Allianz a annoncé de nouvelles politiques énergies fossiles plus strictes pour les secteurs du charbon et des sables bitumineux. Malheureusement les annonces ne tiennent pas la route face aux engagements d’Allianz maintenant membre à la fois de la Net-Zero Insurers Alliance et de la Net-Zero Asset Owners Initiative. Comme résumé par Regine Richter d’Urgewald, « la nouvelle politique constitue un progrès car excluant plus d’entreprises climaticides. Cependant, il a de nouvelles exceptions aux critères d’exclusion qui peuvent permettre à certaines entreprises charbonnières de trouver des solutions créatives pour rester assurées. » Sur le secteur du gaz et pétrole, les mesures annoncées permettent à Allianz d’intégrer les récents développements du secteur, mais clairement, les vrais efforts n’ont pas encore eu lieu.

1. Ce qui est nouveau

Avec sa politique d’exclusion charbon mise à jour, Allianz s’est engagée sur les points suivants.

Sur l’assurance de projets spécifiques, elle a supprimé ses anciennes exceptions pour les centrales à charbon et exclut maintenant les projets d’infrastructures « principalement » liées au charbon en plus des mines et centrales à charbon.

Concernant les exclusions d’entreprises, elle a mis à jour ses critères d’exclusion à la fois pour la partie assurance et la partie investissement:

  • Concernant les développeurs, elle prévoit d’exclure les développeurs de mines de charbon, les développeurs de centrales à charbon, et les entreprises « fournisseurs de service pour le charbon » s’étendant. Ces exclusions s’appliqueront à partir de Janvier 2023. Elles s’ajouteront à l’exclusion des développeurs de centrales à charbon prévoyant plus de 0.3Gw de nouvelles capacités, critère déjà appliqué pour la partie investissement d’Allianz.
  • Concernant les entreprises les plus impliquées dans le secteur du charbon, Allianz s’est déjà engagée à exclure à partir de 2023 toutes les entreprises du secteur générant plus de 25% de leurs revenus ou 25% de leur électricité produite à partir de charbon thermique ET extrayant annuellement plus de 50Mt de charbon/ayant plus de 5 Gw de capacités électriques liées au charbon. Elle va maintenant exclure toutes les entreprises au dessus de ce seuil de 25% OU extrayant plus de 10Mt de charbon annuellement OU ayant au delà de 5Gw de production électrique à partir de charbon.

Pour son plan de sortie du charbon, elle visait déjà une sortie totale au niveau mondial d’ici 2040. Elle a maintenant pris des engagements intermédiaires:

  • En 2025 un maximum de 15% de revenus liés au charbon
  • En 2030 un maximum de 5% de revenus liés au charbon, avec une exception (10%) pour l’Asie

Un dernier élément est l’addition d’une exception pour les entreprises minières lorsque considérées par Allianz comme « alignées avec une trajectoire 1.5°C » et une exemption possible de ces critères d’exclusion lorsque les entreprises du secteur du charbon sont considérées comme « alignées sur une trajectoire bien en dessous des 2°C ». Ces exemptions ne s’appliquent pas aux développeurs du secteur du charbon.

Sur le secteur du gaz & pétrole, Allianz a adopté ses premières mesures pour ses activités d’assurances applicables à partir du 1er juillet 2021:

  • Plus d’assurances ou de réassurances facultatives dédiées pour les projets dans les sables bitumineux et les nouveaux pipelines liés à ce sous-secteur;
  • Plus d’assurances ou de réassurances facultatives aux entreprises tirant plus de 20% de leurs revenus des sables bitumineux.

Allianz a aussi décidé d’exclure les entreprises suivantes actives dans le secteur des sables bitumineux de ses investissements:

  • les entreprises tirant plus de 20% de leurs revenus de ce sous secteur (exploration & production) pour les actions;
  • les entreprises productrices de pétrole issu des sables bitumineux et des entreprises dérivant plus de 20% de leurs revenus du transport ou de la transformation de pétrole issue de ce sous-secteur, pour les actions et obligations directement sous gestion;
  • les entreprises tirant plus de 20% de leurs revenus (exploration, production, transport et/ou transformation) à la fois pour les actions et obligations issues de fonds.

Dans ces fonds, Allianz exclura aussi tout projet dans les sables bitumineux et limitera à 20% la part d’entreprises liées aux sables bitumineux.

2.  Notre analyse charbon – Des critères plus stricts, des failles qui demeurent

La décision d’Allianz d’arrêter d’assurer presque tous les nouveaux projets charbon, incluant les nouvelles infrastructures, est bienvenue. C’est un progrès important.

L’engagement à ne pas assurer et à désinvestir des entreprises développeuses est aussi un grand pas en avant. Cependant, un tel engagement n’entrera en vigueur qu’en 2023, alors que d’autres assureurs tels qu’AXA se sont déjà engagés à exclure les développeurs de tout financement et couverture. Étant donné que tout nouveau projet charbon est incompatible avec notre budget carbone restant, il est raisonnable d’attendre d’Allianz qu’elle soit cohérente avec sa promesse d’être un net-zéro assureur et investisseur. Cela signifierait étendre immédiatement sa politique de tolérance zéro pour les investissements dans les développeurs de centrales à charbon à toutes les entreprises ayant des plans de développement dans le secteur et ce dans tous les secteurs d’activité. De plus, la définition restrictive adoptée par Allianz concernant les développeurs de mines de charbon devrait permettre à certaines entreprises d’échapper à ces restrictions.

Le renforcement des seuils d’exclusion (relatifs et absolus), est, même si tardif, tout autant bienvenu. Allianz prévoyait certes déjà d’appliquer certain seuils d’exclusion, mais les conditions étaient cumulatives, alors que maintenant, dépasser un seul de ces seuils sera suffisant pour justifier une exclusion des activités d’assurances et d’investissement d’Allianz. Cela réduit fortement l’espace laissé aux entreprises du secteur pour maintenir leurs vieilles pratiques, du moins si elles veulent continuer à travailler avec Allianz.

Cependant, le nouveau cadre d’exemption qu’Allianz a introduit avec sa nouvelle politique pose question: Allianz pourra maintenant faire des exceptions pour les entreprises que l’assurance considère, avec l’appui « de critères de performance fixés par des parties tierces indépendantes », comme ayant « une stratégie de transition publique et crédible du charbon a un rythme compatible avec les scénarios scientifiques de limitation du réchauffement climatique global à 1.5°C ».
  • La politique n’est pas claire sur comment ces critères seront pris en compte par Allianz pour qualifier un plan de sortie du charbon comme aligné avec une trajectoire 1.5°C. La seule information fournie est que les entreprises qui prévoient de nouveaux projets charbon ne pourront pas prétendre à cette exception. Plus de transparence sur ces critères serait donc bienvenue, en particulier sur comment Allianz déterminera quel rythme de fermeture des actifs est suffisant. En accord avec le GIEC et les recherches de Climate Analytics, nous devons réduire de 78% l’utilisation du charbon et la plupart des actifs charbonniers devront être fermés d’ici à 2030, et tous d’ici 2040.
  • Les entreprises considérées comme alignées avec une trajectoire 2°C ou plus ne pourront pas bénéficier de ces exceptions, et aucun nouveau service financier ne sera accordé aux entreprises ayant une trajectoire « bien en dessous de 2°C ». Allianz fera de l’engagement avec ces dernières, et leurs fournira de nouveaux services financiers uniquement à la condition qu’elles mettent à jour leur stratégie de sortie du charbon pour s’aligner avec une trajectoire 1.5°C. Avec cette nouvelle politique, seules les entreprises considérées comme ayant une trajectoire 1.5°C seront donc éligibles à ces exemptions.
  • Allianz mentionne qu’elle s’appuiera de nombreuses analyses et structures extérieures (Climate Action 100+; Net-Zero Company Benchmark; Carbon Tracker; the Transition Pathway Initiative; the Global Coal Exit List; and the Science Based Targets initiative) pour réaliser ses analyses internes. Cependant, comme avec les plans de sortie du charbon, Allianz pourrait clarifier quelles exigences elle aura pour atteindre les objectifs qu’elle s’est fixée d’alignement avec une trajectoire 1.5°C. Par exemple, elle devrait s’engager à ne pas exempter les entreprises qui convertissent leurs actifs charbon en centrales à gaz ou alimentée par de la biomasse.
  • Pour éviter tout doute sur la crédibilité de sa politique, Allianz devrait annuellement publier le nombre d’exceptions faites ainsi que la logique derrière celles-ci.

Pour finir, le nouvel engagement d’Allianz de réduire à 5% son seuil d’exclusion d’ici fin 2029, avec l’exception de l’Asie (seuil de 10%), évite que les pays européens les plus problématiques ne bénéficient de ces exemptions. Cependant, l’exception pour l’Asie est problématique puisqu’elle implique que la Corée du Sud, membre de l’OCDE, pourra sortir du charbon au delà de 2030, date non alignée avec les meilleures pratiques et la science climatique.

Scores d’Allianz (Re/assureur) dans le Coal Policy Tool

Scores d’Allianz (détenteur d’actif) dans le Coal Policy Tool Ces tableaux évaluent la politique d’Allianz en tant que ré/assureur et en tant que détenteur d’actifs à travers les 5 critères du Coal Policy Tool

3. Notre analyse pour le secteur des sables bitumineux

Concernant le secteur du gaz & pétrole, Allianz a publié de nouveaux critères d’exclusion pour le sous-secteur des sables bitumineux. Les seuils d’exclusion choisis (20%) restent cependant très haut, alors que d’autres assureurs sont déjà allés plus loin. Par exemple, Generali a choisi un seuil maximum de 5% pour l’extraction de sables bitumineux et l’exploitation de pipelines controversés utilisés pour le transport de ce type de pétrole. Cela pourrait servir d’exemple à Allianz pour renforcer son cadre d’exclusion. Mais l’étape la plus importante à franchir reste l’exclusion des entreprises prévoyant de nouveaux projets d’extraction et d’exploration dans le secteur, mais aussi dans l’ensemble des pétroles et gaz non-conventionnels, critère d’exclusion qui est bien plus important.

Cependant, il ne faut pas oublier qu’il est urgent qu’Allianz s’attaque à l’expansion des énergies fossiles dans l’ensemble du secteur du gaz et pétrole et pas uniquement dans le secteur des sables bitumineux si elle est sérieuse concernant sa volonté d’arrêter tout soutien aux projets et entreprises non-alignés à une trajectoire 1.5°C.

4. Conclusion

Globalement, si les politiques d’Allianz montrent des signes de progrès, notamment sur le charbon, ceci est loin d’être suffisant.

Comme résumé par Lucie Pinson, fondatrice et directrice exécutive de Reclaim Finance: « Allianz s’en prend enfin aux entreprises développeuses du charbon, bien que tardivement, et doit maintenant être une force motrice pour la sortie complète du charbon en Europe d’ici 2030. Cependant, cette politique n’est pas suffisante pour honorer cet engagement à être un assureur ‘net-zéro’ d’ici à 2050. Cela lui a pris 6 ans d’arriver à ce point sur le charbon or la crise climatique ne nous permet plus d’avancer à petits pas. Avec la COP26 qui approche, Allianz doit aller plus loin, combler toutes les failles restantes sur le charbon, et surtout dire non à tout nouveau projet de production dans le secteur du gaz & pétrole. »

Pour aller plus loin :

  • Lire la déclaration d’Allianz sur les business modèles basés sur le charbon
  • Lire la déclaration d’Allianz sur les business modèles basés sur les sables bitumineux
  • Découvrir le Coal Policy Tool