TotalEnergies, la ruée vers le gaz des Etats-Unis

La CERAWeek a débuté ce lundi 10 mars à Houston, réunissant l’industrie fossile et ses principaux soutiens. Lors de ce rendez-vous incontournable pour l’industrie fossile, le dirigeant de TotalEnergies Patrick Pouyanné sera l’un des intervenants de premier plan. Derrière son discours d’acteur de la transition, la major française est en réalité la deuxième au monde en termes de plans d’exploration et production d’énergie fossile à court terme, et la deuxième comptant le plus de projets de terminaux d’exportation de GNL (1). Son expansion repose largement sur les Etats-Unis, un axe stratégique rendu possible grâce au soutien des institutions financières. À l’occasion de la CERAWeek, Reclaim Finance appelle à mettre fin au financement des projets climaticides de TotalEnergies.

Dans un contexte marqué par le retour de Trump au pouvoir, ses déclarations pro- énergies fossiles et la levée du moratoire sur les nouveaux terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL), l’expansion du gaz aux Etats-Unis s’accélère. Les nouveaux champs et terminaux ternissent nos chances de limiter le réchauffement planétaire à +1,5°, alors que le scénario Net Zero Emissions (NZE) de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) trace un chemin sans nouveau champ d’énergies fossiles ni nouveau terminal de liquéfaction (2). Pourtant, la major française TotalEnergies, qui a mis les Etats-Unis au cœur de sa stratégie d’expansion, est la deuxième plus grande développeuse de projets d’expansion upstream à court terme et la deuxième en termes de projets de terminaux d’exportation de GNL.

Les Etats-Unis au cœur de la stratégie d’expansion de TotalEnergies 

Le développement de nouveaux projets pétro-gaziers aux Etats-Unis est au cœur de la stratégie d’expansion de TotalEnergies. Lors de la présentation de ses résultats 2024 (3), l’entreprise a réaffirmé que les Etats-Unis seraient l’un des piliers de sa stratégie d’expansion. En effet, la major accroît sa présence dans le pays en développant de nouveaux champs aux Etats-Unis, ainsi qu’en misant sur le GNL.

Grâce à ses nombreux plans d’expansion, TotalEnergies prévoit d’augmenter sa production mondiale de pétrole et de gaz de 3% par an d’ici à 2030. Cette hausse est encore plus marquée aux Etats-Unis où sa production devrait augmenter de 8,3% par an d’ici 2030 et dépasser les 180,000 barils équivalent pétrole extrait par jour (4). Cette accélération aux Etats-Unis repose notamment sur le développement ou l’extension de champs gaziers dans les bassins de schiste Barnett Shale et Eagle Ford, ainsi que le développement du champ Ballymore dans le Golfe du Mexique.

TotalEnergies met également en avant sa position de premier exportateur de GNL aux Etats-Unis (5), en fondant son expansion sur 2 piliers :

  • Avec la détention de terminaux d’exportation de GNL prévus aux Etats-Unis, TotalEnergies participe activement à la construction de ces derniers. Déjà présent dans le pays avec sa participation de 16,6% dans le terminal Cameron LNG d’une capacité de liquéfaction de 13,5 millions de tonnes par an (Mtpa), TotalEnergies prévoit de plus que doubler ses capacités nettes de liquéfaction dans les prochaines années avec l’extension de ce terminal et la construction de Rio Grande LNG (6).
  • Avec la signature de contrats à long terme, essentiels pour permettre la construction de nouveaux terminaux de GNL. TotalEnergies est le principal signataire de contrats long terme de GNL états-unien avec 19,61 Mtpa de volumes contractualisés (7). Ces contrats de 15 à 20 ans sont liés à cinq terminaux, dont Rio Grande LNG. On note une accélération ces dernières années : 6 des 8 contrats ont été signés entre 2019 et 2023.

Ces nouveaux champs et terminaux (8) entraînent des conséquences dévastatrices pour le climat, comme l’illustre Rio Grande LNG. Connecté aux bassins de gaz de schiste et aux infrastructures gazières, ce projet contribuerait à émettre 191 millions de tonnes de CO2e par an (9). Au-delà de ses impacts environnementaux, le projet pose de graves risques sanitaires pour les communautés locales et viole le principe de consentement libre, préalable et éclairé (FPIC), la tribu Carrizo/Comecrudo s’opposant fermement à sa construction sur des terres sacrées (10).

Une expansion climaticide possible grâce aux institutions financières 

Cette expansion climaticide est permise par les soutiens des institutions financières, notamment européennes. Parmi les principaux soutiens bancaires européens entre 2021 et 2023, on retrouve au premier rang les banques françaises, ainsi que Barclays, Santander, Deutsche Bank et BBVA.

Top 15 des banques de totalenergies (2021-2023)

in us$ millions

BNP Paribas : 2 041
Crédit Agricole : 1 338
Société Générale : 1 213
SMBC Group : 946
Citi : 922
Barclays : 846
JPMorgan Chase : 846
RBC : 749
Santander : 749
deutsche bank : 644
bpce group : 531
mizuho : 447
bbva : 447
standared chartered : 447
goldman sachs : 302

Source : Analyse de Reclaim Finance, basée sur des données du Banking on Climate Chaos 2024 

Alors que les deux principaux financeurs de la major BNP Paribas et Crédit Agricole se sont engagés en 2024 à ne plus structurer les obligations conventionnelles pour les producteurs de pétrole et de gaz (11), et n’ont pas participé depuis à de nouveaux financements à la major, ce n’est pas le cas de ses pairs, parmi lesquels Bank of America, BPCE/Natixis, HSBC et Société Générale. Avec le soutien des banques, TotalEnergies a ainsi émis des obligations pour un montant de 3,15 milliards d’euros en mars 2025 (12).

Les investisseurs sont également des soutiens de TotalEnergies, au premier rang desquels figure Crédit Agricole et sa branche de gestion d’actifs Amundi. Malgré les engagements de la banque Crédit Agricole de ne plus structurer les émissions d’obligations des producteurs de pétrole et de gaz, le groupe peut toujours investir dans ces obligations sur le marché primaire. Crédit Agricole, à travers ses filiales Amundi et Crédit Agricole Assurances, poursuit ainsi son soutien obligataire, contrairement à BNP Paribas, qui a fait choix de ne plus investir dans les obligations conventionnelles sur le marché primaire via BNP Asset Management et BNP Cardif (13).

Top 15 des investisseurs de totalenergies

in us$ billion

Crédit Agricole* : 14,5
Blackrock : 10,7
Vanguard : 6
Capital Group : 4,7
Norges Bank : 4,5
Fidelity International : 2,3
Deutsche Bank* : 2,1
Goldman Sachs : 1,7
Dodge & cox : 1,3
t. rowe price : 1,3
invesco : 1,2
massachussets financial services : 1,1
government pension investement fund : 1,1
Bnp paribas* : 1,1
state street* : 1

*Groupe Crédit Agricole : comprend les filiales Amundi, CA Indosuez, CPR AM et les actions du Fonds Communs de Placement d’Entreprise (FCPE) de TotalEnergies, géré par Amundi. Norges Bank : Norges Bank Investment Management. Deutsche Bank : DWS. Goldman Sachs : Goldman Sachs Asset Management. BNP Paribas : comprend BNP Paribas Asset Management & CamGestion. State Street : State Street Global Advisors.

Source : Analyse de Reclaim Finance, basée sur les données financières extraites du terminal Bloomberg le 13 mars 2024 

Au service de ses actionnaires, TotalEnergies place les profits à court terme au premier plan de sa stratégie, au détriment du climat. En 2024, l’entreprise a distribué 4 dollars à ses actionnaires pour chaque dollar investi dans sa branche bas carbone.

L’augmentation des investissements dans les énergies fossiles, combinée à une stratégie qui privilégie les actionnaires, entraîne une diminution des initiatives soutenables. Dans ce contexte, chaque euro investi dans l’expansion du gaz aux États-Unis est un euro en moins pour la transition énergétique. Cette stratégie à court terme aggrave le dérèglement climatique, avec la complicité des institutions financières. Ces dernières doivent mettre fin à tout nouveau soutien à TotalEnergies et aux développeurs de pétrole et de gaz et de GNL. Les investisseurs ne peuvent être dupes et doivent s’opposer à la stratégie et à la direction de l’entreprise lors des votes lors de l’assemblée générale prévue fin mai 2025.

Notes :

  1. Urgewald, Global Oil and Gas Exit List, octobre 2024 
  2. AIE, World Energy Outlook, octobre 2024 
  3. TotalEnergies, 2024 results and 2025 objectives, février 2025 
  4. Analyse de Reclaim Finance d’après les données extraites de Rystad Energy en mars 2025 
  5. TotalEnergies, TotalEnergies et les États-Unis : une aventure multi-énergies 
  6. Global Energy Monitor, Global Gas Infrastructure Tracker, février 2025 
  7. Sierra Club, US LNG Exports Tracker, mars 2025 
  8. Plus d’informations sur les projets climaticides de TotalEnergies sur DefundTotalEnergies 
  9. Plus d’informations sur les projets climaticides de TotalEnergies sur DefundTotalEnergies 
  10. Inside Climate News, Forgotten Keepers of the Rio Grande Delta: a Native Elder Fights Fossil Fuel Companies in Texas, mai 2024 
  11. Plus d’informations sur les politiques des institutions financières sur l’Oil and gas policy tracker 
  12. Voir la publication Linkedin de Reclaim Finance 
  13. Reclaim Finance, BNP Paribas AM n’investira plus dans les nouvelles obligations des entreprises pétro-gazières, novembre 2024 
  14. D’après un courrier de BNP Paribas envoyé à Reclaim Finance le 19 février 2025 
  15. Novethic, TotalEnergies voudrait être coté à New York pour éviter les pressions climatiques des actionnaires européens, avril 2024 

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2025-03-21T19:09:37+01:00