Limiter le réchauffement climatique en deçà d’1,5°C impose de réduire la production de charbon, pétrole et gaz. Bonne nouvelle, Société Générale s’engage à sortir du charbon et réduire son exposition au pétrole et au gaz. Mais son approche est désastreuse et la banque finance toujours des géants du charbon et les velléités expansionnistes de l’industrie pétrolière et gazière. Décryptage alors que la banque tient son assemblée générale ce mardi 18 mai.

Selon le rapport Banking on Climate Chaos 2021, Société Générale a accordé 73 milliards US$ de financements aux énergies fossiles entre 2016 et 2020, avec des soutiens en hausse, y compris aux développeurs d’énergies fossiles à qui la banque a accordé pas moins de 11 milliards US$ de financements rien que sur l’année 2020.

Société Générale à l’attaque de l’Arctique

En 2018, Société Générale s’engageait à ne plus financer les projets d’extraction en Arctique et dans les sables bitumineux. Le hic ? La banque a augmenté ses financements à ses deux secteurs. La raison ? La banque n’exclut que les quelques entreprises qui tirent plus de 50% de leurs réserves ou revenus de leurs activités en Arctique. Total passe donc à la trappe, malgré ses 5 nouveaux projets en Arctique.

Résultat, loin de protéger le ventilateur de la planète, Société Générale aide l’industrie pétro-gazière à faire main basse sur les ressources contenues en Arctique. Avec plus d’1 milliard US$ octroyés entre 2016 et 2020 et près de 2,8 milliards US$ détenus en actions et obligations dans les 30 plus gros acteurs du secteurs Société Générale est une des 10 banques les plus exposées au secteur. Il est critique que Société Générale revoit sa politique afin d’exclure les entreprises qui profitent de la fonte des glaces pour ouvrir de nouveaux projets: si exploités, le pétrole et le gaz en Arctique consommeraient à eux seuls près d’un quart de notre budget carbone d’ici 2050.

Société Générale toujours addicte au gaz de schiste

Ce n’est pas nouveau, Société Générale est addicte au gaz même lorsqu’il s’agit de gaz de schiste. Avec plus de 6 milliards US$ de financements entre 2016 et 2020, elle est la 7ème banque au monde à avoir financé le plus le développement effrayant du GNL. Contrairement aux idées reçues, le gaz naturel liquéfié est le faux ami de la transition: le processus de transformation et de transport qu’il implique sont énergivores et sources de fuites de méthane, à tel point que sur l’ensemble de son cycle de vie, le gaz transporté par GNL peut émettre jusqu’à 16% plus de CO2e que le charbon pour produire de l’électricité.

Mais Société Générale nie les faits et participe même activement, par des mandats de conseil, au développement de nouveaux projets de terminaux, comme Rio Grande LNG et Driftwood LNG, qui ont la particularité de reposer sur du gaz de schiste. Ces projets participent à l’expansion d’un secteur qui représente une bombe climatique: D’ici 2025, l’Amérique du Nord, essentiellement les Etats-Unis en raison de leurs réserves de schiste, accueillera 85% de la croissance de la production mondiale. Si la tendance se prolonge jusqu’en 2050, elle consommerait 27 à 31% du budget carbone qu’il nous reste pour limiter le réchauffement planétaire à 1.5°C.pour produire de l’électricité. Mais cela, Société Générale le nie aussi et a octroyé 6 autres milliards US$ de soutiens au secteur depuis la COP21.

Des engagements en trompe l’oeil

Fin 2020, sous le feu des critiques, Société générale s’engageait à réduire de 10 % d’ici 2025 son exposition à l’extraction des pétrole et gaz, et à arrêter de financer l’extraction de pétrole et gaz onshore aux Etats-Unis. Or, si la banque tarde à donner des précisions, il est évident que cet engagement ne concerne pas les entreprises diversifiées ou celles impliquées dans la construction de nouveaux projets d’infrastructures – oléoducs, gazoducs, terminaux LNG – permettant l’expansion d’hydrocarbures de schiste.

Enfin et surtout, la réduction de l’exposition est une approche qui prend en compte les stocks et non les flux, et ne garantit en rien une baisse des financements aux entreprises qui ouvrent de nouveaux projets pétro-gaziers. Société Générale avait déjà suivi cette approche en 2016 en s’engageant à diminuer de 14 % son exposition à la production de charbon d’ici fin 2020. Cela n’a pas empêché la banque de doubler ses financements aux 30 plus grosses entreprises extractrices de charbon dans la foulée.

Un tour de passe-passe et hop, encore du charbon!

Société Générale joue délibérément avec les mots pour afficher une ambition de sortie du charbon mais maintenir des soutiens qui minent les efforts en ce sens. Tout récemment, la banque a participé à une transaction d’1 milliard US$ visant l’énergéticien européen EPH, toujours accroc au charbon. Au motif que la politique d’exclusion de la banque s’applique aux filiales directement impliquées dans l’exploitation des actifs charbon mais pas aux maison-mères qui leur permettent d’exister. Peu importe que EPH produise 40 millions de tonnes de charbon par an, soit 4 fois le seuil d’exclusion affiché par Société Générale. Peu importe que EPH rachète une énième centrale à charbon en Allemagne et ne prévoit pas la fermeture de toutes ses mines et toutes ses centrales d’ici 2030.

Morale de l’histoire, ne nous fions pas aux engagements de façade de Société Générale. A force de tours de passe passe sémantiques, Société Générale contribue à aggraver la crise climatique. L’année 2021 sera décisive pour juger de la crédibilité des engagements climatiques de la Société Générale. Et si la banque ne le fait pas pour le climat, qu’elle le fasse pour le Ministre de l’Economie et des Finances qui a appelé les acteurs financiers français à sortir des pétrole et gaz non conventionnels. Avec plus de 17 milliards US$ de financements à ces secteurs depuis la COP21, dont plus de 7 milliards US$ rien qu’en 2020, la Société Générale a du pain sur la planche.

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