Société Générale vient d’annoncer une diminution de 10% de son exposition au gaz et au pétrole d’ici 2025.

1. Cet engagement ne porte que sur les prêts de la banque et oublie automatiquement une grande partie des services financiers fournis au secteur pétrolier et gazier, à commencer par les émissions d’actions et d’obligations.

D’après les données financières auxquelles nous avons accès (voir le Banking on Climate Change Report) sur les soutiens des grandes banques aux énergies fossiles, les entreprises du secteur pétrolier et gazier / fossiles dépendent autant des prêts que des émissions d’actions et d’obligations pour lever des capitaux.

2. L’exposition, qui mesure les stocks et non les flux, n’est pas l’indicateur le plus pertinent dans un contexte d’urgence climatique où des changements radicaux doivent être effectués dans la direction des flux financiers au secteur énergétique.

Une étude menée par le Rainforest Action Network a démontré que certaines grandes banques américaines ont augmenté leurs financements aux 50 plus gros producteurs de charbon après s’être engagées à diminuer leur exposition au secteur.

Société Générale avait déjà suivi cette approche en 2016 en s’engageant à diminuer de 14 % son exposition à la production de charbon d’ici fin 2020. Cela ne l’avait pas empêché de maintenir et même augmenter ses financements à certains des plus gros producteurs de charbon comme Glencore ou SUEK. Les financements de la Société Générale aux 30 plus grosses entreprises extractrices de charbon ont même plus que doublé entre 2016 et 2017, passant de 104 millions de dollars en 2016 à 261 en 2017, avant de baisser à 60 en 2018 pour rebondir à 152 en 2019.

3. Enfin, il faut rappeler que l’engagement pris par Société Générale ne porte que sur la production d’hydrocarbures et délaisse une grosse partie du secteur dans son ensemble, à savoir les activités de transport et de transformation.

L’incohérence est flagrante alors que Société Générale finance des infrastructures de transport indispensables à l’ouverture de nouvelles réserves d’énergies fossiles en amont de la chaîne. C’est par exemple le cas des terminaux d’exportation de gaz de schiste aux Etats-Unis dont elle est l’un des premiers financeurs au monde avec 4,6 milliards de dollars de financement au secteur entre 2016 et 2019.

4. Société Générale déclare avoir décidé l’arrêt du financement de l’extraction de pétrole et gaz onshore aux Etats-Unis. Société Générale ne donne pas plus de précisions. D’après la base de données financière internationale IJGlobal, aucun financement de projet primaire n’a été réalisé pour l’extraction de pétrole et de gaz aux Etats-Unis depuis 2015. Pour couvrir les risques liés à la production mais surtout au développement de nouvelles réserves d’hydrocarbures aux Etats-Unis, Société Générale devra exclure les entreprises actives dans ce secteur, y compris celles diversifiées et exposées à d’autres activités, et surtout les entreprises qui y prévoient de nouveaux investissements.

5. Société Générale déclare plus largement viser un alignement de ses activités avec le Scénario de Développement Durable (SDS) de l’AIE, notoirement insuffisant pour aligner les activités de la banque sur une trajectoire 1,5°C.

Pour Yann Louvel, analyste politique pour Reclaim Finance :

“Aussi partiel que partial, l’indicateur d’exposition au pétrole et gaz utilisé par Société générale n’implique pas automatiquement une diminution de ses financements au secteur. Si la Société Générale veut vraiment jouer un rôle de leadership dans la transition énergétique, comme elle le prétend, elle doit immédiatement exclure toutes les entreprises des secteurs les plus à risque, à commencer par celles qui développent de nouveaux projets.”