Financement de Papua LNG : des ONGs dénoncent le non-respect des Principes de l’Équateur

Copublié avec CELCOR, Market Forces, Jubilee Australia Research Center, Asian Peoples’ Movement on Debt and Development, JACSES

Port Moresby/Paris/Melbourne/Tokyo/Londres. Mercredi 10 décembre – Six associations ont déposé une réclamation officielle ce mercredi auprès de l’association des Principes de l’Équateur concernant le projet Papua LNG opéré par TotalEnergies en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Celle-ci détaille leurs graves préoccupations concernant les impacts potentiels de ce projet gazier sur le climat, la biodiversité et les droits humains.

Les ONGs considèrent que le projet ne respecte pas les Principes de l’Équateur, un ensemble de critères environnementaux et sociaux devant être pris en compte par les institutions financières signataires. Lancée en 2003, l’association des Principes de l’Équateur représente 130 institutions financières publiques et privées signataires, issues de 38 pays différents.

La réclamation pointe du doigt les risques liés à l’extraction et à la production de gaz naturel liquéfié par le projet Papua LNG, opéré par TotalEnergies partenariat avec ENEOS, ExxonMobil et Santos. En effet, ce projet affectera au moins 12 700 personnes, principalement des populations autochtones vivant en zone rurale dans la province du Golfe de la Papouasie-Nouvelle-Guinée (1). Par ailleurs, la zone du projet contient 100 espèces inconnues ou non décrites par la science et au moins 27 espèces terrestres menacées.

Selon la réclamation, six des dix Principes de l’Équateur ne sont pas respectés par le projet, allant d’une absence de preuves vérifiables du Consentement Libre, Informé et Préalable (CLIP) des communautés à de graves risques pour la biodiversité (voir notes).

Nous sommes très préoccupés par les impacts du projet Papua LNG en matière de droits humains, de climat et de biodiversité. Notre population a le droit à un développement respectueux des droits des peuples autochtones, de la nature et de notre précieux climat. Nous appelons l’association des Principes de l’Équateur à agir.

Peter Bosip, directeur exécutif de CELCOR (Centre pour le droit environnemental et les droits des communautés), Papouasie-Nouvelle-Guinée

Les associations demandent à l’Association des Principes de l’Équateur d’ouvrir une enquête sur cette réclamation et d’informer les institutions financières signataires de cette réclamation. Le groupe bancaire japonais Mitsubishi UFJ (MUFG) est particulièrement concerné – en tant que conseiller financier du projet et l’appuyant dans sa recherche de financements, malgré son adhésion aux Principes de l’Équateur. Tout autre signataire des Principes de l’Équateur qui soutiendrait le projet est également visé.

Le projet Papua LNG est un test pour la crédibilité des Principes de l’Équateur. Des milliers de membres des communautés autochtones de la région seront impactés par le projet. Or, nous n’avons trouvé aucun document à leur destination visant à leur expliquer clairement ce projet, ses risques, ses impacts, ainsi que les droits dont ils disposent dans le cadre de son développement, en vertu du droit et des normes internationales en matière de droits humains. C’est inadmissible. Nous sommes extrêmement préoccupés par les impacts potentiels et irréversibles du projet et demandons une enquête immédiate.

Shona Hawkes, directrice de la justice environnementale, Jubilee Australia Research Center

Le fait que MUFG soit conseiller financier d’un projet rejeté par de nombreuses banques, est révélateur de graves défaillances dans sa gestion des risques et d’une contradiction flagrante avec son engagement à atteindre la neutralité carbone. MUFG doit prendre cette réclamation au sérieux, mener une enquête approfondie et se retirer du projet Papua LNG afin de respecter ses engagements en matière d’environnement et de droits humains.

Eri Watanabe, Chargée de campagne Financement de l’énergie, Market Forces

Près d’une banque signataire des Principes de l’Équateur sur dix a exclu de financer le projet Papua LNG, du fait de ses politiques internes ou selon des déclarations antérieures. En 2024, Crédit Agricole, précédent conseiller financier du projet, avait annoncé son refus de financer le projet suite à une forte mobilisation de la société civile concernant ses impacts sur le climat, la biodiversité et les droits humains. Toutes les grandes banques françaises, australiennes, italiennes et de Papouasie-Nouvelle-Guinée ont refusé de financer le projet.

Quinze institutions financières, publiques ou privées, ont déjà refusé de soutenir le projet Papua LNG. TotalEnergies et MUFG tentent de convaincre d’autres institutions financières à travers le monde de soutenir financièrement ce mégaprojet gazier. Les signataires des Principes de l’Équateur doivent reconnaître que Papua LNG serait une catastrophe pour la population de Papouasie-Nouvelle-Guinée, sa biodiversité et son climat, et ne respecterait pas les Principes de l’Équateur. Ils doivent s’engager à ne pas soutenir ce projet.

Antoine Bouhey, coordinateur de la campagne Defund TotalEnergies, à Reclaim Finance

Plus d’une centaine d’organisations de la société civile ont rejoint la campagne « Ne gazons pas l’Asie », et les communautés de toute la région appellent à une transition rapide et juste des énergies fossiles vers des systèmes d’énergies soutenables et respectueux des droits humains, de l’environnement et de la souveraineté énergétique. Le projet Papua LNG présente non seulement des risques et des préjudices pour les communautés affectées par son extraction, mais aussi pour les communautés impactées par les centrales électriques qui brûleront le gaz fossile issu de ce projet. MUFG a fait preuve d’un mépris flagrant pour le climat et les populations, et les peuples d’Asie exigent désormais que cette banque et tous les signataires des Principes de l’Equateur s’engagent à cesser immédiatement de financer les projets gaziers.

Lidy Nacpil, coordinatrice d’APMDD (Asian Peoples’ Movement on Debt and Development)

Contacts :

Notes :

  1. L’Evaluation des impacts sur les droits humains, commanditée par TotalEnergies en 2017 a dénombré environ 12 700 personnes vivant dans 39 villages de la zone d’influence du projet en 2016. Danish Institute for Human Rights, Papua LNG Human Rights Impact Assessment, Focus on Gender, Security and Conflict, 2019.

Notes aux rédactions :

Les associations signataires de la réclamation sont le Centre pour le droit environnemental et les droits des communautés (CELCOR, Papouasie-Nouvelle-Guinée), Jubilee Australia Research Center, Reclaim Finance, APMDD (Asian Peoples’ Movement on Debt and Development), JACSES (Centre japonais pour un environnement et une société durables) et Market Forces.

À propos du mécanisme de réclamation

Alors que les Principes de l’Équateur ne disposent pas d’un mécanisme de résolution des plaintes, cette réclamation est déposée sur une plateforme mise en place par l’association BankTrack afin d’aider les organisations de la société civile à adresser leurs réclamations auprès des Principes de l’Équateur. BankTrack est une association néerlandaise travaillant depuis vingt ans sur la redevabilité de ces Principes. C’est la première fois qu’une réclamation publique formelle leur est adressée.

À propos des Principes de l’Équateur

Les Principes de l’Équateur sont un cadre permettant aux institutions financières d’identifier, d’évaluer et de gérer les risques environnementaux et sociaux lors du financement de projets.

Ce cadre est constitué de dix principes spécifiques que les institutions financières signataires s’engagent à respecter. Il fait également référence à d’autres normes sectorielles, telles que les normes de performance de la Société financière internationale (IFC). La réclamation porte sur le non-respect des principes 2, 3, 4, 5, 6 et 10, et comporte un commentaire supplémentaire sur le Principe 8.

La réclamation détaille notamment les éléments suivants :

  1. L’absence de documents d’information à l’intention des communautés décrivant clairement les aspects spécifiques du projet, ses risques, ses impacts ou les alternatives possibles.
  2. L’absence de preuves que les communautés ont été informées de leurs droits en vertu : 1) des Principes de l’Équateur ; 2) de la loi française sur le devoir de vigilance ; 3) de la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité ; 4) des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits humains ou 5) des Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales.
  3. Absence de preuves vérifiables du consentement libre, informé, préalable et éclairé (CLIP) ou que les peuples autochtones ont été informés de leur droit au CLIP en vertu du droit international, y compris de leur droit de refuser le projet.
  4. Absence de publication d’une Évaluation des risques liés au changement climatique (CCRA). L’accès public à un tel document est essentiel, notamment en raison des condamnations récentes de TotalEnergies par des tribunaux français et allemand pour pratiques commerciales trompeuses en matière de neutralité carbone.
  5. Absence d’évaluation exhaustive, publique et à jour des impacts du projet sur les droits humains.
  6. Absence de plan préalable de démantèlement de la partie amont du projet.
  7. Absence de modélisation économique s’appuyant sur une analyse systémique  coûts-avantages des impacts économiques du projet Papua LNG sur la province du Golfe ou sur la Papouasie-Nouvelle-Guinée.
  8. Absence de prise en compte des risques de criminalité financière et des irrégularités qui en découleraient. Le Groupe d’action financière (GAFI), organisme international, a mis la Papouasie-Nouvelle-Guinée en garde contre un possible placement sur sa liste grise en raison des risques liés à la corruption, aux crimes environnementaux et aux personnes exposées politiquement.
  9. Risques graves pour la biodiversité. La zone du projet contient 100 espèces nouvelles pour la science ou non décrites par celle-ci, ainsi que de nombreuses espèces menacées figurant sur la Liste rouge de l’UICN et à l’Annexe I de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction). Le projet a exclu la chauve-souris frugivore de Bulmer – l’une des 100 espèces les plus menacées au monde – de son analyse des risques pour la biodiversité, contrevenant ainsi aux recommandations de son évaluation initiale de référence, sans fournir d’études ni aucun document pour justifier cette décision.
  10. Un manque de prise en compte approfondie des risques liés au genre.
  11. Absence de publication en ligne des études d’impact environnemental et des autres documents clés du projet. L’addendum à l’étude d’impact environnemental de la partie amont du projet fait référence à des études qui ne sont pas fournies dans ses annexes.
  12. Approche préoccupante quant à l’éventuelle déplacement d’une communauté vivant à moins de 700 mètres de l’usine de traitement centrale de la partie amont du projet.
  13. Un manque de prise en compte des impacts cumulés avec d’autres projets fossiles proposés dans la province du Golfe, comme Pasca A et un projet d’installation flottante de GNL reliée aux gisements gaziers de Pandora et d’Urama.
  14. Absence de mécanisme efficace de gestion des plaintes, compte tenu du manque d’information suffisante des communautés impactées par le projet.

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