Cette tribune a été publiée dans le media Mediapart le 28 avril. Elle est disponible à ce lien : https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/280425/ue-et-climat-les-promesses-oubliees-demmanuel-macron
Il y a un an, lors du discours sur l’Europe à la Sorbonne, Emmanuel Macron partageait son idéal européen pour défendre la démocratie, le climat et le modèle social européen. Douze mois plus tard, ce discours a beaucoup vieilli et les récents développements européens prouvent une chose : le gouvernement français a bien tourné la page du discours de la Sorbonne.
Enterrer les idées par les actes : la proposition de loi Omnibus
La proposition Omnibus, qui vient modifier la loi européenne sur le devoir de vigilance et celle sur le reporting extra-financier, est l’un des premiers textes européens depuis les dernières élections européennes. Sous prétexte de « simplification », la loi viendrait détruire de nombreuses avancées sur les droits humains et sociaux, sur le climat, l’environnement ou encore la biodiversité. Elle viendrait freiner les entreprises dans leurs efforts de transition en ajoutant de l’incertitude au cadre réglementaire censé nous permettre d’atteindre collectivement nos objectifs climatiques. Elle viendrait exclure 80 % des entreprises couvertes par les obligations d’informations environnementales. En proposant de supprimer également des parties conséquentes de la transparence extra-financière – c’est-à-dire des indicateurs qui permettent de comparer les entreprises entre elles sur des sujets écologiques, sociaux ou de gouvernance – l’Union européenne favoriserait le greenwashing.
Il est désormais loin le discours qui rappelait l’importance de « protéger notre modèle social, en impliquant là aussi nos standards sociaux » ainsi que « nos ambitions climatiques, en défendant nos standards environnementaux ». Il n’est plus question non plus de « décarboner nos économies et répondre aux défis de la biodiversité et du climat » comme le promettait le président Macron.
Emmanuel Macron, la France et l’Union européenne semblent avoir abandonné progressivement ces objectifs pour satisfaire les principaux lobbies économiques et financiers qui souhaitent suivre l’exemple américain, où la déréglementation est en cours. Pourtant, il y a un an, le président français appelait l’UE à prouver qu’elle est autonome, en poursuivant « ce chemin qui nous permet, sur les sujets d’éducation, de santé, de climat, de lutte contre la pauvreté, d’avoir une voix singulière, […] de montrer qu’il n’y a jamais chez nous de doubles standards ».
Des négociations très secrètes
Et si Emmanuel Macron appelait il y a tout juste un an à davantage de participation citoyenne, « dès l’étape d’élaboration de la norme, mais aussi dans leur mise en œuvre », il est le premier à ne pas s’y être plié. Alors que la proposition de loi Omnibus a été massivement dénoncée par la société civile – ONG, syndicats, universitaires ou encore économistes –, ainsi que par certains acteurs économiques et financiers, très peu ont été écoutés par le gouvernement français, et par la Commission européenne.
Un vrai recul démocratique puisqu’il y a quelques années encore, l’élaboration de la directive sur le devoir de vigilance (CSDDD) et de la directive sur le reporting extra-financier (CSRD), qui sont aujourd’hui menacées d’être « simplifiées » à la tronçonneuse, avaient fait l’objet de longues négociations avec les parties prenantes. Entreprises, acteurs financiers, ONG et universitaires avaient participé à la consultation publique organisée par la Commission, avant que ces lois ne soient examinées par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne.
Cet abandon de la notion de consultation est incompréhensible. D’ailleurs, exclure les voix dissonantes pour ne garder que les arguments en faveur de la dérégulation est en opposition avec les engagements du Président Macron et les principes du « mieux légiférer » de la Commission européenne qui mettent clairement en avant le besoin de consulter les citoyens européens.
Enfin, la position française sur le dossier n’a pas officiellement été rendue publique, malgré les demandes en ce sens de la société civile. La France compte-t-elle défendre les plans de transition climatiques ambitieux de la loi sur le devoir de vigilance ? Cherchera-t-elle à exclure les multinationales de leurs obligations climatiques ?
Voir aussi :
La France oserait-elle laisser un blanc-seing à la finance ?
La France négocie aujourd’hui dans l’obscurité, et dans le dos de ses citoyens sur des textes qui sont pourtant cruciaux pour l’avenir des Français et des Européens, et pour le monde dans lequel ils vivront. Cela doit changer : le gouvernement doit être transparent sur sa position à l’égard des textes européens sur le climat, les droits sociaux et l’environnement, et défendre les avancées, comme le président Macron le promettait dans son discours il y a un an.