La loi omnibus I vient d’être définitivement adoptée par le Conseil de l’UE et le Parlement européen. Elle sera publiée avant la fin de l’année 2025 dans le journal officiel et aura des conséquences directes pour les entreprises qui étaient concernées par la directive sur le reporting (CSRD) et la directive sur le devoir de vigilance (CSDDD) et pour la protection des droits humains et de l’environnement : c’est notamment le cas des plans de transition climatiques et de la responsabilité civile. Reclaim Finance fait le point sur les modifications engendrées par la loi Omnibus I.
La loi Omnibus I vient modifier en profondeur les directives CSRD et CSDDD pour en amoindrir considérablement la portée. Ce mouvement s’opère à la fois en diminuant périmètre des textes et en effaçant ou réduisant les obligations afférentes.
Le périmètre et l’application des directives CSRD et CSDDD: réduction drastique et nouveau report
L’un des changements importants est la modification du seuil d’application des directives.
| CSDDD | Avant Omnibus | Après Omnibus |
|---|---|---|
| Entreprise européenne | 1000 salariés et 450 millions d’euros de chiffre d’affaires |
5000 employés et 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires |
| Entreprise présente sur le marché européen mais non-européenne | 1000 salariés et 450 millions d’euros de chiffre d’affaires |
1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires |
Au nom de la compétitivité des petites et moyennes entreprises, le seuil d’application de la CSDDD est multiplié par cinq concernant le nombre minimal de salariés, et par trois concernant le chiffre d’affaires. Ainsi, le nombre d’entreprises soumises à la directive passe de 15 000 à 20 000 d’après la Commission, à seulement 1 000 dans l’Union européennes (dont 145 françaises).
| CSRD | Avant Omnibus | Après Omnibus |
|---|---|---|
| Entreprises UE et hors-UE | Deux des trois conditions : 250 salariés 50 millions d’euros de chiffre d’affaires 25 millions d’euros de bilan |
1000 employés 450 millions de chiffre d’affaires |
De manière similaire, la hausse drastique des seuils utilisés pour la CSRD réduit le nombre d’entreprises devant fournir les informations extra-financières d’environ 50 000 à l’origine à seulement 10 000 entreprises environ. Les informations disponibles sur l’application sont lacunaires en raison de l’absence d’une étude d’impact de la Commission européenne, cette absence ayant d’ailleurs fait l’objet de plaintes formelles (1). Les législateurs ont également introduit des exemptions pour les filiales cotées et les holdings financières.
Cette réduction du périmètre d’application entraîne des problèmes très concrets. Alors que le reporting extrafinancier de la directive précédente (NFRD) s’appliquait à toutes les entreprises de plus de 500 salariés, certaines entreprises se retrouvent dans une situation d’incertitude puisque les nouveaux seuils les excluent des nouvelles exigences de reporting.
Pour les deux textes, une clause de revue a été ajoutée, indiquant donc que les seuils d’application ne sont pas définitifs et pourront être modifiés en 2031.
Enfin, le délai pour la transposition est à nouveau repoussé d’un an, quelques mois après l’adoption du texte « stop-the-clock ». Désormais, les nouvelles obligations ne s’appliqueront aux entreprises qu’à partir du mois de juillet 2029.
Directive sur le reporting (CSRD) : des informations moins complètes, moins fiables et moins comparables
Le texte final confirme la volonté de réduction drastique de l’information exigée des entreprises. En attendant l’acte délégué, prévu aux alentours de juin 2026 et qui viendra supprimer une partie conséquente des points de données demandés dans le cadre de la CSRD, d’autres éléments majeurs de la directive ont été modifiés :
- Les points de données spécifiques aux secteurs d’activités (sector-specific ESRS), qui devaient arriver progressivement dans le reporting des entreprises, sont supprimés.
- Le reporting des entreprises sera restreint par un Value Chain Cap, c’est-à-dire un seuil de taille d’entreprises au-dessous duquel elles ne pourront demander la communication de nombreuses informations pertinentes pour leur propre reporting CSRD. Cette modification devra particulièrement réduire la quantité et fiabilité d’information pour les nombreuses entreprises ayant recours aux sous-traitants ou ayant des chaînes de valeur fragmentées. Le seuil est établi à 1000 salariés, sauf circonstances exceptionnelles motivées.
Directive sur le devoir de vigilance (CSDDD) : effacement du climat et affaiblissement des sanctions
Alors même que l’Union Européenne adopte de nouveaux objectifs climatiques, la loi omnibus supprime l’obligation d’adoption et de mise en œuvre de plans de transition climatiques. Une incohérence majeure, ces plans devaient notamment permettre à l’Union européenne de s’assurer que les entreprises intègrent les enjeux climatiques et adaptent leurs modèles d’affaires en conséquence.
La loi entraîne également la fin du régime harmonisé de responsabilité civile dans l’Union européenne. Il existera donc 27 régimes de responsabilité civile différents, en opposition directe à la notion de « simplification » voulue par l’Union européenne. Le risque est que les États membres entrent en compétition entre eux afin d’avoir les lois les plus faibles et d’attirer les entreprises. Le texte final de la loi Omnibus prévoit néanmoins une clause de revue pour adapter, si besoin, cette disposition.
Au-delà des dispositions listées ci-dessus, de nombreux éléments de la loi Omnibus affectant la préservation des droits humains, sociaux et de l’environnement ont été adoptées par les législateurs européens sans prendre en compte les travaux scientifiques, les données économiques et sans écouter les nombreuses voix de la société civile (ONG, syndicats, citoyens, etc.). L’Union européenne n’est plus sur la bonne voie pour atteindre ses objectifs climatiques. Seule la réglementation des acteurs privés lui permettra de s’assurer que chacun prenne sa juste part dans la transition écologique nécessaire à la survie des citoyens européens.
Tant que les intérêts économiques privés seront préférés aux intérêts de toutes et tous, l’Union européenne ne pourra pas atteindre ses objectifs climatiques. Pour se remettre sur la bonne voie, l’Union européenne doit désormais renforcer sa réglementation et contraindre les entreprises qui opèrent sur le marché européen à se conformer aux objectifs climatiques de l’UE.