Alors que la saison des Assemblées générales (AG) touche à sa fin, c’est l’heure d’un premier bilan pour Amundi, premier gestionnaire d’actifs en Europe et actionnaire important de nombreuses entreprises cotées. Ce bilan est pour l’instant mitigé. D’une part, la propre AG d’Amundi, pendant laquelle l’investisseur présentait une stratégie climat décevante, a été entachée d’une grande opacité, laquelle se poursuit avec l’absence de publication des réponses aux questions écrites des actionnaires. D’autre part, les votes d’Amundi (1) sur les enjeux climatiques dans l’ensemble des entreprises dont il est actionnaire se caractérisent par une forte hétérogénéité – avec des progrès sur certains sujets mais l’absence de ligne rouge clairement tracée vis-à-vis de l’expansion pétrogazière. Amundi a notamment soutenu les faux plans climat de Repsol et BP, qui continuent pourtant d’ouvrir de nouveaux puits de pétrole et de gaz. Reclaim Finance suivra dans les prochaines semaines d’autres votes clés d’Amundi pour – ou contre – le climat, notamment s’agissant de TotalEnergies et Shell, pointant chaque fois que nécessaire les incohérences entre son discours de “leader climatique” et ses soutiens directs et indirects aux entreprises fossiles.
L’AG d’Amundi : une ambition climatique insuffisante doublée d’une communication opaque
Promoteur du “Say on Climate” pour les entreprises dans lesquelles il investit (1), Amundi s’appliquait pour la première fois cette année ce mécanisme à lui-même, en sollicitant l’avis consultatif de ses actionnaires sur sa Stratégie Climat. Alors qu’Amundi refuse d’exclure le charbon de la plupart de ses fonds passifs et détient toujours plus de $19 milliards d’investissements dans douze des principales compagnies pétrolières et gazières mondiales (2), sa stratégie climatique a pourtant été soutenue par 95% de ses actionnaires (3) – même si ce taux d’approbation baisse fortement lorsque l’on exclut le vote de Crédit Agricole, actionnaire majoritaire d’Amundi qui vote systématiquement en faveur de sa filiale (4).
L’AG d’Amundi a par ailleurs été entachée d’une certaine opacité. Amundi fait partie des rares sociétés du SBF 120 à n’avoir ni retransmis publiquement en ligne ni enregistré les débats entre le conseil d’administration et les actionnaires. D’autre part, près d’un mois après l’AG, Amundi n’a toujours pas répondu aux questions écrites posées par ses actionnaires, comme l’y oblige pourtant la loi (5). De facto, Amundi a pour l’instant éludé plusieurs questions et débats cruciaux portant sur sa stratégie climatique (application de critères d’exclusion à la gestion passive, votes des “Say on Climate” des entreprises les plus polluantes, expansion pétro-gazière, etc.).
Des avancées sur le charbon
Ces dernières semaines, Amundi a aussi exercé ses droit de votes dans plusieurs centaines d’AG d’entreprises desquelles il est actionnaire. Le bilan est mitigé sur les enjeux climatiques.
D’un côté, on note quelques signes positifs. Contrairement à l’année dernière (6), Amundi semble commencer à appliquer plus systématiquement son engagement à voter contre les développeurs de nouvelles mines et centrales de charbon (7). L’investisseur a ainsi voté contre le plan climat de Glencore ainsi que contre le renouvellement de la majorité de ses administrateurs. Cette tendance reste à confirmer dans la mesure où Amundi a davantage soutenu d’autres développeurs comme POSCO (8). Parmi les points positifs, on note également la capacité d’Amundi à participer au dépôt de résolutions climatiques actionnariales ambitieuses… à l’autre bout du monde (9).
Un bilan en clair obscur et des incohérences sur les AG des entreprises pétro-gazières
En revanche, Amundi n’a toujours pas fixé de ligne rouge sur l’expansion pétrogazière. L’investisseur continue donc à apporter son soutien à des entreprises qui, loin d’avoir entamé leur transition, contribuent à nous éloigner chaque jour davantage d’un monde à 1,5°C, en mettant en production de nouveaux puits de pétrole et champs gaziers en totale contradiction avec les conclusions du scénario Net Zero de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Le 5 mai dernier, Amundi a ainsi approuvé le pseudo plan climat de Repsol, alors que la major espagnole : i) satisfait seulement 4 des 9 critères du “Net Zero Company Benchmark” publié par Climat Action 100+ – dont Amundi est membre – ii) dépassera son budget carbone compatible avec 1,5°C dès 2033 et le sur-consommera de plus de 78% d’ici à 2050 ; iii) continue à investir dans l’exploration et le développement de projets fossiles, que le Président de Repsol considère comme “stratégiques à long-terme” – tout en déplorant l’interdiction de la fracturation hydraulique pour l’extraction de gaz non-conventionnel en Europe (10). Il y a quelques jours, Amundi indiquait également avoir soutenu le plan climat tout aussi défaillant de BP.
Paradoxalement, Amundi a aussi parfois montré lors de cette saison des AG 2022 qu’il pouvait voter en cohérence avec l’urgence climatique. L’investisseur s’est ainsi opposé aux Say on Climate de Woodside Petroleum et d’Equinor, tout en soutenant des résolutions actionnariales fixant des cibles climatiques ambitieuses à la major norvégienne – et allant jusqu’à lui demander clairement de “réduire progressivement ses activités d’exploration et de production [fossile]” (11).
Mais Amundi vote parfois de manière incohérente, comme le montre ses votes chez BP où il a soutenu à la fois le plan climat défaillant de l’entreprise et une résolution d’actionnaires demandant à l’entreprise d’en faire davantage pour le climat. Comme Amundi ne justifie pas publiquement ses votes, il est très difficile de comprendre ses attentes précises vis-à-vis des majors. Une solution indispensable pour renforcer la cohérence de ses votes et envoyer un message clair consisterait à se doter d’une politique de vote précise ex ante et de justifier ses votes ex post (12).
Au vu de ces signaux confus, il sera nécessaire de continuer à examiner en détail les votes d’Amundi sur les Say on Climate et les résolutions climatiques d’initiative actionnariale, notamment aux AG de Shell et TotalEnergies. Ces votes détermineront si les premières avancées constatées sur certaines entreprises constituent un début de crédibilisation de la politique d’engagement d’Amundi ou au contraire s’il s’agit d’améliorations marginales et aléatoires, peu compatibles avec l’urgence climatique. A défaut de se doter très rapidement d’une politique d’exclusion robuste, Reclaim Finance appelle Amundi à faire dès maintenant de l’expansion pétro-gazière sa principale demande d’engagement vis-à-vis des entreprises fossiles d’ici aux AG 2023 et à prévoir des votes-sanction forts contre les entreprises qui n’accéderaient pas à cette demande.