L’assemblée générale 2024 de TotalEnergies a confirmé le soutien massif de ses actionnaires à la stratégie climaticide de l’entreprise. Reclaim Finance a analysé le détail des votes des principaux actionnaires, et le constat est sans appel. Malgré l’obstination des dirigeants de TotalEnergies dans une stratégie d’expansion fossile, ses actionnaires ont majoritairement voté pour le plan climat de l’entreprise, la réélection de ses dirigeants et leur rémunération. Ignorant l’urgence climatique, ils ont également validé les dividendes et les comptes financiers, alors que la stratégie d’investissement de TotalEnergies reste principalement tournée vers les énergies fossiles.
A l’assemblée générale 2023, 30% des actionnaires avait voté pour une résolution demandant à TotalEnergies d’aligner son plan climat avec l’Accord de Paris. Loin d’amender sa stratégie climatique, quelques mois plus tard, TotalEnergies a au contraire effectué un retour en arrière, en annonçant une augmentation de sa production pétro-gazière de 2 à 3% d’ici 2028 [1]. Cette année encore, l’entreprise a ignoré ses investisseurs engagés pour le climat, en refusant une résolution actionnariale qui visait notamment à « améliorer le dialogue avec le conseil d’administration sur les enjeux climatiques et de transition » [2].
Un plan climaticide approuvé majoritairement
En contradiction avec les projections de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et les recommandations scientifiques pour limiter le réchauffement à 1,5°C, TotalEnergies continue de miser sur le développement de nouveaux projets pétro-gaziers. En 2023, l’entreprise était ainsi le sixième plus grand développeur de champs pétro-gaziers dans le monde [3], perpétuant la production d’énergies fossiles et verrouillant des décennies d’émissions de gaz à effet de serre supplémentaires. Par ailleurs, la stratégie d’investissements de TotalEnergies repose encore principalement sur le pétrole et le gaz : plus de 67% de ses investissements y seront consacrés d’ici à 2030, dont une grande partie dédiée au développement d’activités de gaz naturel liquéfié (GNL).
Pourtant, cette année,
des actionnaires de TotalEnergies ont approuvé son plan climat à travers leurs votes à la résolution dite Say on Climate.
Parmi les 20 plus grands actionnaires de l’entreprise, seuls DWS, Dimensional Fund Advisors, UBS Asset Management et Union Investment ont voté contre la stratégie climatique. Parmi les 10 plus grands actionnaires français, Ofi Invest Asset Management et La Banque Postale Asset Management ont voté contre, et Ostrum Asset Management s’est abstenu sans voter contre, échouant à s’y opposer clairement.
Paradoxalement, Amundi (groupe Crédit Agricole) et BNP Paribas Asset Management (groupe BNP Paribas) ont apporté leur soutien au plan climat de l’entreprise. Dans le cadre de leurs engagements climatiques, leurs maisons mère ont pourtant récemment annoncé un arrêt de leur participation aux émissions obligataires conventionnelles pour les entreprises actives dans le développement de projets d’exploration et de production pétro-gazière. Les votes de leurs filiales de gestion d’actifs affichent une forte incohérence avec ces engagements.
Un soutien massif à la direction derrière la stratégie de TotalEnergies
Le président-directeur général (PDG), Patrick Pouyanné, et les membres du conseil d’administration sont les chefs d’orchestre de cette stratégie climaticide. En tant qu’administrateurs, ils ont en effet la responsabilité de définir la stratégie de l’entreprise et de superviser ses activités, ce qui inclut son plan climat. Puisque les votes sur la réélection des administrateurs et la rémunération des dirigeants ont un effet contraignant, ils constituent un moyen d’action efficace pour exprimer un désaccord sur les décisions prises par ces dirigeants. Voter contre ces résolutions permet donc de sanctionner l’expansion fossile de TotalEnergies et de tenter de bloquer son exécution. Par ailleurs, ce sont des outils d’escalade face à l’échec de l’engagement actionnarial passé.
Rares sont pourtant les principaux actionnaires qui ont voté cette année contre ces résolutions. Au total, 76% des actionnaires ont soutenu la réélection de Patrick Pouyanné. Parmi les principaux actionnaires analysés ici, seuls NBIM, DWS, Dimensional Fund Advisors, Union Investment et Ofi Invest Asset Management ont voté contre, et BNP Paribas Asset Management s’est abstenu. Toutefois, ces votes d’opposition ne sont pas toujours motivés par le climat. NBIM indique ainsi s’être opposé à la cumulation des rôles de président et de directeur général. Ofi Invest Asset Management et Union Investment sont parmi les rares investisseurs à avoir justifié leur vote contre la réélection du PDG par des raisons climatiques [4]. De son côté, BNP Paribas Asset Management ne précise pas les raisons de son abstention.
Par ailleurs, seul Union Investment s’est opposé aux deux autres réélections d’administrateurs, et Ostrum Asset Management et La Banque Postale Asset Management à l’une des deux. Ces trois investisseurs sont également les seuls à avoir voté contre la rémunération du PDG. Tous les autres principaux actionnaires analysés ont apporté leur soutien à ces résolutions, qui ont toutes obtenu au global plus de 89% de voix favorables.
Priorité aux profits à court terme
Les actionnaires de TotalEnergies adoptent une logique court-termiste privilégiant les revenus financiers immédiats aux investissements nécessaires à la transition. Ils ont en effet approuvé à la quasi-unanimité l’allocation des dividendes et les comptes financiers. Alors que l’entreprise pourrait utiliser ses profits records pour investir dans les énergies soutenables, les actionnaires valident à 99,99% le versement de dividendes [5]. Pour rappel, en 2023, pour chaque dollar investi dans ses activités de production d’électricité, qui sont censés regrouper ses activités liées à la transition mais intègrent des activités basées sur le gaz fossile, TotalEnergies a distribué 3,4 dollars aux actionnaires. De la même façon, bien que les comptes financiers de TotalEnergies n’intègrent pas correctement les risques liés au climat [6], sous-estimant ainsi leurs impacts financiers sur le long terme, 99,5% des actionnaires les ont approuvés à l’assemblée générale. Aucun des 20 principaux actionnaires et des 10 plus grands actionnaires français de TotalEnergies n’a voté contre le versement de dividendes et les comptes financiers.
L’heure est venue pour les actionnaires de TotalEnergies de prendre leurs responsabilités et de changer radicalement d’approche avec l’entreprise. Pour empêcher ses projets climaticides, ils doivent absolument s’opposer aux votes stratégiques de routine et arrêter les nouveaux investissements auprès de l’entreprise, en priorité l’achat d’obligations.