Communiqué de presse 

Paris, le 21 juillet 2022 – La Banque Postale Asset Management (LBPAM) vient d’annoncer vouloir aligner en 2030 ses actifs dans le secteur du pétrole et du gaz avec l’objectif de neutralité carbone à 2050. Pour se faire, LBPAM prend une batterie de mesures, allant de l’engagement actionnarial à l’exclusion en passant par un renforcement de ses critères de sélection d’actifs. Reclaim Finance se réjouit que LBPAM mette la fin de l’expansion pétro-gazière au centre de son dialogue avec les entreprises, mais déplore que ce critère ne soit un motif d’exclusion qu’à partir de 2025 et puisse comporter des exceptions au cas par cas pour des développeurs. Reclaim Finance appelle LBPAM à s’engager à ne pas opérer de nouveaux investissements obligataires dans ces entreprises afin de ne pas contribuer au développement de projets strictement incompatibles avec son objectif 1,5°C.

LBPAM annonce [1] son engagement d’aligner d’ici 2030 80% de ses encours totaux sur une cible de décarbonation compatible avec l’objectif de neutralité carbone à 2050 visant à limiter le réchauffement à 1,5°C [2]. Pour y arriver, LBPAM s’engage à avoir aligné à cette date ses actifs dans le secteur du pétrole et du gaz avec cet objectif.

  • LBPAM n’investira notamment [3] plus dans les sociétés qui tirent plus de 20% de leur chiffre d’affaires d’une ou plusieurs énergies fossiles non conventionnelles [4], soit un seuil moindre que celui mis en place par d’autres investisseurs français [5] ;
  • Cette mesure ne permet pas de couvrir les majors pétrolières et gazières très diversifiées et présentes sur toute la chaîne de valeur des énergies fossiles. LBPAM indique vouloir engager ces entreprises ainsi que décider de leur poids et présence dans son portefeuille en fonction d’une batterie de critères permettant d’évaluer l’alignement de leur stratégie avec un scénario 1.5°C.

La politique met le dialogue actionnarial avec les entreprises au cœur de sa stratégie et le structure autour de 6 critères [6] dont la fin de l’exploration et du développement de nouveaux champs pétroliers et gaziers, avec un point d’étape en 2025, date à laquelle la fin de l’expansion deviendra un critère de désinvestissement “au cas par cas”. En apparence complète, cette politique n’est pas sans failles :

  • Il n’y a pas de priorisation entre des critères garantissant des baisses d’émissions et des critères facilitant ces baisses et la stratégie d’escalade qui sera déployée en cas de manquement des entreprises à satisfaire les demandes n’est pas précise ni systématique [7] .
  • LBPAM pourra toujours investir pendant de nombreuses années dans des entreprises qui développent des nouveaux champs pétroliers et gaziers reconnus pourtant dès maintenant comme étant incompatibles avec l’objectif qu’elle s’est donnée. Ainsi, d’ici 2030, LBPAM aura participé par ses nouveaux investissements au verrouillage de nouveaux projets qui émettront plus que ne le permet un budget carbone dans un scénario 1,5°C et se maintiendront au-delà de 2030 quand bien même LBPAM aura alors désinvesti afin de respecter son objectif d’alignement.

Nous saluons ces premières annonces de LBPAM sur le pétrole et le gaz. Mais alors que les vagues de chaleur nous rappellent l’urgence à agir et à cesser toute complaisance à l’égard des entreprises qui ouvrent de nouvelles bombes climatiques les plus émettrices, nous déplorons l’absence d’alignement avec les positions prises par la Banque Postale et CNP Assurances. LBPAM peut et doit mener sa stratégie ambitieuse d’engagement sans pour autant continuer à les alimenter en nouveaux capitaux. LBPAM doit sans tarder s’engager à ne plus acheter de nouvelles obligations d’entreprises impliquées dans le développement de nouveaux champs pétroliers et gaziers” [8] déclare Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance.

La politique de LBPAM était très attendue. En octobre dernier, Philippe Heim, le directeur général de La Banque Postale, annonçait la décision du groupe à sortir totalement du pétrole et du gaz en 2030 et à pousser ses filiales CNP Assurances et LBPAM à s’aligner. Depuis, seule CNP Assurances avait pris des engagements en ce sens, en faisant sienne une des principales mesures du groupe, à savoir ne plus investir dans les entreprises qui développent de nouveaux projets de production pétrolière et gazière. Le retard pris par LBPAM inquiétait d’autant plus que l’investisseur détient des participations de la major française TotalEnergies à hauteur de 221 millions d’euros, rien que dans ses fonds ISR [9].

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Notes :

  1. Voir le Communiqué de Presse et la politique détaillée de LBPAM. La politique s’applique  à l’ensemble des fonds ouverts, aux fonds d’actifs réels et privés lancés à compter du 1er septembre 2022, aux mandats et fonds dédiés en titres vifs à compter du 1er septembre 2022 et aux investissements directs de LBPAM et Tocqueville Finance.
  2. Bien que l’objectif de LBPAM d’aligner 80% de ses encours (90% de ses encours éligibles) avec une trajectoire 1,5°C d’ici 2030 semble ambitieux, c’est bien sa mise en œuvre qui importe. En effet, la méthodologie utilisée (les entreprises investies doivent avoir des cibles validées par le SBTi) ne permet pas de savoir si LBPAM aura bien divisé par deux ses émissions financées d’ici 2030, notamment car aucune cible intermédiaire d’ici 2030 n’a été annoncée. Voir ici notre grille d’analyse des cibles de décarbonation des gestionnaires d’actifs.
  3. D’autres mesures sont annoncées notamment l’exclusion des nouveaux champs pétroliers et gaziers, des projets existants des secteurs non conventionnels, et des entreprises qui n’ont pas engagé leur transition énergétique (défini par l’absence de publication d’un objectif complet de neutralité carbone des émissions de scope 1 et 2, ou de publication d’un objectif de réduction des émissions de GES de scope 3).
  4. Si LBPAM reconnaît la définition des hydrocarbures non conventionnels établis par le comité scientifique et d’expertise de l’observatoire de la finance durable et applique cette définition à ses critères d’exclusion projet, son critère d’exclusion des entreprises se fonde sur des données Trucost qui utilise une définition bien plus restrictive réduite aux pétrole et gaz de schiste, sables bitumineux, pétrole extra-lourd, ressources issues de l’Arctique (défini comme les régions objet d’une glaciation temporaire ou pluriannuelle de l’eau de mer) et gaz et pétrole très profonds.
  5. Récemment les détenteurs d’actifs Macif et Abeille Assurances ont mis en place un seuil d’exclusion à 5% du chiffre d’affaires combiné avec un seuil à 25% sur la production sur les pétrole et gaz non conventionnels. Les gestionnaires d’actifs Sycomore et Ostrum ont mis en place des seuils de 5% et 10% sur le chiffre d’affaires et la production respectivement.
  6. Les autres critères sont : des objectifs de réduction des émissions de GES, la transparence sur l’exposition de la société aux risques climatiques et une stratégie de transition énergétique permettant de les maîtriser, une vigilance au développement des énergies non conventionnelles, une politique d’influence favorable à la transition énergétique et une gouvernance claire et cohérente.
  7. L’effet signal” de la politique d’engagement (expression claire des attentes, échéances et stratégies d’escalade déployées pour chaque critère avec précision de la matérialisation sur les votes et investissements) vis-à-vis des émetteurs s’en trouve diminué.
  8. Consultez notre analyse des plans climat des majors pétro-gazières européennes et l’analyse de 36 entreprises pétro-gazières dans le cadre du CA 100+.
  9. Analyse de Reclaim Finance sur la base d’une recherche financière conduite par Profundo B.V. Données au 25 avril 2022.