Santander a annoncé ce 22 février plusieurs mesures concernant le secteur du charbon, qui ont été complétées quelques jours plus tard par la publication de sa nouvelle politique environnementale et sociale incluant des mesures sur les énergies fossiles. Si cela traduit une légère amélioration de ses ambitions, Santander échoue toujours a s’engager en faveur d’une exclusion rapide de ses clients les plus exposés aux secteurs du charbon et des énergies fossiles. Santander est donc toujours à la traîne, derrière nombre de ses pairs au niveau international.

1. Ce qui est nouveau

La nouvelle politique de Santander contient les nouveaux éléments suivants sur le charbon:

  • L’objectif d’atteindre une exposition nulle (0%) à l’extraction minière de charbon thermique d’ici 2030.
  • Elle prévoit l’exclusion des énergéticiens tirant plus de 10% de leurs revenus du charbon thermique d’ici 2030.
  • Elle restreint le financement de projets liés au secteur du charbon en appliquant désormais aussi sa politique aux projets d’infrastructures.
  • Enfin, Santander ne financera plus, nulle part dans le monde, de nouveaux clients ayant des projets d’extraction de charbon.

Concernant le pétrole et le gaz, Santander prévoit d’arrêter le financement de:

  • Tout projet lié à l’exploration, le développement, le transport, la construction ou l’expansion de pétrole et gaz non-conventionnels (sables bitumineux, gaz et pétrole de schiste, gaz de couche);
  • Toute entreprise tirant plus de 30% de ses revenus d’activités liées aux secteurs des gaz et pétrole non-conventionnels et/ou extraits dans l’Arctique.

2. Notre analyse : trop peu trop tard

  • Sur le charbon

Concernant les financement de projets, Santander améliore sa politique. Elle empêchait déjà le financement direct de nouvelles mines et de centrales à charbon, y compris des projets d’extension de mines et de centrales déjà en activité. Elle prévoit maintenant la fin des financement aux projets d’infrastructures liés au charbon. Il faut noter que c’est néanmoins un sacrifice mineur pour Santander qui a seulement financé un seul projet controversé sur la décennie passée : Punta Catalina (2015)

Sur sa stratégie de sortie du charbon, nous accueillons positivement la décision de Santander de stopper tout soutien à l’exploitation minière du charbon d’ici 2030. Cela est en ligne avec la science climatique. Cependant, il est dommage que Santander ne s’engage pas à sortir réellement de la production d’électricité à partir de charbon: le seuil de 10% est trop élevé pour le considérer comme une sortie réelle du secteur. Nous recommandons une limite maximum de 5%. En outre, la métrique utilisée, le pourcentage de revenus liés au charbon, ne permet pas aussi bien que le pourcentage d’électricité produite à partir de charbon, d’évaluer l’impact réel du secteur.

Cela ne doit pas masquer non plus l’incapacité de Santander à questionner et confronter ses clients existants dès maintenant. La banque a en effet fléché $5.7 milliards vers 25 entreprises liées au charbon entre octobre 2018 et octobre 2020. Sans de nouveaux critères d’exclusion immédiats, la banque pourra continuer à financer Glencore ($1.6 milliard), qui en 2020 a extrait 123 millions de tonnes de charbon thermique, ou encore RWE ($0.35 mds) et Duke Energy ($2.1 mds) qui ont respectivement produit 23% et 27% de leur électricité via des centrales à charbon.

Avec cette nouvelle politique, rien n’empêchera non plus Santander de continuer à financer ses clients qui prévoit encore de développer de nouveaux projets dans le secteur du charbon, tels que PGNiG, TAURON, PGE ou Energa, tous en Pologne, comme l’ont déjà pointé Banktrack et l’organisation Development Yes, Openpit mines No. Ceci est incohérent et incompatible avec toute ambition sérieuse pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

Santander doit très rapidement combler ses énormes lacunes en suivant l’exemple de nombres de ses pairs tels que le Crédit Agricole ou BNP Paribas qui excluent les développeurs de charbon et exigent de leurs entreprises clientes l’adoption de plan de sortie du charbon d’ici à 2030 dans l’UE/l’OCDE et d’ici à 2040 dans le reste du monde. Santander doit également suivre l’exemple de son compatriote BBVA, qui applique déjà des seuils d’exclusion plus stricts.

  • Sur le pétrole et le gaz

Concernant le secteur du pétrole et du gaz, Santander exclut désormais les nouveaux projets dans le secteur non-conventionnel, y compris ceux portant sur les infrastructures de transport. Cependant, il ne couvre pas les projets en eaux profondes et le GNL, sans même parler des pétroles et gaz du secteur conventionnel, et ce alors même que tout développement de nouveaux projets dans les énergies fossiles est incompatible avec l’objectif de 1.5°C.

La nouvelle politique de Santander n’exclut pas non plus les développeurs de gaz et de pétrole, même ceux du secteur non-conventionnel, un secteur pourtant exclut dans les financements de projets. Le changement positif vient tout de même du seuil d’exclusion de 30% de revenus liés aux hydrocarbures non conventionnels. En parlant de « réserves significatives », la politique reste néanmoins floue sur la portée exacte d’une telle restriction. Cependant, ce seuil reste trop haut, surtout en considérant que ce sont ces projets qui sont les plus dommageables sur le plan environnemental. En outre, aucun plan de sortie daté n’a été annoncé ce qui est décevant.

L’évaluation de Santander dans le Coal Policy Tool

Ce tableau présente la notation de Santander en suivant les critères du Coal Policy Tool

3. Notre conclusion

L’adoption d’un plan de sortie de l’extraction minière du charbon d’ici à 2030 est positive, mais il reste un long chemin a parcourir pour Santander pour avoir une politique charbon robuste. La banque espagnole doit urgemment combler ses lacunes qui l’autorise toujours à financer ses clients existants sans réserve, en commençant par ceux développant de nouveaux projets.

De la même manière, nous saluons les nouvelles restrictions dans les financements de projets et d’entreprises liés aux gaz et pétrole non-conventionnels, mais la prochaine étape doit être d’exclusion de tout les développeurs d’énergies fossiles. Ceci constitue clairement une opportunité manquée.