Quatrième groupe bancaire français, le groupe Banque Populaire Caisse d’Epargne (BPCE) s’est distingué ces dernières années par son retard en matière climatique. Loin d’adopter des politiques d’exclusion ambitieuses, la banque continue de financer des acteurs majeurs de l’expansion pétro-gazière, maintenant son appui aux entreprises productrices du secteur ainsi qu’au gaz naturel liquéfié (GNL). Ceci alors que l’expansion de la production gazière et les nouveaux terminaux d’exportation de GNL sont incompatibles avec la trajectoire de l’Agence internationale de l’énergie dans son scénario Net Zero Emissions by 2050 qui limite le réchauffement planétaire à 1,5°C. Son inertie place le groupe bancaire à contre-courant des tendances observées chez certains de ses pairs, montrant un manque de volonté à l’heure d’aligner ses pratiques avec les impératifs de la transition énergétique.
En matière climatique, les grandes banques françaises avancent à deux vitesses. Là où BNP Paribas et Crédit Agricole ont progressé, annonçant en mai 2024 qu’elles ne soutiendraient plus les obligations conventionnelles émises par des producteurs d’hydrocarbures (y compris par les majors), leurs pairs se démarquent par leur inertie. La Société Générale n’a toujours pas répliqué ces mesures, tout comme le Groupe BPCE. Cependant, ce dernier accuse un retard plus important encore, n’ayant pas adopté certains des engagements élémentaires qui montreraient une compréhension minimale de l’urgence climatique.
Des engagements lacunaires qui se reflètent dans les portefeuilles de BPCE
Comme son absence d’engagement sur le sujet le laisse présager, le groupe BPCE reste fortement impliqué dans le financement obligataire à l’industrie pétro-gazière. En 2024, BPCE a participé à un nombre important de transactions obligataires impliquant des entreprises majeures du secteur pétrolier et gazier, notamment Saudi Aramco, TotalEnergies et Eni, toutes classées parmi les 20 plus gros développeurs d’hydrocarbures au monde (1). Le soutien de BPCE a permis à Saudi Aramco, leader mondial en termes d’expansion de la production, de lever 6 milliards de dollars, ainsi que 6,9 milliards pour TotalEnergies.
BPCE est aussi la seule grande banque française à ne pas s’être dotée de cibles de décarbonation en pourcentage de baisse d’exposition pour le secteur pétro-gazier. Là où ses pairs prévoient d’infléchir significativement leurs volumes de financement, BPCE ne s’engage qu’à une réduction de 70% des émissions financées liées au secteur pétro-gazier d’ici 2030 (2). Comme démontré par le passé, cette méthode de calcul intègre des éléments pouvant faire diminuer artificiellement les chiffres sans lien avec les émissions réelles (3). Par ailleurs, la trajectoire fixée par BPCE ne garantit en rien une diminution de ses financements aux entreprises du secteur – en témoignent les 12 transactions aux développeurs de nouveaux champs pétro-gaziers constatées en 2024 (4) et son soutien pérenne aux plus problématiques d’entre eux.
Si ce premier constat concerne uniquement les activités de production d’hydrocarbures, il est réplicable au reste de la chaîne de valeur. Ainsi, BPCE continue de soutenir massivement les entreprises qui développent de nouvelles capacités de GNL. En 2024, elle a participé à trois levées de capitaux d’Energy Transfer, qui s’est récemment illustrée par une procédure-baillon à l’encontre de Greenpeace (5), d’un montant total de 7,7 milliards de dollars. Encore plus révélateur d’un fort appétit pour le gaz nord-américain, BPCE a soutenu Venture Global LNG, le plus gros développeur de terminaux de GNL au monde, dans sa récente introduction en bourse (6).
BPCE, lanterne rouge sur les projets gaziers
Concernant le GNL, BPCE s’engage à arrêter de soutenir directement les terminaux d’exportation greenfield (7) de gaz alimentés à plus de 25% par du gaz de schiste. Cette mesure d’exclusion devrait empêcher BPCE de financer directement la plupart des nouvelles infrastructures nord-américaines (8). Seulement, cet engagement omet les extensions de terminaux (brownfield), pourtant également responsables de l’expansion du GNL à l’heure actuelle (9). Preuve en est l’expansion de Sabine Pass LNG, qui doit permettre une augmentation de plus de la moitié de la capacité d’export de cet actif (10). Une première étape pour enrayer cette expansion consisterait à cesser le financement direct de tout terminal d’exportation de GNL, disposition qu’ING est la dernière grande banque européenne à avoir prise (11).
Mais les lacunes de BPCE sont encore plus profondes. Si le groupe a renoncé à apporter un soutien direct aux nouveaux champs pétroliers, il ne réplique pas cette mesure aux champs gaziers. En refusant ce premier pas pourtant élémentaire, BPCE manque de s’aligner avec une nouvelle norme observée sur le Vieux Continent, où 11 des 20 plus grandes banques, dont les cinq autres banques françaises, ont mis fin ces dernières années aux financements directs à tout l’upstream pétro-gazier. Les financements directs représentent une minorité des flux bancaires aux énergies fossiles (12), pourtant BPCE n’a pas encore renoncé à cette part de son activité. Cette inertie traduit une croyance persistante mais erronée : celle selon laquelle le gaz serait une énergie compatible avec la transition énergétique.
Reclaim Finance appelle BPCE à renforcer ses engagements sur le secteur pétro-gazier, ceux-ci n’étant pas à la hauteur des transformations nécessaires pour faire face à l’urgence climatique. En particulier, BPCE doit se doter de mesures restreignant le financement de projet et le financement aux entreprises qui développent des nouveaux champs de pétrole et de gaz ou des nouveaux terminaux d’exportation de GNL. BPCE prendra-t-elle enfin le virage d’une politique plus ambitieuse, ou restera-t-elle le mauvais élève des banques françaises en matière climatique ?