Votes sur le climat : le double jeu des gestionnaires d’actifs

Paris, 19 décembre 2023 – Si les gestionnaires d’actifs font de beaux discours sur le climat, leurs paroles ne se traduisent pas en actes lorsqu’ils votent aux assemblées générales. C’est ce que révèle l’analyse des votes aux assemblées 2023 de 75 entreprises des énergies fossiles dont ils sont actionnaires (1). Le rapport démontre que leur engagement en faveur du climat est au mieux insuffisant et que les gestionnaires d’actifs ne prennent pas en compte le climat lors des votes stratégiques clés. Reclaim Finance appelle les gestionnaires d’actifs à être à la hauteur de l’urgence climatique à l’approche de la saison 2024 des assemblées générales, en votant en fonction du degré d’alignement des plans climat des entreprises avec l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5°C. 

Dans ce rapport, Reclaim Finance analyse les politiques et pratiques de 30 gestionnaires d’actifs lors des assemblées générales de 2023 de 75 entreprises des énergies fossiles faisant partie de leurs portefeuilles. Leurs votes sur le Say on Climate (2), les résolutions climatiques actionnariales, la réélection des membres du conseil d’administration, la rémunération et les comptes financiers ont tous été évalués, ainsi que les politiques de vote. Résultat : les gestionnaires d’actifs continuent tous à soutenir les plans d’expansion des entreprises du secteur des énergies fossiles. Et ce, alors que la quasi-totalité des gestionnaires d’actifs s’étaient engagés à accompagner les entreprises les plus émettrices sur les questions climatiques en rejoignant la coalition d’investisseurs Climate Action 100+ (3).  

Les gestionnaires d’actifs font de beaux discours sur l’engagement actionnarial en faveur du climat, mais dès qu’il s’agit de prendre des mesures concrètes, ils rétropédalent. En votant pour soutenir les stratégies d’expansion des énergies fossiles de ces entreprises, ils contribuent aussi au dérèglement climatique. Les gestionnaires d’actifs doivent s’opposer aux entreprises développant des projets d’énergies fossiles néfastes pour le climat et voter en conséquence lors des prochaines assemblées générales.

Agathe Masson, responsable de la campagne Engagement actionnarial chez Reclaim Finance

L’analyse révèle que les gestionnaires d’actifs ont fait très peu d’efforts pour engager les entreprises du secteur fossile sur les questions climatiques lors des assemblées générales de 2023. Les acteurs financiers ont eu peu d’attentes climatiques envers les entreprises, et ont préféré demander de la transparence plutôt que des actions  concrètes en faveur du climat dans leurs politiques de vote. De plus, ils ne sont pas parvenus à imposer le sujet du climat au-delà des votes spécifiques sur ce sujet, qui n’ont eu lieu que dans 15 % des entreprises analysées. En effet, très peu d’entre eux ont utilisé les votes dits de routine proposés par la direction pour engager les entreprises du secteur fossile, alors qu’ils constituent un levier crucial pour influencer la stratégie et la gouvernance des entreprises.  

Ainsi, onze des gestionnaires d’actifs évalués n’ont défini aucun critère lié au climat pour les votes relatifs à la réélection des administrateurs. Par conséquent, l’ensemble des gestionnaires d’actifs analysés ont voté en moyenne en faveur de 78 % des réélections d’administrateurs des entreprises analysées, au lieu de les tenir pour responsables de leurs stratégies climaticides. Leur approche concernant les votes sur les comptes financiers est encore pire. Seuls trois gestionnaires d’actifs analysés (4) attendent des entreprises qu’elles intègrent les risques liés au climat dans leurs bilans financiers, alors que les entreprises des énergies fossiles présentent un risque élevé d’actifs échoués.   

En ce qui concerne les votes dédiés au climat, les résultats sont tout aussi désastreux. Seulement 9 % des résolutions climatiques actionnariales déposées lors des assemblées générales 2023 des développeurs fossiles ont été approuvées, et les deux seules entreprises qui ont organisé un vote sur leur stratégie climatique (TotalEnergies et Shell) ont reçu le soutien de plus de 80 % de leurs actionnaires. Reclaim Finance a également constaté que plusieurs gestionnaires d’actifs, dont Amundi, BNP Paribas Asset Management et UBS Asset Management, ont adopté des approches incohérentes dans leurs différents votes sur le climat (5). Par ailleurs, Ostrum AM est le seul acteur français qui a voté contre les 2 Say on Climate de TotalEnergies et Shell. 

Reclaim Finance appelle les gestionnaires d’actifs à utiliser les votes stratégiques clés proposés par l’entreprise pour s’opposer aux stratégies climatiques insuffisantes, floues ou incomplètes. Ils doivent adopter des politiques de vote robustes et fonder leurs décisions de vote sur la qualité des stratégies climatiques des entreprises. Les détenteurs d’actifs, quant à eux, doivent engager activement leurs gestionnaires d’actifs pour les encourager à adopter des politiques et des pratiques de vote robustes en matière de climat. 

Contacts :

Notes :

  1. Climate Votes: The Great Deception – an assessment of asset managers’ climate votes in 2023, Reclaim Finance, Décembre 2023.
  2. Le Say on Climate est une résolution soumise aux ses actionnaires visant à obtenir leur approbation de la stratégie climatique de l’entreprise ou de sa mise en oeuvre. 
  3. Voir https://www.climateaction100.org/ 
  4. Il s’agit de Aviva Investors, LGIM et Schroders 
  5. Par exemple, lors de l’assemblée générale de TotalEnergies, Amundi, BNP Paribas Asset Management et UBS Asset Management ont soutenu la résolution climatique actionnarial tout en approuvant la stratégie climatique de l’entreprise, malgré ses lacunes évidentes (voir : https://reclaimfinance.org/site/wp-content/uploads/2023/10/Assessment-of-TotalEnergies-Climate-Plan.pdfhttps://reclaimfinance.org/site/wp-content/uploads/2023/04/20230413-briefing-climate-strategy-assessment-shell.pdf).    

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2023-12-18T11:31:45+01:00