Des centaines d’acteurs du secteur de la finance se réunissent aujourd’hui, jeudi 29 octobre, au Palais Brongniart de Paris à l’occasion de la tenue de la 6ème édition du Climate Finance Day. Reclaim Finance fait le tri entre les vraies avancées et le greenwashing des acteurs financiers français et indique les efforts prioritaires à faire pour répondre à l’urgence climatique, sur trois grand volets.

1. En finir avec le charbon

  • Faisant suite à l’engagement pris par la Place de Paris le 2 juillet 2019, 16 acteurs financiers français regroupés dans 10 groupes financiers ont tenu promesse et adopté des politiques robustes de sortie du charbon. 6 groupes n’en sont pas loin, mais plus de 10 n’ont toujours que des politiques lacunaires et insuffisantes : parmi eux se trouvent Carmignac Gestion, Covéa, Groupama, ODDO BHF AM, SMA, Tobam, Tikehau Capital, ou encore SCOR en tant que réassureur.

Pour faire le point sur où en est chaque banque, assureur, investisseur et gestionnaire d’actif, rendez-vous sur le Coal Policy Tool international et/ou sur la version dédiée aux acteurs français.

Le verdict est clair : l’échec collectif de la Place financière à tenir ses propres promesses démontre l’échec des engagements volontaires et le besoin de régulation. Nous appelons donc de nouveau le gouvernement français à sanctionner les acteurs financiers qui n’auraient pas de politique robuste de sortie du charbon d’ici la fin de l’année.

Pour l’instant, le Ministre Bruno Le Maire a salué les efforts fait par la Place dans son ensemble sur ce sujet mais a appelé à une harmonisation et un alignement des politiques sur les meilleures pratiques. Le Coal Policy Tool peut aider les acteurs financiers à la traine à s’y conformer.

  • Il faut en revanche saluer l’effort de transparence fait par la Place avec la publication de l’Observatoire de la finance durable. Hormis l’AFG, les fédérations n’ont pas tenté de maquiller les politiques de leurs membres sur le charbon en des politiques de sortie du secteur du charbon. Malheureusement, le visiteur désireux d’en savoir plus va vite se perdre face à une masse de données non harmonisées et maladroitement présentées. Nous saluons les données financières révélées par la FFA qui permettent de mesurer l’évolution de l’exposition absolue de ses membres au secteur du charbon.

Nous déplorons enfin le choix de la FBF de retenir une liste de 500 noms fournie par Trucost pour calculer l’exposition des banques françaises au charbon. Il aurait été beaucoup plus pertinent de faire le choix de la GCEL, avec plus de 700 groupes et des milliers de filiales, comme l’a fait la FFA, et le recommandent l’ACPR et l’AMF dans leur rapport d’évaluation des politiques charbon de la Place.

2. Stopper l’expansion des énergies fossiles

Eviter une catastrophe climatique exige certes une sortie du charbon mais aussi des mesures fortes sur les autres secteurs, à commencer par celui du gaz et du pétrole. La science est claire: limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C d’ici la fin du siècle nécessite d’arrêter dès aujourd’hui d’exploiter toute nouvelle réserve d’hydrocarbures et de développer toute nouvelle infrastructure polluante.

Le Ministre Bruno Le Maire a reconnu l’impérieuse nécessité d’aller au-delà du charbon et a appelé les acteurs financiers de la Place de Paris à s’atteler aux gaz et pétroles non conventionnels.

A l’heure actuelle, les politiques adoptées par les acteurs financiers sur le secteur demeurent des plus lacunaires, y compris lorsqu’ils ne couvrent qu’une partie de certains sous-secteurs du gaz et du pétrole. La CDC est allée beaucoup plus loin que les autres, y compris que BNP Paribas, en excluant les entreprises tirant plus de 10% de leurs revenus d’activités dans les pétrole et gaz de schiste, sables bitumineux et ressources issues de la zone arctique.

Mais tous oublient de tirer un trait entre les entreprises actives dans le gaz et le pétrole et celles qui s’y développent, y compris dans les secteurs les plus risqués, tels que les pétrole et gaz de schiste et en Arctique.

Nous faisons face aux mêmes limites que celles liées aux premières politiques adoptées sur le secteur du charbon, à savoir des politiques dont les seuls critères stricts se fondent sur une photo, en un instant T, de l’exposition relative d’une entreprise à une activité, et non sur des paramètres dynamiques liés à la trajectoire et au plan d’investissement de cette entreprise.

Il aura fallu 5 à 10 ans aux acteurs financiers français pour commencer à se doter de politiques sur le charbon robustes. Evitons de reproduire les mêmes erreurs car le temps presse. Les acteurs financiers doivent se doter dès maintenant de métriques et critères pertinents pour ne plus contribuer à l’expansion des énergies fossiles.

3. Ne plus être complice de la déforestation

Si la déforestation tropicale était un pays, ce serait le troisième plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde, juste après la Chine et les États-Unis. Le GIEC affirme que l’élimination de la déforestation est l’un des moyens les plus efficaces de mitiger le dérèglement climatique, en plus de représenter un enjeu majeur en termes de protection de la biodiversité.

Pourtant et malgré des prises de position croissantes sur ces deux enjeux, les politique des institutions financières sur la lutte contre la déforestation ou conversion d’écosystèmes naturels sont lacunaires quand elles ne sont pas tout simplement manquantes.

Alors que la France et l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) accueilleront en 2021 un One Planet Summit de la biodiversité à l’occasion de la tenue du Congrès mondial de la nature, il est urgent que le secteur financier se ressaisisse et adopte des mesures concrètes et spécifiques à même d’enclencher des transformations sectorielles et une baisse de la déforestation et conversion des écosystèmes naturels. Une première étape serait de conditionner tous services financiers aux négociants de matières premières agricoles comme le soja à l’application d’une politique zéro déforestation.

Contact média présent au Climate Finance Day :

  • Lucie Pinson, fondatrice et directrice générale de Reclaim Finance, lucie@reclaimfinance.org, 06 79 54 37 15