L’édition 2020 du rapport Banking On Climate Change révèle que les banques internationales ont accordé près de 2 700 milliards de dollars de financements aux énergies fossiles depuis l’adoption de l’Accord de Paris, avec un volume de financements en hausse chaque année depuis 2016.

BNP Paribas est la deuxième banque au monde à avoir le plus augmenté ses financements entre 2018 et 2019, avec une hausse de 72%. 13ème plus gros financeur à l’ensemble des énergies fossiles, et 3ème et 7ème financeur des entreprises de production gazière et pétrolière en offshore et en Arctique, BNP Paribas a un problème à régler avec les majors.

Les données montrent aussi que la majorité des banques analysées, y compris Crédit Agricole et Société Générale, a augmenté ses soutiens aux 100 entreprises qui prévoient le plus de nouveaux projets de charbon, de pétrole et de gaz et confirme l’appétit croissant de Société Générale pour le gaz de schiste.

La dernière version du rapport le plus complet sur le financement aux énergies fossiles par les banques internationales, Banking on Climate Change 2020, a été publiée 18 mars 2020.

Issu de la collaboration entre Reclaim Finance, Rainforest Action Network, BankTrack, Indigenous Environmental Network, Oil Change International et Sierra Club, et soutenu par plus de 250 organisations de 45 pays du monde entier, dont les Amis de la Terre France, le rapport totalise les prêts et les émissions d’actions et d’obligations de 2 100 entreprises dans les secteurs du charbon, du pétrole et du gaz à l’échelle mondiale sur la période 2016-2019.

    • 35 banques internationales ont accordé 2 700 milliards de dollars de financements aux énergies fossiles après l’adoption de l’Accord de Paris en décembre 2015.
    • Les banques nord-américaines dominent toujours avec 9 banques des Etats-Unis et du Canada parmi les 15 plus gros financeurs aux énergies fossiles. JPMorgan Chase est le 1er financeur des énergies fossiles au monde.

    • Trois banques européennes figurent dans le top 15 des plus gros financeurs sur la période 2016-2019 : Barclays en tête, puis HSBC et BNP Paribas. Avec plus de 30,6 milliards de dollars de financements l’année dernière, BNP Paribas a été le plus grand financeur européen des énergies fossiles en 2019, et le 9ème au niveau international.

Commentaire de Lucie Pinson, directrice générale de Reclaim Finance :

“BNP Paribas est un exemple frappant de l’échec lamentable des banques à répondre à l’urgence de la crise climatique. Au lieu d’adopter une approche rigoureuse permettant de prévenir l’expansion des énergies fossiles d’un côté et d’en faciliter la sortie progressive de l’autre, les banques suivent une approche à la carte, réduisant leurs financements à une partie des énergies fossiles pour mieux les augmenter ailleurs. Ainsi, BNP Paribas a certes drastiquement réduit ses financements aux entreprises principalement actives dans les sables bitumineux et les pétrole et gaz de schiste suite à l’adoption d’une nouvelle politique en 2017. Mais l’augmentation de 72% de ses financements aux énergies fossiles entre 2018 et 2019 illustre parfaitement la vacuité de sa politique sur le charbon et surtout sa forte dépendance aux majors pétrolières et gazières. Tant que BNP Paribas continuera de financer les Eni, Shell, BP ou Total sans condition, elle financera le chaos climatique”.

    • Sur la période 2016-2019, les banques françaises se classent 13ème (BNP Paribas, 84,2 milliards), 22ème (Société Générale, 54 milliards), 24ème (Crédit Agricole, 45,9 milliards) et 28ème (Natixis, 30,5 milliards). BNP Paribas domine donc largement les financements venus de France, avec des soutiens 56% supérieurs à celui de Société Générale.

Commentaire de Yann Louvel, analyste politique de Reclaim Finance qui a analysé l’intégralité des politiques adoptées par les banques européennes :

« Les banques françaises font relativement mieux que leurs concurrentes, mais elles ne parviennent absolument pas à s’aligner sur les objectifs climatiques de l’Accord de Paris. Elles appliquent des politiques sectorielles en matière de combustibles fossiles parmi les plus rigoureuses. Mais avec près de 70 milliards de dollars pour les entreprises qui développent de nouveaux projets d’énergies fossiles, les banques françaises n’ont toujours pas pris la mesure de l’urgence climatique et des demandes des scientifiques.”

A rebours des conclusions des scientifiques du GIEC sur l’urgence à organiser la sortie des énergies fossiles afin de réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre, les données du Report Card montrent que les banques alimentent de plus en plus la catastrophe climatique.

    • Les financements aux énergies fossiles ont augmenté chaque année depuis l’adoption de l’Accord de Paris en décembre 2015, pour une augmentation de 15% entre 2016 et 2019.

    • BNP Paribas est la deuxième banque (1) à avoir connu la plus forte hausse dans ses financements entre 2018 et 2019, avec des soutiens en hausse de 72%. Sans révision de sa politique charbon, BNP Paribas pourrait continuer d’augmenter ses financements à la production d’électricité à partir de charbon. Par ailleurs, cette forte hausse démontre aussi l’inefficacité des politiques adoptées par BNP Paribas pour infléchir son financement aux majors pétrolières et gazières.
    • Le rapport suit également les financements aux 100 entreprises qui prévoient le plus de nouvelles extractions de charbon, de pétrole et de gaz ainsi que d’infrastructures connexes. Sur les 2 700 milliards de dollars de financement aux combustibles fossiles, 975 milliards sont allés à ces entreprises. Malgré le besoin urgent d’arrêter immédiatement toute expansion des énergies fossiles, le financement à ces entreprises irresponsables a grimpé en flèche, de 40% entre 2018 et 2019. Les quatre grandes banques françaises analysées dans ce rapport ont toutes augmenté leurs financements à ces entreprises dans la dernière année.

Le rapport analyse les financements aux secteurs les plus dangereux sur tous les critères ESG – environnementaux, sociaux et de gouvernance : l’extraction gazière et pétrolière en Arctique, en offshore, l’exploitation de sables bitumineux, la production de pétrole et gaz de schiste, le charbon, et le gaz naturel liquéfié (GNL). L’analyse des données permet d’entrevoir les tendances qui se dessinent pour les banques françaises :

    • Avec 15 milliards de dollars de financements à l’offshore, BNP Paribas est la troisième banque internationale à financer le plus ce secteur en pleine croissance. Et malgré une politique d’exclusion sur l’Arctique, BNP Paribas demeure la 7ème banque à avoir le plus financé ce secteur depuis la COP21. Parmi les principaux clients de BNP Paribas figurent les grandes majors pétrolières et gazières ENI (8,2 milliards), Shell (3,6 milliards), BP (2,6 milliards), Saudi Aramco (1,9 milliard) et bien entendu Total (1,3 milliard).
    • Malgré une politique d’exclusion des gaz et pétrole de schiste, BNP Paribas a multiplié par 9 ses financements au secteur au cours de la dernière année. Une fois de plus, cela est dû à ses soutiens en direction des majors Shell et Chevron qui sont les plus gros producteurs et développeurs de ce secteur mais pourrait être sous les seuils d’exclusion de BNP Paribas en raison de leur grande diversification (2).
    • Avec un total de 8,5 milliards de dollars de financements aux pétroles et gaz de schiste et au GNL depuis l’Accord de Paris, Société Générale est la 1ère banque française à soutenir ces industries en pleine expansion notamment aux Etats-Unis, et la 6ème au monde à soutenir le GNL. Société Générale a presque triplé ses financements à ces deux secteurs entre 2018 et 2019, et rien n’empêchera ces montants de continuer à croître tant qu’aucune limite encadrant ces soutiens n’auront été posées.
Le rapport évalue également les politiques des banques sur les énergies fossiles. Malgré la multiplication des annonces de nouvelles politiques ces derniers mois, aucune banque n’obtient ne serait-ce que la moitié des points.

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Banking on Climate Change (8 Mo)

Notes :
1) La première banque à avoir le plus augmenté ses financements aux énergies fossiles entre 2018 et 2019 est Standard Chartered avec une hausse de 75%, la faisant passer à 9 milliards de financements en 2019, contre 30 milliards pour BNP Paribas.
2) En 2017, BNP Paribas a adopté une politique sur les pétrole et gaz non conventionnels qui implique l’arrêt des financements par la banque aux entreprises diversifiées du secteur pétrole et gaz (actives dans l’exploration/production, transport, marketing, distribution, raffinage, etc.) dont le chiffre d’affaire lié à l’exploration et la production de gaz et pétrole de schiste et pétrole issu des sables bitumineux est supérieur à 30% de leur chiffre d’affaire global.

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