Cette semaine, Reclaim Finance suivra de près le procès en appel de douze jeunes défenseurs du climat en Suisse, accusés de violation de propriété privée par Crédit Suisse, parce qu’ils avaient organisé un match de tennis dans leurs locaux à Lausanne. Lucie Pinson, fondatrice de Reclaim Finance, devait témoigner en faveur des activistes, mais son témoignage a été refusé. Un match de tennis à Lausanne contre 74 milliards de dollars pour les énergies fossiles – y aurait-il eu une erreur dans l’arbitrage ?

Un procès historique

Mardi 22 et jeudi 24 septembre aura lieu l’énième épisode d’un match qui oppose des défenseurs du climat à l’une des banques les plus polluantes au monde, le Crédit Suisse. Les activistes étaient accusés par la banque de violation de propriété privée. En cause ? Un match de tennis organisé dans les locaux du Crédit Suisse à Lausanne, pour attirer l’attention sur les financements de la banque aux énergies fossiles et demander au champion de tennis suisse Roger Federer s’il était au courant et cautionnait les agissements de son sponsor.

À l’issue du premier procès, les activistes avaient fait appel de leurs condamnations (21 600 CHF, soit un peu plus de 20 000€, d’amende) en invoquant l’état de nécessité face à l’urgence climatique. Le juge leur avait donné raison, reconnaissant que la « violation de propriété privée » était rendue nécessaire par l’urgence climatique, et que les activistes avaient donc agi en toute légalité. Le lendemain du jugement, le procureur général du canton de Vaud annonçait faire appel de la décision.

C’est donc la suite d’un procès historique qui aura lieu cette semaine, un face à face entre douze jeunes activistes et une banque pas si innocente que ça. Lucie Pinson, fondatrice de Reclaim Finance, devait témoigner pour les activistes, mais son témoignage a été refusé. On vous le propose donc par écrit !

74 milliards de dollars pour les énergies fossiles

Y aurait-il eu une erreur dans l’arbitrage ? Sur le banc des accusés, des activistes voulant attirer l’attention sur l’urgence climatique, et, en “victime”, un géant de la finance ayant soutenu les énergies fossiles à hauteur de 74 milliards de dollars entre 2016 et 2019…

Crédit Suisse fait ainsi partie du top 20 des plus grosses banques à soutenir ces énergies sales à travers le monde et à entraver la transition énergétique, plus nécessaire que jamais. Pire, elle fait partie du top 10 des banques ayant le plus financé les plus grosses entreprises minières de charbon – n°5 avec 2,2 milliars de dollars entre 2016 et 2019 -, et celles impliquées dans la fracturation hydraulique pour les pétrole et gaz de schiste – n°9 avec 11,9 milliards de dollars dans la même période.

Elle a par ailleurs financé et investi dans les pires entreprises climaticides : celles qui prévoient toujours de construire de nouvelles centrales à charbon dans le monde ! Elle a ainsi financé, à hauteur de près de 2,7 milliards de dollars, 13 de ces entreprises entre 2017 et septembre 2019. Côté investissements, ce sont pas moins de 63 entreprises de ce type dont elle détenait 581 millions de dollars d’actions et d’obligations d’après les dernières données de septembre 2019.

On trouve dans la liste de ces entreprises les pires cancres internationaux en termes climatiques, à la réputation en miettes, comme Adani, KEPCO ou SPIC. L’entreprise indienne Adani s’entête en effet à vouloir à tout prix ouvrir un nouveau bassin minier de charbon au nord-est de l’Australie, via le projet de Carmichael, qui est probablement devenu le projet fossile le plus controversé au monde ces dernières années. Le coréen KEPCO et le chinois SPIC sont quant à eux impliqués dans de très nombreux projets de nouvelles centrales à charbon à travers le monde, comme la centrale de Vung Ang 2 au Vietnam.

Une nouvelle politique fossile… trop faible et trop tard

Suite à la pression citoyenne croissante ces derniers mois, Crédit Suisse a fini par bouger et a annoncé une nouvelle politique fossile cet été, fin juillet. Celle-ci reste malheureusement très loin de ce qui est nécessaire pour répondre à l’urgence climatique, mais aussi très loin des meilleures pratiques du secteur. La banque suisse est en effet parmi les dernières à avoir décidé d’arrêter de soutenir directement les nouveaux projets de mines et centrales à charbon partout dans le monde, des années après les banques françaises, alors qu’elle avait une activité beaucoup plus faible dans ce secteur.

Crédit Suisse n’a de plus toujours aucun critère pour exclure les développeurs de charbon, mentionnés ci-dessus, ni les plus gros acteurs du secteur. Elle ne s’est pas plus engagée à sortir de ce secteur d’ici des dates limite alignées avec les objectifs climatiques de l’Accord de Paris. C’est ce qui explique qu’elle obtienne trois 0 sur 5 critères dans le Coal Policy Tool, notre outil de notation des politiques charbon des acteurs financiers internationaux, très loin derrière le Crédit Agricole ou même BNP Paribas ou la Société Générale. Son annonce du refus du financement de tout projet fossile dans la région Arctique reste quant à elle cosmétique vu le faible nombre de deals de ce type.

Au terme de cette revue de détails, c’est bel et bien Crédit Suisse qui devrait se trouver sur le banc des accusés pour crime climaticide, et non les 12 jeunes activistes du climat dont l’action salutaire répond bien à un état de nécessité toujours plus criant.

Pour aller plus loin :