La sortie du charbon est l’un des grands enjeux auxquels le secteur énergétique et les acteurs qui le financent sont confrontés. Mais, en dépit d’engagements pionniers pris en 2019, la finance française peine à achever cette sortie. Ainsi, quand la France prône l’abandon du charbon sur la scène internationale, les banques, assureurs et investisseurs nationaux continuent d’apporter leurs soutiens aux entreprises du secteur. Une réglementation plus stricte s’impose pour tourner la page du charbon et crédibiliser les ambitions et demandes françaises visant à se passer de cette énergie fossile.
La sortie du charbon s’est imposée comme un impératif environnemental et sanitaire majeur. Ce combustible fossile, responsable de centaines de milliers de décès prématurés chaque année, est également le principal contributeur aux émissions de CO2 dans le secteur de l’énergie. En 2022, 73,22 % des émissions de CO2 pour l’électricité et le chauffage étaient imputables au charbon au niveau mondial. Cependant, la production et consommation de charbon continuent d’augmenter, mettant en péril les objectifs de l’Accord de Paris.
La finance française : une sortie du charbon… incomplète
Dans ce contexte, la France a émergé comme un précurseur dans la lutte contre le financement du charbon. Dès 2014, le pays annonçait la fin des crédits export pour les projets liés à cette énergie fossile. En 2019, la Place financière de Paris devenait la première au monde à s’engager collectivement à sortir du charbon thermique d’ici 2030 pour les pays de l’OCDE et 2040 pour le reste du monde.
Ces engagements ont conduit à l’adoption de nombreuses politiques sectorielles restreignant les services financiers au secteur du charbon. Certaines institutions financières ont même mis en place des politiques robustes, coupant les soutiens au développement du charbon et aux entreprises fortement impliquées dans ce secteur. Cependant, malgré ces avancées, la mise en œuvre concrète de ces engagements reste lacunaire.
En effet, plusieurs acteurs financiers français continuent de soutenir des entreprises développant de nouvelles capacités charbon ou n’ayant pas de plan de sortie crédible. Entre 2021 et 2023, les quatre grandes banques françaises ont ainsi financé 26 entreprises problématiques du secteur du charbon (1). Cette situation s’explique en partie par l’absence de définition commune des entreprises à exclure et par le manque de contraintes réglementaires. De plus, les politiques actuelles se concentrent principalement sur le charbon thermique, négligeant le charbon métallurgique, pourtant responsable de 13 % de la production mondiale de charbon.
Tourner la page : vers une obligation de sortie du charbon
En l’absence d’obligations légales et de sanctions, le cadre réglementaire actuel ne permet pas de garantir une sortie effective du charbon. Les acteurs financiers peuvent continuer de financer le secteur sans conséquence malgré les différentes prises de position gouvernementales et les rapports des superviseurs financiers. Cette situation montre qu’une action législative est nécessaire pour obliger les institutions financières à « finir le travail » sur la sortie du charbon en adoptant des politiques robustes.
Pour être effectives, ces dispositions nécessitent d’être assorties de sanctions dissuasives en cas de non-respect et d’une définition claire et précise des entreprises à exclure. Seule une telle approche, alliant interdictions strictes, obligations contraignantes et mécanismes de contrôle efficaces, permettra de garantir la sortie effective du charbon par la finance française.
En suivant cette voie, la France capitaliserait sur les progrès déjà réalisés depuis 2019 pour consolider sa position de leader pour une sortie du charbon à l’échelle mondiale.