Les contrats d’importation de gaz naturel liquéfié (GNL) à long terme sur lesquels ENGIE s’appuie de façon accrue contribuent au développement de nouveaux terminaux d’exportation de GNL, en contradiction avec les scénarios crédibles de décarbonation (1). Au risque de voir se multiplier les actifs échoués ou d’enfermer l’entreprise dans une trajectoire de chaos climatique, les investisseurs d’ENGIE doivent s’opposer à cette stratégie en votant contre la réélection de Catherine MacGregor en tant qu’administratrice et contre le « Say on Climate » (SoC) lors de son Assemblée générale.
Les contrats d’importation de GNL à long terme (2) sont la clé de voute de l’expansion du GNL : ils sécurisent les projets de terminaux d’exportation prévus et garantissent des débouchés à une production croissante, entrainant l’exploitation de nouveaux champs. Les acheteurs européens, tels qu’ENGIE, jouent un rôle majeur à cet égard, ayant signé depuis 2022 de nombreux contrats d’importation de GNL portant sur des projets prévus, notamment aux Etats-Unis (3). La signature de tels contrats, qui verrouillent pendant plusieurs décennies l’achat de volumes conséquents de GNL, compromet l’objectif de limiter le réchauffement planétaire à 1,5° – une préoccupation qui semble cependant écartée par ENGIE.
Les contrats à long terme d’ENGIE favorisent l’expansion du GNL et du gaz
Entre 2021 et 2023, ENGIE a ajouté – au moins – trois nouveaux contrats (4) aux trois actuellement en vigueur, signés entre 2012 et 2018 (5). Ces nouveaux contrats s’étendent au-delà de 2040 et portent sur l’importation de gaz de schiste en provenance des États-Unis. Ils sont liés à des nouveaux terminaux d’exportation de GNL et sont nécessaires au bouclage du financement de ces projets (6). Des terminaux qui, pourtant, ne devraient pas voir le jour : l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a répété à plusieurs reprises dans son scénario Net Zero Emissions by 2050 que de nouveaux terminaux d’exportation de GNL n’étaient pas compatibles avec une trajectoire 1,5° (7).
En signant ces contrats, ENGIE favorise également l’exploitation de nouveaux gisements de gaz fossile et des infrastructures associées, et ainsi l’enfermement dans une trajectoire fortement carbonée. Le boom de la demande de GNL, auquel contribue ENGIE à travers ses contrats signés aux Etats-Unis, est l’une des raisons majeures de la forte croissance de l’exploitation gazière dans le bassin permien (8). Cette croissance s’accompagne de la construction de nouveaux gazoducs (9).
Le contrat le plus récent signé par ENGIE porte sur l’achat à Sempra de gaz fossile pendant 15 ans en provenance de Port Arthur LNG (10), un terminal en construction qui devrait commencer ses opérations en 2027. Kinder Morgan prévoit de développer le gazoduc Trident Intrastate Pipeline pour acheminer le gaz du bassin permien à la zone de Port Arthur, avec une mise en service prévue en même temps que la première phase du terminal Port Arthur LNG (11).
Les contrats d’ENGIE sont incompatibles avec les objectifs de décarbonation européens
La signature de ces contrats contrevient à l’ambition d’ENGIE en faveur de la transition énergétique. Ils portent sur du gaz extrait par fracturation hydraulique (12), associé à des émissions de méthane particulièrement importantes – le GNL étatsunien étant plus émissif que le charbon (13).
Preuve du malaise provoqué par ce décalage, ENGIE, sous la pression de l’Etat français, avait dû renoncer dans un premier temps à la signature d’un contrat avec l’entreprise NextDecade pour l’importation de GNL provenant du projet Rio Grande LNG au Texas (14). Le gouvernement français était en effet préoccupé par les impacts environnementaux d’un tel contrat. Et pour cause : le terminal contribuerait à générer 191 millions de tonnes de CO2e par an (15), soit l’équivalent de 49 centrales au charbon (16). Le contrat, portant sur l’importation d’1,75 million de tonnes par an de GNL, avait finalement été signé en 2022 (17), ENGIE justifiant ce choix en s’appuyant sur le projet de NextDecade de capture et de séquestration de carbone (CCS), censé réduire plus de 90 % des émissions de CO2 du terminal. Le projet de CCS a finalement été abandonné par NextDecade (18), alors que contrat demeure en vigueur.
L’inadéquation des volumes d’importation de GNL prévus avec les objectifs de décarbonation européens fait aussi craindre le développement d’actifs échoués. La hausse des capacités d’importation de GNL sur le continent européen, combinée à la baisse de la consommation de gaz et de GNL (19), pourrait d’ores et déjà entraîner des capacités d’importation de GNL en Europe trois fois supérieures à la demande en 2030 (20).
Dans ce contexte, ENGIE pourrait faire le choix de réexporter les volumes de GNL prévus dans le cadre de ses contrats étatsuniens (21) vers l’Asie (22) – déplaçant ainsi le risque de verrouillage d’une trajectoire climatique carbonée vers une autre région du monde, et oubliant que la lutte contre le dérèglement climatique est un enjeu global.
La stratégie d’ENGIE de signatures de contrats d’importation de GNL à long-terme est incompatible avec une trajectoire de neutralité carbone. ENGIE doit s’engager à ne pas signer de nouveaux contrats d’importation de GNL à long terme sans preuve qu’ils ne sont pas liés à la construction de nouveaux terminaux d’exportation ou à l’ouverture de nouveaux gisements de gaz. Reclaim Finance appelle les actionnaires d’ENGIE à voter contre le SoC et le renouvellement du mandat de l’administratrice Catherine MacGregor, également directrice générale de l’entreprise, lors de l’Assemblée générale de l’énergéticien.