Paris, le 21 avril 2021 – Reclaim Finance publie aujourd’hui la première édition de son classement des engagements climatiques des principaux gestionnaires d’actifs, notamment leur approche du secteur du charbon (1). Réalisé avec quatre ONG partenaires d’Europe et d’Amérique du Nord*, le rapport compare 29 gestionnaires d’actifs, en mettant l’accent sur le marché européen (2). Les auteurs révèlent que, bien que 16 gestionnaires d’actifs aient pris des engagements à long terme en faveur du climat, la quasi-totalité d’entre eux n’ont pas fait le premier pas pour les concrétiser : sortir du charbon.

Moins de la moitié des gestionnaires d’actifs évalués ont une politique publique visant à limiter les investissements dans le charbon – des titans comme Vanguard, Schroders et PIMCO sont des absents notables. Lorsque des politiques existent, elles autorisent tellement d’exceptions (3) que seuls 25 % de tous les actifs sous gestion de l’échantillon sont couverts par un critère d’exclusion du charbon.

L’analyse révèle qu’alors que 23 000 milliards d’euros d’actifs sous gestion sont couverts par des engagements climatiques à long terme (comme des promesses de neutralité carbone), seuls 3 400 milliards d’euros excluent les entreprises ayant des plans d’expansion du charbon. Et ce, malgré une série d’engagements très médiatisés de la part des principaux gestionnaires d’actifs, 11 d’entre eux ayant rejoint l’initiative « Net Zero Asset Managers » le mois dernier, parmi lesquels BlackRock et Allianz GI. Malgré cela, six signataires de l’initiative n’ont pas encore adopté la moindre politique d’exclusion du charbon.

Pour Lara Cuvelier, chargée de campagne investissements durables chez Reclaim Finance : « Les gestionnaires d’actifs ont multiplié ces derniers mois les engagements pour atteindre un niveau d’émissions net zéro, mais ce rapport montre que ces engagements sont des paroles en l’air. Pour dire les choses simplement, une véritable action climatique est incompatible avec des investissements dans le charbon. Se cacher derrière des problèmes techniques ne suffira pas, d’autant plus que le charbon est non seulement l’une des énergies fossiles les plus polluantes, mais aussi le secteur le plus facile à éliminer des portefeuilles. »

Les gestionnaires d’actifs sous le feu des critiques

Sur les 29 gestionnaires d’actifs examinés, un seul, AXA IM, obtient la moitié des points disponibles. Les plus grands gestionnaires d’actifs du monde font pâle figure, Vanguard étant au bas du classement, aux côtés de State Street. Malgré de nombreuses annonces sur le climat au cours des derniers mois, BlackRock n’obtient qu’un score de 17/100, en raison de la faiblesse de ses restrictions sur le charbon et de son soutien continu aux entreprises qui participent au développement du secteur.

Côté français, la note de 0 obtenue par le gestionnaire Natixis IM s’explique par le choix de cet acteur majeur de l’industrie de laisser toute indépendance à ses affiliés pour la gestion des impacts climatiques. Cette absence de politique au niveau global se reflète ainsi dans les écarts importants de résultats entre ses deux plus gros affiliés, Ostrum et Loomys Sales.

Katrin Ganswindt, chargée de campagne finance et énergie à Urgewald, a commenté : « BlackRock et Vanguard représentent près de 20 % des investissements mondiaux dans le secteur du charbon, mais tous deux continuent de soutenir les entreprises qui construisent de nouvelles centrales à charbon. En ne prenant pas de mesures immédiates pour mettre fin à leur soutien au charbon, ils symbolisent le greenwashing autour des engagements “net zéro”. Les gestionnaires d’actifs européens doivent également joindre le geste à la parole : en particulier, les gestionnaires britanniques quin’ont pas de politique en matière decharbon, comme Schroders ou Aberdeen, seront sous pression pour prendre des mesures ambitieuses avant la COP-26 à Glasgow. »

Activement passifs – Comment les gestionnaires d’actifs se cachent derrière un problème qu’ils ont eux-mêmes créé

Alors que la part des actifs gérés « passivement » a doublé en Europe au cours des dix dernières années (4), le rapport souligne le danger que représentent les gestionnaires d’actifs qui refusent de s’attaquer aux problèmes climatiques inhérents à ces fonds. Le rapport constate que seuls 3 % des portefeuilles « passifs » des plus grands gestionnaires sont couverts par un critère de restriction des investissements dans le charbon (5). Amundi notamment, qui vient de confirmer son souhait de se tourner davantage vers la gestion ‘passive’ en rachetant Lyxor, n’applique pas sa propre politique charbon à l’ensemble de sa gestion passive. Le rapport conclut sur la nécessité de mettre en place les mesures nécessaires pour que l’exclusion du charbon (6) devienne une réalité dans l’ensemble des portefeuilles, notamment en l’appliquant à tous les fonds par défaut.

Moira Birss de Stop the Money Pipeline a commenté : « Les gestionnaires d’actifs veulent nous faire croire que leurs fonds sont passifs, alors qu’en réalité ils choisissent activement d’être passifs dans la création et la gestion de fonds indiciels. L’objectif est de nous distraire en créant davantage de fonds « ESG », alors que beaucoup de ces fonds sont encore remplis d’entreprises nuisibles au climat. Si les gestionnaires d’actifs veulent que leurs engagements climatiques aient un sens, ils doivent décarboniser activement l’ensemble de leurs portefeuilles. »

Contacts presse :

  • Lara Cuvelier, Chargée de Campagne Investissements Soutenables à Reclaim Finance, lara@reclaimfinance.org, +33 6 68 45 18 93
  • Angus Satow, chargé de relations médias à Reclaim Finance, angus@reclaimfinance.org, +447847754046
Notes:

* Le rapport est intitulé ‘Slow Burn : the Asset Managers Betting Against the Planet’ et est soutenu par les ONG urgewald, Re:Common, Sunrise et Amazon Watch. En français : ‘Slow Burn : les gestionnaires d’actifs parient contre le climat’.

Le lien vers le rapport complet est ici.

1.  La première édition de cet évaluation se concentre sur le charbon, qui est l’une des classes d’actifs sur lesquelles les investisseurs peuvent agir le plus facilement mais aussi le secteur qui nécessite la sortie la plus urgente. Limiter le réchauffement de laplanète à 1,5 °C ne sera possible que si nous mettons un terme complet à la production d’électricité à partir du charbon d’ici 2030 en Europe et dans les pays de l’OCDE et 2040 dans le monde entier. Cela signifie que des mesures importantes doivent être prises dès maintenant.

2. Les 29 gestionnaires d’actifs ont été sélectionnés sur la base de leurs actifs sous gestion (chacun gère au moins 300 milliards d’euros). 24 ont leur siège en Europe, auxquels s’ajoutent les cinq premiers gestionnaires américains.

3.  Si 13 gestionnaires d’actifs ont adopté une politique en matière de charbon, seuls deux utilisent des critères solides (Ostrum et AXA IM). Quatre gestionnaires d’actifs ont une politique particulièrement faible en termes de critères utilisés (BlackRock, LGIM, UBS AM et APG AM).

4.  L’investissement indiciel « passif » représente désormais plus de 33 % du marché européen des actions, ce qui signifie que les trackers indiciels ont doublé leur part de marché en dix ans. La part de l’investissement « passif » a également doublé sur le marché américain des actions et représente plus de 50 % de tous les actifs.

5. Ce chiffre reflète une analyse des neuf principaux gestionnaires « passifs » de notre rapport : BlackRock, Vanguard, UBS AM, SSGA, JP Morgan AM, Amundi, LGIM, Invesco et DWS.

6. Un lien vers nos demandes détaillées pour des politiques robustes en matière de charbon ici.