Adani et Société Générale : l’Autorité des marchés financiers doit agir

Six ans après s’être engagée à sortir du charbon, Société Générale continue de financer les développeurs les plus importants et les plus controversés du secteur, comme l’entreprise indienne Adani. Comment ? En exploitant les failles de sa politique sectorielle. C’est au régulateur, l’Autorité des marchés financiers (AMF), d’agir désormais pour faire cesser cette communication trompeuse aux parties prenantes comme le public ou les investisseurs, qui s’apparente à du greenwashing.

Société Générale, un soutien historique d’Adani

Si le dernier soutien connu de Société Générale à Adani date de mars 2024, sous la forme d’une émission d’obligations de 409 millions de dollars pour Adani Green Energy (1), la branche “énergie renouvelable” du conglomérat indien, la banque française est un soutien de longue date de l’entreprise indienne. On retrouve par exemple une transaction à Adani Transmission en 2016 (2). Société Générale aurait même dû participer à une nouvelle émission d’obligations d’Adani Green fin 2024 (3), avant que celle-ci ne soit finalement annulée par l’entreprise (4).

Alors que la banque française a pris l’engagement en 2020 de “ne plus fournir de produits et services aux entreprises qui développent de nouveaux projets de mines, centrales ou infrastructures liées au charbon thermique”, cette exclusion ne couvre pas “ceux exclusivement dédiés à la transition énergétique”. Or Adani Green est considérée aujourd’hui par la banque comme une entreprise dont les activités sont dédiées à la transition énergétique, malgré le fait qu’une partie du financement d’Adani Green soit redirigée vers d’autres entités du groupe Adani directement responsables de projets d’expansion du charbon (5). C’est cette faille qui permet à Société Générale de continuer à financer Adani Green et qui peut tromper ses actionnaires.

Interrogée sur le sujet dans une question écrite lors de sa dernière assemblée générale, Société Générale a botté en touche en répondant avoir “comme règle de conduite, en raison notamment d’obligations légales et/ou contractuelles de confidentialité, de ne pas donner d’informations sur des transactions ou concernant des sociétés, et (qu’elle) n’a pas vocation
à commenter les allégations à l’encontre de la société Adani” (6).

Toujours plus de charbon pour Adani

Selon les dernières données de la Global Coal Exit List, Adani prévoit toujours d’augmenter sa capacité de production d’électricité au charbon de 20 550 MW au cours des quatre prochaines années en Inde, soit plus que sa capacité actuelle de production d’électricité au charbon de 17 510 MW (7).

Elle prévoit également d’étendre ses activités d’extraction de charbon en Inde et en Australie, de 11,2 millions de tonnes produites annuellement actuellement à plus de 100 millions de tonnes par an à l’avenir.

Ces projets vont totalement à l’encontre des recommandations de la science climatique, qui préconise l’arrêt de toute expansion du charbon et l’élimination progressive du charbon thermique d’ici à 2040 dans le monde entier, afin de maintenir l’objectif de 1,5 °C à portée de main.

Adani, symbole de l’opacité et des scandales financiers

Le groupe Adani a également été mêlé à plusieurs scandales internationaux au cours des dernières années.

Il a d’abord été accusé par Hindenburg Research, une société américaine de recherche en investissements connue pour ses ventes à découvert, d’avoir organisé la plus grande escroquerie de l’histoire des entreprises en se livrant à une manipulation boursière éhontée et à un système de fraude comptable pendant des décennies (8).

Gautam Adani, le PDG de l’entreprise, vient également d’être inculpé par des procureurs américains pour avoir conspiré avec des cadres d’une société anciennement cotée à New York afin de mettre au point un plan de 265 millions de dollars visant à corrompre des fonctionnaires indiens dans le but d’obtenir des contrats dans le domaine de l’énergie solaire (9). Adani et ses cadres sont également accusés d’avoir fait des déclarations fausses et trompeuses aux investisseurs et aux prêteurs aux États-Unis concernant les engagements et les pratiques de l’entreprise en matière de lutte contre la corruption, alors qu’ils cherchaient à obtenir des fonds auprès d’eux (9).

Scandales publics, inculpations pour corruption, manipulations boursières, fraudes comptables et développement du charbon à rebours des impératifs climat dans un pays dont la pollution de l’air est déjà catastrophique… Malgré cette accumulation, Société Générale refuse de prendre position publiquement et d’améliorer sa politique charbon. Reclaim Finance appelle l’AMF à agir en considérant cette politique charbon comme une information trompeuse au marché, et en sanctionnant cette pratique de la banque française qui s’apparente à du greenwashing.

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2025-06-02T14:32:36+02:00