Décryptage pré-AG (& réaction post-AG à venir) ↓

Alors que nous révélions il y a quelques semaines que BNP Paribas se hissait au premier rang des soutiens européens aux 100 entreprises développant le plus d’énergies fossiles, avec $55.6 milliards accordés depuis l’Accord de Paris (1), BNP Paribas a annoncé de nouveaux engagements (2) en amont de son assemblée générale. Malgré des améliorations notables, les mesures annoncées laissent malheureusement à BNP Paribas une grande amplitude d’action pour poursuivre ses soutiens aux grandes entreprises diversifiées. Ces entreprises développent pourtant des nouveaux champs et infrastructures pétro-gaziers et, loin d’être en transition, dépassent leur budget carbone compatible avec un scénario +1,5°C. Alors que la saison des assemblées générales 2022 bat son plein, BNP Paribas doit saisir l’opportunité et annoncer la fin des soutiens à l’expansion pétro-gazière et en votant contre les faux plans climat des entreprises des énergies fossiles.

BNP peut encore largement financer l’expansion pétro-gazière

En 2017, BNP Paribas devenait la première grande banque à cesser ses soutiens aux projets et entreprises significativement impliquées dans le schiste, les sables bitumineux et l’Arctique. Cinq ans plus tard, la machine semble bien au point mort. La banque s’est bien engagée à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 suivant une trajectoire 1,5°C, mais ses financements indiquent une bien autre réalité : celle d’une banque qui soutient sans compter les plus grandes entreprises pétrolières et gazières – des entreprises diversifiées certes, mais qui sont à l’avant-garde de l’expansion dans les énergies fossiles.

BNP Paribas est en Europe le premier soutien aux 100 plus gros développeurs d’énergies fossiles depuis l’adoption de l’Accord de Paris. Au total, elle leur a octroyé $55.6 milliards entre 2016 et 2021. L’année 2022 est encore loin d’être achevée mais elle a notamment déjà soutenu :

  • BP (3), dixième plus gros développeur au monde dont plus du quart des plans d’expansion sont dans les pétrole et gaz de schiste ;
  • TotalEnergies (4), plus gros développeur européen et figurant parmi les dix plus gros développeurs de pétrole et de gaz en Arctique. En avril 2022, BNP Paribas contribuait à une opération de prêt de 8 milliards de dollars pour la major, la plus grosse opération financière pour TotalEnergies depuis la signature de l’Accord de Paris ;
  • EIG, une filiale de Saudi Aramco (5), troisième plus gros développeur au monde.

Malheureusement, les dernières mesures annoncées par la banque lui permettront toujours de financer directement de nouveaux projets d’énergie fossiles, y compris les nouveaux champs pétroliers et gaziers reconnus par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) comme n’ayant pas leur place dans un scénario 1,5°C. Elles ne l’empêchent pas non plus de financer de gros développeurs de pétrole et gaz, y compris dans les énergies non conventionnelles pourtant reconnues comme dangereuses par la banque (6).

« Dont’ be shy, vote against »… les faux plans climat de l’industrie pétro-gazière

BNP Paribas dit vouloir accompagner la transition, mais aujourd’hui elle ne se donne pas les moyens de son ambition. Dit autrement, la rhétorique pro-transition semble cacher une approche complaisante avec les bons clients comme TotalEnergies, dont BNP Paribas est le onzième actionnaire, ou Shell dont BNP Paribas détient $350 millions d’actions. Ainsi, non seulement BNP Paribas AM et BNP Paribas Cardif n’ont pas formalisé la politique de vote avec des critères spécifiques et un dispositif automatique, et ne font pas de l’arrêt de l’expansion un critère de sa politique d’engagement. Résultat, non seulement BNP Paribas semble beaucoup plus conciliante envers certaines entreprises plutôt que d’autres, pliant ainsi à l’arbitraire et aux procédés de décision ad hoc, mais elle a même dans le passé voté pour des plans climat d’entreprises en expansion.

Don’t be shy! 5 majors européennes, dont TotalEnergies, vont consulter leurs actionnaires sur leurs plans climat. D’après l’initiative Climate Action 100+ (dont BNP Paribas est membre), aucune ne dispose d’un plan de transition compatible avec un scénario 1,5°C. Alors que BNP Paribas a résumé sa politique de vote 2022 par le slogan “Don’t be shy, vote against”, la logique et la responsabilité voudraient que BNP Paribas vote contre l’ensemble des plans climat défaillants présentés par les majors pétrolières cette année (7). En complément des Say on Climate, il est essentiel de prévoir des stratégies d’escalade incluant des votes sanction sur d’autres résolutions, notamment contre la réélection des administrateurs lorsque les entreprises ne s’engagent pas à arrêter rapidement le développement de nouveaux projets fossiles.

La première saison des assemblées générales depuis la publication du scénario net zéro de l’AIE est en cours et on attend de BNP Paribas qu’elle mette ses engagements en application. Lors de son assemblée générale, BNP Paribas doit reconnaître l’impératif de mettre fin à l’expansion pétro-gazière, en accompagnant l’annonce d’une feuille de route pour tendre rapidement vers cet objectif. Il est temps pour BNP Paribas de pouvoir vraiment se targuer d’être La banque d’un monde qui change.

Notes :

  1. Banking On Climate Chaos, 2022.
  2. BNP Paribas, Climate Analytics and Alignment Report, 2022.
  3. Selon le terminal Bloomberg, BP a émis 2 milliards d’euros d’obligations en janvier 2022, dont 667 millions grâce à BNP Paribas et Groupe Crédit Agricole.
  4. Selon le terminal Bloomberg, TotalEnergies a émis 1,75 milliards d’euros d’obligations en janvier 2022 avec l’appui de plusieurs banques, dont BNP Paribas, et 8 milliards en avril 2022 avec un rôle moteur joué par BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale.
  5. Selon le terminal Bloomberg, EIG Global Energy Partners, détenue à 49% par Aramco Oil Pipelines Company, a émis 2,5 milliards de dollars d’obligations en janvier 2022 avec le soutien de BNP Paribas, Natixis, le Crédit Agricole et la Société Générale.
  6. Parmi les mesures annoncées, BNP Paribas annonce :
    1. d’ici 2025 une réduction de l’intensité carbone de son portefeuille d’au moins 10%, de son exposition crédit aux activités upstream de 12% sur le pétrole et le gaz et de 25% sur le pétrole seulement (par rapport à 2020) ;
    2. Une exclusion des prêts et investissements (sans inclure pour l’instant les marchés de capitaux) aux entreprises dont les pétrole et le gaz de schiste, les sables bitumineux ou les pétrole et gaz en Arctique représentent plus de 10% de leur activité (réserves pour les pure players et chiffre d’affaires multiplié par les réserves pour les entreprises diversifiées), avec une exception pour celles dotés de plans de transition “les plus crédibles”.
  7. Loin d’être en transition, les majors européennes dont TotalEnergies et Shell, pourtant considérés comme les bons élèves du secteur devraient dépasser leur budget carbone compatible avec une trajectoire 1,5°C au plus tard en 2038.

Réaction à l’AG de BNP Paribas :

Lucie Pinson, Directrice de Reclaim Finance : “Il est particulièrement inquiétant de voir comment BNP Paribas a balayé les appels des scientifiques, de l’Agence internationale de l’énergie et de la société civile à mettre un terme à l’expansion fossile”.

Interpellé à plusieurs reprises sur ses soutiens climaticides à l’expansion pétro-gazière lors de son assemblée générale, BNP Paribas a préféré se cacher derrière la crise de l’énergie pour se défausser de ses responsabilités face à la crise climatique. Cette posture court-termiste n’est pas à la hauteur de l’engagement pris par le groupe de limiter le réchauffement à 1,5°C. Récemment encore, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie rappelait que l’invasion russe ne pouvait justifier une nouvelle vague d’infrastructures fossiles dans un monde qui veut limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.

BNP Paribas n’a pas non plus répondu à la question posée sur son vote d’actionnaire pour ou contre le plan climat de TotalEnergies le 25 mai prochain. Pourtant, BNP Paribas Asset Management, 11ème actionnaire de TotalEnergies, fait bien partie du groupe BNP Paribas et deux des administrateurs de BNP Paribas sont aussi au conseil d’administration de TotalEnergies. L’année dernière, l’actionnaire avait voté en soutien du plan climat de la major alors que la quasi-totalité des capacités d’investissements étaient encore tournées vers les hydrocarbures.

Ces soutiens aux entreprises développant de nouveaux projets pétro-gaziers, véritables bombes climatiques, vont continuer tant que BNP Paribas ne prend pas les mesures nécessaires pour freiner ses soutiens à l’expansion pétro-gazière.