Paris, le jeudi 23 septembre – Selon un rapport de Reclaim Finance (1), les banques, investisseurs et assureurs n’ont pas pris les mesures nécessaires pour protéger l’Arctique, une zone critique dans la lutte contre le dérèglement climatique. Ce rapport met en lumière les 314 milliards de dollars accordés par les banques entre 2016 et 2020 aux entreprises qui, comme Gazprom et TotalEnergies, développent en Arctique de nouveaux projets pétro-gaziers et entendent augmenter de 20% la production d’ici à 5 ans (2). Un mois avant le prochain Climate Finance Day et la COP26, Reclaim Finance appelle les acteurs financiers à cesser tous soutiens à l’expansion pétro-gazière, en Arctique et ailleurs.

Dans son rapport, Reclaim Finance expose les soutiens reçus par les “expansionnistes de l’Arctique” (3), entreprises qui développent de nouveaux projets actuellement dans la région (dont Gazprom, ConocoPhillips et TotalEnergies). Parmi les plus gros soutiens bancaires mondiaux, JP Morgan Chase arrive en tête avec 18,6 milliards de dollars, suivi de près par Barclays (4ème – 13,2 milliards de dollars), Citigroup (6ème – 12,2 milliards de dollars). BNP Paribas fait également partie du peloton de tête (7ème – 11,8 milliards de dollars). Entre 2016 et 2020, les plus grosses banques françaises ont, à elles seules, soutenu les « expansionnistes » à hauteur de 31,2 milliards de dollars.

Les investisseurs ont également le doigt sur le détonateur, avec près de 272 milliards de dollars en actions et obligations détenues chez les « expansionnistes de l’Arctique » (à date du mois de mars 2021). Parmi les principaux investisseurs, on retrouve BlackRock en tête (28,5 milliards de dollars), Vanguard (2ème, à hauteur de 21,6 milliards de dollars) et Amundi (3ème – 12,9 milliards de dollars). Ce dernier, filiale du Crédit Agricole, est le principal investisseur de TotalEnergies, dont la production en Arctique devrait augmenter de 28% d’ici à 2030.

Ces soutiens financiers massifs vont à l’encontre des recommandations des scientifiques et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) pour un arrêt immédiat du développement de nouveaux projets de production pétrolière et gazière. Plus de 20 entreprises cherchent à développer de nouveaux champs pétroliers et gaziers dans la région Arctique. La mise en production de tous les actifs découverts pourrait capter 22% du budget carbone restant nécessaire pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C (4).

Alix Mazounie, auteure du rapport et chargée de campagne chez Reclaim Finance, alerte : « Il faut plus que jamais sanctuariser l’Arctique et éviter de fabriquer de nouvelles bombes climatiques. Malheureusement, les gros pollueurs se développent en Arctique grâce aux banques, investisseurs et assureurs et ce, malgré leurs grands discours sur le climat et sur l’Arctique. Face à l’urgence climatique, BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, ou encore AXA doivent cesser de soutenir les velléités d’expansion de l’industrie pétro-gazière et sortir de tous les secteurs non conventionnels. »

Les chiffres révélés dans le rapport de Reclaim Finance donnent un aperçu inquiétant du chemin qu’il reste à parcourir pour répondre à la commande de Bruno Le Maire, appelant les acteurs financiers à sortir des secteurs non-conventionnels (5). Vingt des 30 plus gros soutiens bancaires aux « expansionnistes de l’Arctique » affichent désormais une politique sur l’Arctique, mais aucune ne permet de stopper le développement de nouveaux projets dans la zone. En cause, des politiques inopérantes:

  • Les acteurs financiers n’excluent pas les soutiens aux entreprises développant de nouveaux projets pétro-gaziers dans la région. C’est ce qui explique que BNP Paribas (6) et HSBC puissent devenir les premiers soutiens aux « expansionnistes de l’Arctique » en 2020, malgré des politiques adoptées en 2017 et 2018.
  • Les politiques sont à géométrie variable, et ne couvrent qu’une partie de l’Arctique seulement. A titre d’exemple, la zone d’exclusion d’AXA ne couvre que 54 des 599 champs pétroliers et gaziers recensés en Arctique (7).
  • Certains, à l’image du Crédit Agricole, de Natixis et de la Société Générale, s’autorisent encore à financer directement de nouveaux projets gaziers, très nocifs pour le climat.

Il en va de même pour le secteur de l’assurance : 13 des 46 assureurs analysés dans le rapport de Reclaim Finance ont mis en place une politique visant à restreindre la couverture assurantielle aux projets en Arctique. Mais aucune des politiques ne permet réellement de stopper l’expansion pétro-gazière dans la région. Fait inquiétant : l’Arctique est un angle mort chez les investisseurs. Seuls deux des 30 principaux investisseurs des « expansionnistes de l’Arctique » ont mis en place des lignes directrices sur l’Arctique.

« Alors que les alliances et les discours autour de la neutralité carbone se multiplient, on a ici un exemple frappant du décalage entre les engagements pris et la réalité. Pour la plupart des acteurs financiers, la politique Arctique n’est rien d’autre qu’une case à cocher, peu importe qu’elle protège réellement cette région fragile. Dans un mois se tiendront la Climate Finance Day et la COP26 : d’ici là, les acteurs financiers doivent s’engager à protéger toute la région Arctique en renonçant à financer les projets et les entreprises qui y développent des nouveaux projets », conclut Alix Mazounie.

Notes :

  1. L’étude est publiée en anglais: Drill Baby Drill: how banks, insurers and investors are driving oil and gas expansion in the Arctic. Il y a également une carte interactive disponible ici.
  2. Selon les calculs de Reclaim Finance faits à partir de données Rystad Energy, la production de pétrole et de gaz en Arctique (telle que délimitée par l’AMAP) devrait augmenter de 11,5 million de barils en équivalent pétrole (mmboe) par jour, à 13,7 mmboe par jour en 2026.
  3. Le rapport se concentre sur les vingt entreprises les plus impliquées dans le développement de nouveaux projets (projets en cours de développement ou d’évaluation), dans la région Arctique, telle que définie par l’AMAP. Ces vingt entreprises sont nommées “expansionnistes de l’Arctique”. L’étude s’appuie sur des données énergie issues de la base de Rystad Energie et d’une recherche des transactions financières entre 2016 et 2020 pour les banques, et à date de mars 2021 pour les investisseurs. Cette recherche financière a été menée par Profundo pour Reclaim Finance. Voir la note « méthodologie du rapport » pour plus d’information.
  4. Selon les derniers chiffrages du 6ème rapport du Giec qui estiment à 67% la probabilité de limiter le réchauffement en deçà de 1,5°C.
  5. Voir l’appel de Bruno Le Maire à la Climate Finance Day 2020 pour l’adoption par les acteurs financiers français de stratégies de sortie des pétrole et gaz non conventionnels (comprenant les forages en Arctique et eaux profondes, gaz et pétrole de schiste, sables bitumineux).
  6. BNP Paribas a indiqué à Reclaim Finance travailler à la révision de ses critères liés à l’Arctique.
  7. Calcul de Reclaim Finance en comparant le nombre de gisements situés dans la région Arctique au sens de l’AMAP, et non compris dans la zone d’exclusion géographique d’AXA. Pour en savoir plus sur la zone d’exclusion des acteurs financiers, se référer au rapport, ou à la carte interactive disponible ici.

Contacts presse :

  • Angus Satow, responsable des médias chez Reclaim Finance, angus@reclaimfinance.org, +447847754046
  • Alix Mazounie, chargé de campagne chez Reclaim Finance et l’auteur du rapport, alix@reclaimfinance.org, +33 683 21 36 04