Paris, le 17 juin 2025 – Les grandes banques mondiales ont augmenté leurs financements aux énergies fossiles depuis le lancement en 2021 de la Glasgow Financial Alliance for Net Zero et leurs engagements à contribuer à limiter le réchauffement à 1,5°C. Rien qu’en 2024, elles ont accordé 869 milliards de dollars au secteur. C’est ce que révèle la nouvelle édition du rapport Banking on Climate Chaos publiée par 8 organisations dont Reclaim Finance (1). Les banques françaises ont accordé 20 milliards de dollars aux entreprises développant de nouveaux projets d’énergies fossiles sur toute la chaine de valeur l’an dernier, avec une augmentation particulièrement marquante des financements du groupe Banque Populaire Caisse d’Epargne (BPCE). Les ONG appellent de toute urgence les banques et décideurs publics à agir pour mettre fin aux services financiers permettant le développement des énergies fossiles et à soutenir la sortie progressive du secteur à travers la mise en place de plans de transition.
Le rapport Banking on Climate Chaos révèle que les 65 plus grandes banques mondiales ont accordé 869 milliards de dollars aux énergies fossiles en 2024, un montant en forte augmentation (+23%) par rapport à l’année précédente, et proche de celui de 2021 après deux années de baisse consécutives. Cette augmentation s’explique notamment par la baisse des taux d’intérêts en 2024, faisant baisser le coût des emprunts, et un contexte général propice au désengagement climatique. Plus de 2/3 des banques ont augmenté leurs financements, alors que l’année 2024 a été la première à dépasser en moyenne le seuil de 1,5 °C de réchauffement.
En 2024, les banques ont accordé 429 milliards de dollars à l’expansion des énergies fossiles, dont 31% proviennent des banques américaines et 21% des banques européennes, dont les banques françaises. Ces dernières ont accordé 20 milliards de dollars aux entreprises qui développent de nouveaux projets d’énergies fossiles sur toute la chaine de valeur (2). Un soutien qui provient en quasi-totalité de quatre banques : BNP Paribas (US$5,9 milliards), Crédit Agricole (US$5,4 milliards), Société Générale (US$4,7 milliards) et Banque Populaire Caisse d’Epargne (US$4,2 milliards). Si le groupe BPCE arrive en dernière position, c’est la banque française qui affiche les tendances les plus inquiétantes, étant la seule à avoir augmenté ses financements à l’expansion fossile par rapport à 2021.
La hausse observée chez BPCE est particulièrement préoccupante car tirée par des financements à la partie la plus injustifiable de l’expansion fossile : le développement de nouveaux champs pétroliers et gaziers (3), à rebours de la science climatique et des projections de l’Agence internationale de l’énergie (4). BPCE est la banque française à avoir le plus augmenté ses financements entre 2023 et 2024 (+133%) à ce sous-secteur (5), et la seule banque française à les avoir augmentés par rapport à 2021 (+24%). BPCE passe ainsi pour la première fois, devant BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole (6).
Le groupe Banque Populaire Caisse d’Épargne persiste à tourner le dos à la science et au climat, aggravant son retard sur les autres banques françaises et contribuant à l’expansion la plus injustifiable des énergies fossiles. Alors que certaines de ses concurrentes ont amorcé une baisse de leurs financements aux entreprises développant de nouveaux champs pétroliers et gaziers, BPCE fait le choix inverse. À contresens de ses propres engagements, elle augmente massivement ses soutiens et se distingue en 2024 par des transactions aux pires acteurs du secteur, devenant cette année-là la première banque française à financer TotalEnergies.
Lucie Pinson, directrice de l’ONG Reclaim Finance
Les financements de BPCE sont la conséquence d’une politique extrêmement faible sur le secteur pétrolier et gazier (7). Contrairement aux trois autres banques, BPCE a adopté une cible de décarbonation, spécifique aux prêts, reposant sur une méthodologie biaisée et ne garantissant en aucun cas une baisse effective des financements aux entreprises en expansion (8). Surtout, la banque n’a aucune mesure portant sur les obligations, un type de financement particulièrement stratégique pour les majors pétro-gazières et que seuls BNP Paribas et Crédit Agricole se sont engagés à ne plus faciliter (9).
Au-delà de l’expansion de la production pétro-gazière, aucune des grandes banques françaises ne s’est pleinement engagée à ne plus financer, directement ou indirectement, les nouveaux terminaux d’exportation de GNL, pourtant également exclus du scénario Net Zero Emissions de l’AIE (10). Les financements des banques françaises à l’expansion des énergies fossiles, sur toute la chaine de valeur, soulignent par ailleurs l’urgence à ce qu’elles s’attèlent au plus vite à la transformation des secteurs en aval de la chaîne de valeur (terminaux d’importation de GNL, centrales à gaz) pour ne pas verrouiller des taux d’émission de gaz à effet de serre incompatibles avec une trajectoire 1,5°C.
10 ans après l’Accord de Paris, et 4 ans après la mobilisation du secteur financier à la COP de Glasgow en 2021, Reclaim Finance appelle de toute urgence les banques à mettre fin à leur soutien au développement des énergies fossiles, adopter des cibles de décarbonation et plans de transition crédibles alignés avec une trajectoire 1,5°C. Une réglementation stricte doit également être mise en place pour les contraindre à agir.