En 2024, TotalEnergies a levé 9,9 milliards de dollars sur les marchés financiers, un montant qu’elle n’avait pas atteint depuis 2020. Et ce notamment grâce au soutien du groupe Banque Populaire Caisse d’Epargne (BPCE), qui l’a aidé à obtenir plus des 2/3 de cette somme à travers l’émission d’obligations. Le groupe Banque Populaire Caisse d’Epargne est ainsi devenu en 2024 la première banque française de TotalEnergies, passant pour la première fois devant Crédit Agricole et BNP Paribas, soutiens historiques de la major française. Une position qui s’explique par les politiques très peu regardantes en matière climatique du groupe BPCE qui, à l’image de Société Générale, a pris du retard sur ses pairs Crédit Agricole et BNP Paribas.
TotalEnergies, loin de se conformer aux recommandations du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), a revu en 2024 ses objectifs de production de pétrole et de gaz à la hausse. Pour augmenter sa production de 3% par an d’ici à 2030 (1), l’entreprise a pu s’appuyer sur les marchés financiers, en émettant des obligations à trois reprises. Ces investissements obligataires, accordés par des investisseurs et facilités par les banques, ont représenté 73,6% de ses financements entre 2016 et 2024, et ont même été sa seule source de financement en 2024 (2).
L’entreprise dispose aujourd’hui de 47 obligations actives, d’un montant total de 48,2 milliards de dollars (3), et dont la durée moyenne à l’émission n’a cessé de s’allonger ces dernières années. Une étude d’AFII a ainsi montré que la maturité moyenne des obligations de TotalEnergies émises entre janvier 2020 et avril 2024 était de 22 ans contre 6 ans pour celles émises entre 2000 et 2004, avec une augmentation continue entre ces périodes (4). Une tendance qui s’est confirmée, l’entreprise ayant depuis émis six obligations aux durées allant de 8 à 40 années, ainsi que deux obligations “perpétuelles”, émises sans date d’échéance et générant des paiements d’intérêts tant qu’elles ne sont pas rachetées par l’émetteur.
Obligations émises par TotalEnergies depuis janvier 2024
Date de l’émission de l’obligation |
Montant de l’obligation (devise d’origine) |
Montant en dollars | Échéance de l’obligation |
---|---|---|---|
5 avril 2024 | 1,25 mds US$ | 1,25 mds | 2034 |
1,75 mds US$ | 1,75 mds | 2054 | |
1,25 mds US$ | 1,25 mds | 2064 | |
10 septembre 2024 | 0,75 md US$ | 0,75 mds | 2034 |
1 md US$ | 1 md | 2054 | |
1,25 mds US$ | 1,25 mds | 2064 | |
19 novembre 2024 | 1,25 mds € | 1,32 mds | Aucune (obligation perpétuelle) |
1,25 mds € | 1,32 mds | Aucune (obligation perpétuelle) | |
3 mars 2025 | 1 md € | 1,05 mds | 2033 |
0,85 md € | 0,89 md | 2037 | |
1,3 mds € | 1,36 mds | 2045 |
Source : Bloomberg, mars 2025
Pour l’entreprise pétro-gazière, il s’agit de financements particulièrement avantageux, tant du fait de leur durée que parce qu’elle peut les utiliser sans conditions. En effet, TotalEnergies a la possibilité d’utiliser ces fonds pour n’importe quelle activité, et pour donc s’en servir pour développer de nouveaux projets pétroliers et gaziers. C’est cette flexibilité qui a poussé deux de ses principales banques, Crédit Agricole et BNP Paribas, à annoncer en 2024 qu’elles n’émettront plus d’obligations pour les développeurs de projets pétroliers et gaziers (5), reconnaissant que de tels financements ne sont pas compatibles avec le scénario Net Zero Emissions (NZE) de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Celles-ci étaient pourtant les deux premières banques de TotalEnergies depuis la signature de l’Accord de Paris, l’ayant respectivement financé à hauteur de 6,4 milliards et 5,9 milliards de dollars depuis 2016 (6).
Mais TotalEnergies a pu compter sur le soutien de nombreuses banques moins exigeantes en matière climatique. En 2024, 15 banques lui ont permis d’émettre des obligations, parmi lesquelles 4 l’ont fait à deux reprises : Bank of America, BPCE et SMBC ont soutenu l’émission d’obligations pour un montant total de 6,9 milliards de dollars, et HSBC pour un montant total de 5,6 milliards de dollars. Le groupe BPCE devient donc en 2024 la première banque française de TotalEnergies en 2024, conséquence logique de ses faibles exigences concernant l’industrie fossile. BPCE n’a en effet toujours pas exclu les financements directs aux nouveaux champs gaziers, alors que les autres banques françaises ont déjà franchi ce pas, ou le financement de certains terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL) (7).
Banques ayant participé aux émissions d’obligations de TotalEnergies en 2024
Banque | Nombre d’obligations de TotalEnergies que la banque a contribué à émettre en 2024 |
Montant cumulé des obligations émises (en milliards de dollars) |
---|---|---|
Bank of America | 5 | 6,9 |
BPCE/Natixis | 5 | 6,9 |
SMBC | 5 | 6,9 |
HSBC | 5 | 5,6 |
Deutsche Bank | 3 | 4,25 |
MUFG | 3 | 4,25 |
Morgan Stanley | 3 | 4,25 |
Standard Chartered | 3 | 4,25 |
Citi | 3 | 3 |
JPMorgan | 3 | 3 |
Mizuho | 3 | 3 |
Santander | 3 | 3 |
Société Générale | 3 | 3 |
Barclays | 2 | 2,65 |
Goldman Sachs | 2 | 2,65 |
Source : Bloomberg, mars 2025
D’ici fin 2026, 8 obligations de TotalEnergies arriveront à maturité, amenant l’entreprise à rembourser plus de 4 milliards de dollars (8). Celle-ci pourrait chercher à émettre de nouvelles obligations afin de pouvoir financer ses projets climaticides pendant des décennies.
Reclaim Finance appelle donc les banques, dont BPCE et Société Générale, à s’engager de toute urgence à ne plus participer à l’émission de nouvelles obligations ou à tout autre financement d’entreprises qui, comme TotalEnergies, développent de nouveaux projets pétroliers et gaziers.