L’assureur français Groupama, qui gère plus de 100 milliards d’euros d’actifs, a adopté récemment une nouvelle version de sa politique charbon. Groupama bonifie nettement sa copie, notamment par l’adoption d’un critère d’exclusion absolu et l’engagement à sortir totalement du secteur d’ici les bonnes dates limites. Si quelques améliorations sont encore possibles, c’est donc la 17ème politique robuste de sortie du secteur adoptée par les acteurs financiers français. C’est maintenant Groupama Asset Management, la filiale de gestion d’actifs du groupe, qui doit rapidement s’aligner sur cette politique.

1. Ce qui change

Groupama excluait déjà les entreprises du secteur prévoyant la construction de nouvelles centrales à charbon et celles tirant plus de 30% de leurs revenus ou de leur production d’électricité du charbon thermique. L’assureur exclura dorénavant aussi les entreprises  :

  • Qui prévoient de nouvelles mines et infrastructures de charbon ;
  • Qui tirent plus de 20% de leurs revenus ou de leur production d’électricité du charbon thermique ;
  • Qui produisent plus de 20 Mt de charbon thermique par an et celles dont la capacité installée des centrales à charbon dépasse 10GW ;
  • Cependant, des exceptions restent possibles.

En plus de ces exclusions immédiates, Groupama s’engage à réduire ces seuils dans le temps pour tendre vers une exposition nulle des portefeuilles d’investissement au charbon thermique au plus tard d’ici 2030 dans les pays de l’Union européenne et de l’OCDE et d’ici 2040 dans le reste du monde.

2. Notre analyse : de grandes améliorations

Un ajout important de cette nouvelle version de la politique réside dans l’exclusion des développeurs de projets de mines ou d’infrastructures de charbon, ces entreprises qui prévoient toujours d’étendre ce secteur au moment où doit débuter son rapide déclin.

La passage d’un seuil d’exclusion de 30% à 20% suit l’évolution des critères de sélection de la Global Coal Exit List, mise à jour en novembre dernier par nos partenaires allemands de urgewald.

En revanche, Groupama rate une opportunité pour immédiatement s’aligner sur les seuils de 10 MT et 5 GW retenus par la GCEL et déjà adoptés par des acteurs financiers comme Crédit Mutuel Assurances. L’adoption d’un critère d’exclusion fondé sur la production absolue de charbon et la capacité installée à partir de charbon d’une entreprise est toutefois plus que bienvenue car c’est un critère indispensable pour capturer certains des plus gros producteurs de charbon aux activités très diversifiées.

Le fait que Groupama prenne comme référence pour son analyse des entreprises du secteur la Global Coal Exit List est une très bonne chose puisque c’est la base de donnée la plus pertinente dans ce domaine. Toutes ces exclusions peuvent cependant faire l’objet de potentielles exceptions, lorsque l’analyse de Groupama Asset Management, la branche de gestion d’actifs du groupe Groupama qui gère l’essentiel de ses actifs, diffère de celle de la GCEL. Groupama a indiqué à Reclaim Finance que seules deux entreprises font actuellement l’objet d’une telle exception, ce qui reste faible. La politique reste toutefois évasive sur le traitement de ces exceptions.

De plus, Groupama indique «se désengager de façon progressive » des titres des entreprises exclues actuellement en portefeuille, sans être en mesure de préciser quand ce processus sera terminé. Celui-ci pourrait prendre plusieurs années, ce qui reste trop long. La politique couvre toutefois environ 90% des actifs propres du groupe hors obligations souveraines, ce qui est un bon point, mais pas les 10% d’actifs restant investis dans des fonds ouverts gérés par d’autres gestionnaires d’actifs.

Enfin, si Groupama s’est engagé à reduire à zéro son exposition au charbon d’ici 2030/2040 en abaissant ses seuils d’exclusion dans le temps, il rate l’opportunité de demander explicitement et impérativement l’adoption d’un plan de sortie d’ici les mêmes dates aux entreprises restant en portefeuille, ce que font Crédit Mutuel Assurances et Natixis Assurances.

Scores de Groupama dans le Coal Policy Tool

Ce tableau présente les scores de la politique charbon de Groupama sur 5 critères du Coal Policy Tool

3. Notre Conclusion

La nouvelle politique de Groupama reprend tous les points essentiels d’une politique robuste de sortie du charbon. Il devient ainsi la 17ème institution financière française à adopter une telle politique, et le 8ème assureur. Il ne reste plus à Groupama qu’à baisser rapidement ses seuils d’exclusion absolus pour suivre l’évolution de la GCEL, à désinvestir rapidement des valeurs exclues en portefeuille, à s’assurer de l’application de la politique aux fonds ouverts gérés par d’autres gestionnaires d’actifs, et à demander aux entreprises restantes l’adoption obligatoire d’un plan de sortie du secteur du charbon d’ici les bonnes dates limites. Il restera surtout à Groupama Asset Management à suivre l’exemple de sa maison-mère pour s’aligner au plus vite sur sa politique.

La liste des acteurs financiers français avec une politique charbon très lacunaire s’amenuise, et les yeux se tournent vers SMA qui reste à la traîne dans le domaine. Il est enfin important de rappeler que le charbon n’est que la première étape d’une stratégie climatique réussie, et que Groupama doit s’atteler dès maintenant à l’élaboration d’une bonne politique sectorielle sur le pétrole et le gaz.

Pour aller plus loin :