Addendum: suite à l’Assemblée Générale de BNP Paribas le 18 mai, nous avons actualisé notre décryptage initialement publié le 17 mai pour y inclure nos réactions plus détaillées.

Alors que ce matin, l’Agence Internationale de l’Energie appelle à ne plus investir dans de nouvelles installations pétrolières ou gazières, BNP Paribas refuse toujours de cesser tous ses soutiens à l’expansion. Pire, réduire son exposition de 10% entre 2020 et 2025 ne l’empêchera pas de continuer à augmenter massivement ses soutiens au pétrole et au gaz dans les années à venir. Malgré des effets d’annonce, BNP Paribas ne freine pas du tout l’essor du pétrole et du gaz, même dans les secteurs d’activité les plus destructeurs pour le climat et les écosystèmes. Décryptage suite à l’assemblée générale de BNP Paribas ce mardi 18 mai.

De nouveaux engagements insuffisants pour réduire les soutiens au pétrole et au gaz 

Ce matin, BNP Paribas a réaffirmé son engagement à réduire de 10% son exposition entre 2020 et 2025 à la production pétrole et au gaz. Si cette annonce semble aller dans la bonne direction, dans la réalité, elle ne permet pas forcément de conduire une baisse de la production de pétrole et de gaz. Voici pourquoi:

  • D’ailleurs, réduire son exposition de 10% entre 2020 et 2025 n’empêchera malheureusement pas BNP Paribas de continuer à augmenter massivement ses soutiens au pétrole et au gaz dans les années à venir car cet engagement ne couvre que les prêts et non les émissions d’actions et d’obligations, occultant ainsi la majorité des soutiens de la banque au secteur pétro-gazier.
  • En outre, réduire l’exposition revient à réduire les stocks et non les flux. Elle ne garantit pas une baisse des flux annuels de financements aux entreprises du secteur. Société Générale avait déjà suivi cette approche en 2016 en s’engageant à diminuer de 14 % son exposition à la production de charbon d’ici fin 2020. Cela n’a pas empêché la banque de doubler ses financements aux 30 plus grosses entreprises extractrices de charbon dans la foulée.
  • Diminuer de 10% l’exposition en 5 ans n’est, quoiqu’il arrive, pas suffisant à l’aune de l’urgence climatique. Dans un graphique présenté à l’Assemblée Générale, BNP Paribas souligne que cette baisse de 10% est ambitieuse par rapport au scénario “SDS” de l’Agence Internationale de l’Energie. BNP Paribas fait fi des appels de la communauté scientifique à accélérer la réduction des émissions et de la production d’énergie fossile entre 2020 et 2030. L’​Emission Gap Report et le ​Production Gap Report des Nations Unies mettent en évidence que les émissions de gaz à effet de serre doivent diminuer de 7,6 % chaque année d’ici 2030 et la production de pétrole et de gaz de respectivement 4 % et 3 % par an pour rester sur une trajectoire + 1,5 °C.
  • BNP ne s’engage toujours pas à cesser de soutenir les projets d’expansion de l’industrie pétrogazière. Pourtant, la consommation des réserves de pétrole et de gaz existantes suffirait largement à entraîner un réchauffement dépassant 1.5°C. Le scénario 1,5°C publié par l’Agence Internationale de l’Energie ce matin vient enfoncer le clou: il n’y a pas de place pour l’exploration et l’exploitation de nouvelles réserves. Or, l’engagement actuel de BNP Paribas ne garantit en rien une baisse des financements aux entreprises qui ouvrent de nouveaux projets pétro-gaziers.

Des soutiens en hausse, même dans les secteurs pétroliers et gaziers les plus risqués

Chat échaudé craint l’eau froide. Ce n’est pas la première fois que BNP Paribas prend un engagement de réduire son exposition à un secteur mais augmente ensuite massivement ses soutiens. BNP Paribas est l’une des rares banques à avoir adopté des politiques de restriction sur 4 des 5 secteurs pétrole et gaz les plus risqués, cela ne l’a pas empêché d’augmenter ses soutiens à ces secteurs. Les chiffres parlent d’eux même: malgré une politique sectorielle adoptée fin 2017, la banque a multiplié par 7 ses soutiens aux sables bitumineux entre 2019 et 2020. C’est aussi la banque au monde à avoir le plus augmenté ses financements au pétrole et gaz de schiste entre 2019 et 2020. Ses soutiens aux forages en Arctique sont également à la hausse et en 2020, elle figure parmi les 20 banques au monde les plus impliquées dans la région. Loin de protéger l’Arctique, BNP Paribas aide des industriels comme Total à faire main basse sur ses réserves abondantes en pétrole et gaz. La situation est critique: si exploités, le pétrole et le gaz en Arctique consommeraient à eux seuls près d’un quart de notre budget carbone d’ici 2050.

BNP Paribas, bras armé des majors pétrolières et gazières expansionnistes

Comment expliquer que les politiques de BNP Paribas n’empêchent pas la banque d’augmenter ses soutiens dans ces secteurs particulièrement à risque? Tout simplement parce que BNP Paribas n’exclut pas toutes les entreprises actives dans ces secteurs et peut donc continuer à financer les majors qui se diversifient, certes, mais sans renoncer à leur développement dans les secteurs les plus risqués. Entre 2016 et 2020, BNP a été le premier financeur de Shell, BP et Eni, et le 2ème plus gros financeur de Total. Ces financements ont eu pour effet d’augmenter indirectement mais massivement les soutiens de BNP Paribas aux secteurs d’activité les plus risqués. Dans sa réponse à nos questions écrites, BNP Paribas élude le sujet… Il est pourtant critique que BNP revoit sa politique afin d’exclure toutes les entreprises qui ouvrent de nouveaux projets, que ce soit en Arctique, dans les sables bitumineux au Canada ou le gaz de schiste et le GNL aux Etats-Unis.

Si la banque veut crédibiliser son engagement au sein de la Net Zero Banking alliance et rendre son titre de 1ère banque européenne de l’expansion des énergies fossiles, BNP Paribas doit de toute urgence stopper tout soutien aux développeurs, notamment dans les secteurs les plus risqués, et s’engager dans une stratégie de sortie du non-conventionnel d’ici 2030.

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