En juin 2020, le Network For Greening the Financial System (NGFS), réseau des banques centrales et superviseurs désireux de travailler au « verdissement » de la finance, publiait ses premiers scénarios climatiques. L’objectif était clair : aider à la mesure et la gestion des risques financiers climatiques. Bien accueillis par le secteur financier et mis en avant par la présidence britannique de la COP26, ces scénarios présentent pourtant de dangereuses lacunes. L’analyse menée par Oil Change International et Reclaim Finance montre qu’ils pourraient causer un ralentissement de la lutte contre le changement climatique et un accroissement des risques financiers associés. Le NGFS doit redresser la barre lors de la révision de ses scénarios en cours.

Les scénarios du NGFS étaient très attendus par les régulateurs et les banques centrales, qui entendent lancer leurs premiers « stress-tests » climatiques, comme par les acteurs financiers, à la recherche de nouveaux outils pour mesurer les risques et l’alignement sur les objectifs climatiques. La présidence britannique de la COP26 a ainsi proposé d’en faire des modèles à suivre pour l’ensemble du secteur financier.

L’intention du NGFS est louable, construire une base de travail commune en matière de scénarios climatiques est particulièrement utile pour garantir que l’ensemble du secteur financier évolue dans la bonne direction.

Pourtant, les choix de présentation et les hypothèses utilisées soulèvent de nombreuses questions. Tant et si bien que les scénarios publiés pourraient conduire à un ralentissement de l’action climatique et à une augmentation des risques financiers liés :

  1. Le NGFS met de côté les scénarios à 1,5°C et se concentre sur les scénarios à 2°C. Il distingue deux scénarios « représentatifs » qui visent tous deux 2°C et qualifie tous les scénarios de 1,5°C d' »alternatifs ». Ces scénarios « alternatifs » sont à peine visibles dans le rapport du NGFS. Par conséquent, malgré les avertissements du GIEC, la différence entre un réchauffement climatique de 1,5 et 2°C est minimisée.
  2. Tous les scénarios mis en évidence par le NGFS reposent sur un niveau élevé de capture de CO2, des technologies dont le déploiement à grande échelle est peu probable et qui soulèvent d’importantes préoccupations en matière de durabilité et de droits de l’homme. Même les scénarios qualifiés de « capture de CO2 limitée » impliquent un niveau qui dépasse le potentiel d’atténuation durable estimé dans les études scientifiques actuelles.
  3. Le recours à la capture de CO2 et le faible degré d’ambition mentionnés précédemment créent un biais favorable aux énergies fossiles. Dans un des scénarios de référence du NGFS, la production de pétrole et de gaz serait respectivement inférieure de 36 et 23 % à celle d’un scénario « business as usual » et le charbon serait encore brûlé après 2050. De plus, ce même scénario n’induit qu’une diminution de 24% des investissements cumulés dans les énergies fossiles de 2016 à 2050.

Le NGFS doit donc réviser ses scénarios pour positionner en leur centre un scénario 1,5°C adoptant une approche de précaution sur la capture de CO2. Il doit être transparent sur les hypothèses de ses scénarios et souligner la nécessité pour les banques centrales et les régulateurs financiers d’adopter des mesures concrètes et rapides pour éliminer leur soutien au secteur des énergies fossiles.