Le lancement de la révision de la stratégie monétaire de la Banque centrale européenne comme la réponse exceptionnelle de l’institution à la crise du Covid-19 nécessitent tous les deux la plus grande transparence. Aujourd’hui, le BCE ne publie pas d’informations permettant de retracer la destination de ses achats d’actifs, et donc leurs impacts climatiques. Ce manque d’information entrave la capacité des acteurs économiques et de la société civile à participer à la révision stratégique et participe à techniciser un sujet pourtant politique. Les choix en matière de politique monétaire ont des conséquences sur la vie des citoyens. C’est d’autant plus le cas dans le contexte de crise, la réponse économique et financière pourrait avoir un impact sur les citoyens européens pendant des années et des décennies. Ce manque de transparence soulève des questions démocratiques. 

Pour ces raisons nous avons déposé deux requêtes d’informations auprès de la Banque Centrale Européenne. Ces demandes visent à obtenir la publication des valeurs des titres détenus au travers des programmes de rachats d’actifs d’entreprises ainsi que la quantité de ces rachats finançant des activités et secteurs polluants et le développement des énergies fossiles. 

En janvier, la BCE a lancé la révision de sa stratégie de politique monétaire. En raison de la crise du Covid, elle a été reportée et devrait être mené d’ici la mi-2021.

L’un des principaux objectifs de cette révision est d’évaluer l’efficacité et les effets secondaires potentiels de la politique monétaire menée par la BCE. Ce faisant, et à la suite des déclarations de Christine Lagarde, le processus étudiera notamment l’intégration du climat dans les opérations de la BCE.

Pour atteindre ces objectifs, une connaissance complète de l’utilisation des opérations monétaires non conventionnelles est nécessaire. Afin de participer pleinement à la révision et d’évaluer l’efficacité de cette politique, les citoyens européens, les gouvernements, les entreprises et les ONG doivent avoir une image détaillée et fidèle des programmes d’achat d’actifs (APP).

L’ampleur des programmes d’achat d’actifs en fait une véritable question démocratique : fin mars, les avoirs de l’Eurosystème atteignaient 2666,5 milliards d’euros, dont 201.5 via le programme de rachat de titres d’entreprises (CSPP). En outre, la réponse historique de la BCE à la crise de Covid repose en grande partie sur l’achat d’actifs par le biais du nouveau « Pandemic Emergency Purchase Program » (750 milliards) et l’augmentation des achats d’actifs précédemment prévus (120 milliards).

Aujourd’hui, la BCE publie la liste des titres détenus en vertu du CSPP et du PEPP et la valeur totale de ses achats dans le cadre de ces programmes. Toutefois, la BCE ne publie pas la valeur de chaque obligation détenue. En outre, la BCE ne fournit aucune information concernant l’impact climatique du CSPP et du PEPP et aucune information actualisée concernant leur répartition par secteur ou par activités.

La BCE devrait publier autant d’informations que possible concernant les rachats d’actifs, en commençant par la valeur distincte de chaque actif qu’elle détient au titre du CSPP et du PEPP. Cette information est essentielle :

  • La non-divulgation de la valeur des titres rend impossible de connaître la destination des financements du CSPP et du PEPP et, par conséquent, de déterminer leurs impacts environnementaux.
  • Dans le contexte de la crise du Covid, la non-divulgation de la valeur des titres dissimule le montant du financement que le PEPP fournit aux secteurs critiques, dont la santé. 

Compte tenu de ces éléments, nous avons déposé deux demandes d’information pour exiger la publication :

  1. Des valeurs individuelles des actifs du CSPP et de la PEPP détenus par la BCE et l’Eurosystème.
  2. Des informations relatives à l’impact climatique du CSPP et du PEPP, à savoir : le montant des actifs du CSPP et du PEPP liés aux sociétés de combustibles fossiles, le montant des actifs du CSPP et du PEPP liés aux sociétés inscrites sur la Global Coal Exit List, et la distribution des actifs du CSPP et du PEPP par secteur ou activité.

Nous espérons que ces demandes seront couronnées de succès et permettront aux citoyens de l’Union Européenne de mieux s’approprier des outils centraux dans la réponse à la crise du Covid-19 comme dans la construction d’un “après” désirable.