Nedbank est la quatrième plus grande banque sud-africaine avec un cinquième des parts de marché et $84 milliards d’actifs. Elle vient d’annoncer en cette fin d’avril 2021, à l’occasion de son assemblée générale, une nouvelle politique d’exclusion des énergies fossiles dans laquelle elle renforce ses engagements.

En fixant 2045 comme date de fin définitive à tous les financements allant aux énergies fossiles, elle crée un ambitieux précédent, non seulement pour l’Afrique du Sud, mais aussi mondialement. Cependant, cette nouvelle politique manque d’étapes intermédiaires ambitieuses et ne marque pas la fin du soutien de Nedbank à l’expansion des énergies fossiles en général, ni du charbon en particulier. En conséquence, cette annonce reste globalement insuffisante.

1. Ce qui est nouveau

Concernant le financement de projets dans le secteur du charbon, Nedbank s’était déjà engagée à arrêter de financer toutes les nouvelles centrales à charbon, et les mines situées hors d’Afrique du Sud. Elle s’est maintenant engagé à arrêter ces dernières en Afrique du Sud à partir de 2025.

Sur le pétrole et le gaz, Nedbank a annoncé les mesures suivantes:

  • La fin immédiate de tout financement de projets d’exploration de gaz ou pétrole au niveau mondial;
  • La fin immédiate de tout financement pour de nouvelles centrales électriques au pétrole, à moins que celles-ci soient pensées comme partie intégrante d’un réseau électrique de secours pour seconder un réseau renouvelable;
  • A partir de 2035, la fin de « tout nouveau financement pour des projets de production pétrolière, quelque-soit la juridiction ».

Nedbank a également annoncé qu’elle atteindra « une exposition zéro aux énergies fossiles » d’ici à 2045, avec une exception: elle continuera jusqu’en 2050 de financer « la production de gaz là où elle joue un rôle essentiel pour faciliter la transition ».

2. Notre analyse: un excellent objectif de long terme, mais pas d’étape intermédiaire


L’avancée la plus impressionnante est l’annonce d’une sortie définitive des énergies fossiles d’ici à 2045. C’est une première mondiale et doit être reconnu comme telle. Elle crée une précédent ambitieux que d’autres institutions financières doivent suivre, au nord comme au sud. Cet engagement semble couvrir à la fois le financement de projets, et le financement d’entreprises pour les secteurs du charbon, des gaz et pétroles (production & exploration), mais aussi celui de la production d’électricité à partir d’énergies fossiles. Cependant, ceci doit encore être confirmé – nous avons contacté Nedbank et attendons leur réponse.

Sur le secteur du charbon:

Dans l’ensemble, et au delà de cet engagement d’ici 2045, on peut difficilement louer la nouvelle politique charbon de Nedbank.

Le seul engagement nouveau concerne le financement de projets avec la fin des financements pour les nouvelles mines de charbon en Afrique du Sud à partir de 2025. Cependant, les projets d’infrastructures ne sont toujours pas couverts.

Le problème principal concerne l’absence d’exclusions immédiates visant les entreprises impliquées dans le secteur, ce qui est problématique puisque Nedbank n’est pas un petit financeur du charbon avec $400 millions d’exposition (ZAR5.7 mds). Au lieu de s’engager à réduire son exposition au secteur à maximum 1% – alors qu’elle était déjà à 0.7% en 2019, Nedbank doit commencer par arrêter immédiatement tout financement aux développeurs du charbon et établir des seuils maximum d’exposition pour les entreprises (absolus et relatifs), et s’engager à baisser ces seuils progressivement

Sur le pétrole & le gaz:

La promesse d’atteindre une exposition zéro d’ici à 2045 (mis à part des exceptions sur le gaz), est sans précédent en Afrique du Sud et dans le monde pour une banque commerciale. Cela crée un précédent ambitieux à suivre.

Cependant, encore une fois, les étapes intermédiaires restent insuffisantes, tardives ou simplement manquantes, et ce alors que son exposition au secteur est importante: $1,1 milliards dans le secteur pétrole, $320 millions dans le secteur du gaz et $810 millions dans la production d’électricité à partir d’énergies fossiles (respectivement ZAR15.9 mds, ZAR4.6 mds et ZAR11.5 mds).

Si on peut se féliciter de la fin des financements directs allant aux activités d’exploration gazière et pétrolière, cela ne doit pas signifier que Nedbank va arrêter le financement d’entreprises développeuses du gaz et du pétrole planifiant de tels forages. Cela ne couvre pas non plus la partie production, ni le reste de la chaîne de valeur (transport, transformation, utilisation) dans le secteur du gaz et pétrole. Dans les faits, les critères d’exclusion sur ces segments ne s’appliquent que très tardivement lorsqu’ils le sont. A cet égard, attendre 2035 pour arrêter le financement de nouveaux projets de production pétrolière et ne pas s’engager à des seuils d’exclusion intermédiaires reste insuffisant considérant la durée de vie de tels projets. Nous attendons les retours de Needbank pour savoir si cette dernière mesure concerne aussi le financement général d’entreprises.

Le score de Nedbank dans le Coal Policy Tool

Ce tableau présente les scores de Nedbank pour sa politique charbon basé sur les 5 critères du Coal Policy Tool

3. Notre conclusion

En choisissant 2045 comme date finale d’expositions aux énergies fossiles, Nedbank apparaît comme une excellente exception par rapport à ses pairs sud-africains et comme une institution leader au niveau mondial. Nous espérons que cet exemple sera rapidement repris. Cependant, en ne s’engageant pas sur des étapes intermédiaires d’exclusion pour atteindre cet objectif, Nedbank apparaît clairement à la traîne vis à vis des meilleures pratiques internationales. Les engagements de long terme doivent être accompagnés d’exclusion à court terme, notamment pour le charbon.

Il est également regrettable que Nedbank n’ait pas suivi cette voie dans le contexte sud-africain: adopter une stratégie de sortie progressive des énergies fossiles aurait envoyé un message fort à Eskom, le géant énergétique sud-africain que l’heure n’est plus aux demi-mesures et que le marché attend maintenant des stratégies ambitieuses et ordonnées de sortie du charbon.

Pour aller plus loin: