Les investisseurs institutionnels laissent leurs gérants soutenir l’expansion fossile

Copublié avec AnsvarligFremtid (Danemark), Fossielvrij NL (Pays-Bas), Sierra Club (US), SOS UK, Urgewald (Allemagne). 

Paris, le 09 décembre 2025 – Les investisseurs institutionnels exposent leurs bénéficiaires à des risques financiers croissants liés au climat, en laissant leurs gestionnaires d’actifs soutenir l’expansion fossile. Dans une nouvelle analyse publiée aujourd’hui (1), Reclaim Finance et ses partenaires révèlent que 30 des plus grands gestionnaires d’actifs américains et européens détiennent près de 17 milliards de dollars d’obligations récemment émises par des développeurs d’énergies fossiles. Alors que de nombreux investisseurs institutionnels affirment inciter leurs gestionnaires à améliorer leurs pratiques climatiques, ces derniers continuent pourtant de soutenir la stratégie d’expansion des entreprises fossiles en votant en faveur de leurs conseils d’administration lors des assemblées générales. Les ONG appellent donc les investisseurs institutionnels, dont la Caisse des dépôts, l’Agirc-Arrco, le Fonds de réserve pour les retraites et l’ERAFP, à conditionner la sélection de leurs gestionnaires à l’arrêt des soutiens à l’expansion fossile.

La grande majorité de 30 des plus grands gestionnaires d’actifs américains et européens ont continué à investir massivement dans les obligations émises par les développeurs fossiles entre le 1er janvier 2024 et le 30 juin 2025 (2). Certains gestionnaires d’actifs, dont BlackRock et Amundi, filiale du Crédit Agricole, ont même augmenté leurs investissements dans les obligations fossiles récemment émises (3).

Pourtant, la pression des investisseurs institutionnels en faveur d’une action climatique plus importante s’est multipliée ces derniers mois (4) – plusieurs d’entre eux, dont le fonds de pension néerlandais PFZW, ont même retiré des mandats à des gestionnaires d’actifs comme BlackRock à cause du manque de prise en compte des risques climatiques (5). Mais la plupart reste encore silencieux, malgré leurs obligations fiduciaires vis à vis de leurs clients qui devraient les obliger à prendre en compte l’impact du dérèglement climatique sur l’économie, et notamment sur leurs portefeuilles.

Les investisseurs institutionnels, dont les caisses de retraite ou la Caisse des dépôts, ne peuvent plus ignorer les risques financiers liés au climat qu’ils encourent en travaillant avec des gestionnaires d’actifs qui investissent dans l’expansion fossile. Ils ont l’obligation fiduciaire d’agir dans l’intérêt de leurs clients et bénéficiaires, mais la plupart semblent prêts à fermer les yeux. Si certains investisseurs institutionnels ont déjà pris des mesures, tous doivent exiger davantage de leurs gestionnaires d’actifs et insister pour qu’ils cessent de soutenir l’expansion des énergies fossiles. Et si les gestionnaires d’actifs ne peuvent pas répondre à leurs exigences, ils ne doivent leur confier aucun nouvel investissement.

Agathe Masson, chargée de campagne investissements soutenables chez Reclaim Finance

Seuls quelques-uns des 30 gestionnaires d’actifs évalués semblent avoir pris des mesures crédibles pour limiter les investissements dans l’expansion des énergies fossiles. Ostrum Asset Management, par exemple, ne détient aucune obligation récemment émise par des développeurs fossiles, et BNP Paribas AM s’est engagé à ne pas acheter d’obligations émises par des producteurs de pétrole et de gaz sur le marché primaire.

Cette nouvelle analyse révèle par ailleurs qu’aucun progrès n’a été fait concernant les votes des gestionnaires d’actifs lors des assemblées générales des entreprises du secteur fossile en 2025. En effet, les 30 gestionnaires d’actifs analysés n’ont pas utilisé leurs votes pour s’opposer aux projets d’expansion fossile de ces entreprises, à l’exception d’Union Investment (6) : 81 % des votes en moyenne ont soutenu leurs conseils d’administration, y compris les votes visant à réélire les administrateurs responsables des stratégies d’expansion (7). Le français Amundi a même démontré par ses votes un soutien croissant à des géants pétro-gaziers comme ExxonMobil et Shell (8), même s’il s’est opposé globalement à plus de la moitié des résolutions approuvant les conseils d’administration.

Face à ce manque de progrès, Reclaim Finance et ses partenaires appellent les investisseurs institutionnels, dont la Caisse des Dépôts, l’Agirc-Arrco, l’ERAFP et le Fonds de Réserve pour les Retraites, à faire de l’expansion fossile une ligne rouge et conditionner la sélection de leurs gestionnaires à l’arrêt des soutiens à l’expansion fossile. Ils doivent exiger que les gestionnaires arrêtent d’investir dans les obligations émises par les développeurs fossiles et voter contre leurs conseils d’administrations, et prévoir des conséquences pour les gestionnaires ne respectant pas leurs demandes

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Notes :

  1. Evaluation des partiques climatiques des gestionnaires d’actifs, Reclaim Finance, AnsvarligFremtid, Fossielvrij NL, Sierra Club, SOS UK, Urgewald, 9 décembre 2025 
  2. 51% du financement des entreprises poursuivant l’expansion fossile provient de l’émission d’obligations. Ces obligations permettent donc aux entreprises fossiles de financer leurs nouveaux projets, contribuant ainsi à aggraver le dérèglement climatique. 
  3. L’analyse de Reclaim Finance montre que BlackRock détient 2,6 milliards de dollards dans les obligations récentes émises par les développeurs pétroliers et gaziers, contre 1,7 l’an passé. Amundi détient 343 millions de dollars dans des obligations récentes émises par les développeurs pétroliers et gaziers, contre 138 millions l’an dernier. 
  4. En février, un groupe de 26 investisseurs institutionnels, représentant plus de 1 500 milliards de dollars d’investissements, a publié une déclaration appelant leurs gestionnaires d’actifs à développer une stratégie d’engagement actionnarial robuste pour faire faire aux risques climatiques.
    Financial Times, 13 février 2025, Long term investors split with asset managers over climate risk
    Un autre exemple est l’initiative “COP 26 Asset Owner Declaration”, dans laquelle un groupe d’universités et de fondations britanniques a publié en mai 2024 une lettre appellant leurs gestionnaires à arrêter les nouveaux investissements liés à l’expansion fossile sur le marché primaire, et à voter contre la réélection des administrateurs des développeurs fossiles. 
  5. En 2025, les fonds de pension britannique The People’s Pension et danois AdademikerPension ont eux retiré des mandats à State Street à cause de ses pratiques de durabilité insuffisantes. Sierra Club Foundation a rompu avec BlackRock, et en novembre, le contrôleur des fonds de pension de la ville de New York leur a recommandé de ne plus collaborer avec BlackRock, Fidelity Investments et PanAgora à cause de leurs plans de décarbonation insuffisants. 
  6. Union Investment s’est opposé à 95% des résolutions approuvant les actions des conseils d’administration des plus grands développeurs fossiles. 
  7. Pour analyser le soutien apporté aux conseils d’administration des entreprises, Reclaim Finance a considéré à la fois les votes liés à la réélection des administrateurs et ceux liés à la décharge du conseil d’administration. 
  8. Concernant Shell, Amundi a voté contre 4 membres du conseil d’administration et son plan climatique en 2024, mais contre seulement 1 administrateur en 2025. Concernant ExxonMobil, Amundi a voté contre 9 membres du conseil d’administration en 2024, contre seulement 4 en 2025. 

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2025-12-10T15:56:10+01:00