlackRock (+54 %), Janus Henderson (+307 %), AXA IM (+250 %), Amundi (+150 %) et LGIM (+123 %). A l’inverse, certains montrent que le choix d’une trajectoire de baisse des investissements est possible : Aberdeen (-26%), Allianz GIobal Investors (-58%), Fidelity International (-32%) et Schroders (-38 %).
Les pratiques de votes de la plupart des gestionnaires analysés l’année passée ne s’améliorent pas en 2025, le niveau d’opposition global restant sensiblement similaire (10). Pour certains gestionnaires, on observe toutefois des reculs des pratiques de votes pour des entreprises clés. Par exemple, concernant Shell, Amundi a voté contre 4 administrateurs du conseil d’administration et la résolution « Say on Climate » (11) en 2024, mais contre seulement 1 administrateur en 2025. De même, concernant ExxonMobil, DWS a voté contre la réélection de 11 membres du conseil d’administration en 2024, mais contre seulement 4 en 2025.
Face à la persistance des pratiques climatiques dangereuses des grands gestionnaires d’actifs, il est temps pour les investisseurs institutionnels clients de sanctionner les gestionnaires qui ne protègent pas leurs portefeuilles des risques climatiques grandissants.