Évaluation des stratégies climat des entreprises pétro-gazières
12 des plus grandes entreprises pétrolières et gazières intégrées cotées européennes, états-uniennes et compagnies pétro-gazières nationales représentent à elles seules 28,7 % de la production mondiale 2022, 39,1 % des plans d’expansion d’exploration et de production à court terme et 16,5 % des plans d’expansion dans les terminaux de liquéfaction.
Si un nombre croissant d’acteurs financiers se désengagent du secteur qu’ils jugent non à même de se transformer, d’autres estiment que ces entreprises sont des acteurs essentiels de la transition et que leur concours est indispensable au développement massif des énergies renouvelables. Mais qu’en est-il vraiment ? Dans quelle mesure ces entreprises participent au développement de solutions soutenables ? Etant donné qu’on ne saurait limiter le réchauffement planétaire à 1,5°C sans réduire progressivement la production d’hydrocarbures, ces entreprises ont-elles renoncé à développer de nouveaux projets pétroliers et gaziers ?
C’est à ce type de questions que nous tentons de répondre ici, pour permettre aux acteurs financiers d’évaluer la crédibilité de l’action climatique de ces entreprises et adapter en conséquence leurs stratégies de financement, d’investissement et d’engagement.
Reclaim Finance a, à cette fin, analysé les stratégies climat des grandes entreprises pétro-gazières européennes, états-uniennes, et des compagnies pétro-gazières nationales (NOC). Ont été sélectionnés plusieurs indicateurs fondamentaux pour évaluer si les efforts engagés sont suffisants pour évaluer si les mesures adoptées permettent une baisse des émissions de gaz à effet de serre suffisante pour limiter le réchauffement à 1,5°C.
Tous visent à répondre à trois questions majeures :
- Quels sont les choix d’investissement de l’entreprise ?
- Quels sont ses objectifs de production et d’émissions de gaz à effet de serre ?
- Quelle diversification entreprend réellement l’entreprise ?
Découvrez les principales conclusions de notre analyse et téléchargez ci-dessous le briefing détaillé spécifique à chacune des 12 entreprises pétrolières et gazières. Pour faciliter votre lecture, un glossaire est disponible ici.
méthodologie
En raison de l’importance de baisser de moitié les émissions de gaz à effet de serre au cours de la décennie, l’analyse se concentre sur les objectifs poursuivis par les entreprises à l’horizon 2030.
Le scénario Net Zero Emissions by 2050 (NZE) de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) suivant une trajectoire 1.5°C est retenu comme premier scénario de référence pour les besoins de l’analyse. Ce scénario projette notamment :
- la baisse de la production de pétrole et de gaz de 21 % et 18 % respectivement d’ici 2030 par rapport au niveau de 2022.
- l’arrêt du développement de nouveaux projets de production de pétrole et de gaz et de terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL).
- une augmentation de 67 % des investissements annuels totaux dans l’énergie avec une multiplication par 2,3 des investissements annuels dans la transition énergétique, qui recouvre l’approvisionnement en énergies propres, l’utilisation finale et l’efficacité énergétique. Cela de manière à investir d’ici 2030 dix dollars dans la transition, dont six pour l’approvisionnement en énergie – principalement l’électricité – , pour chaque dollar investi dans les énergies fossiles, soit un ratio 6:1.
L’analyse met les projections des entreprises en perspective avec le scénario Net Zero Emissions by 2050 (NZE) de l’AIE ainsi que son scénario Announced Pledges Scenario (APS), qui suit une trajectoire en-dessous de 2°C.
Informations clés
Aucune stratégie climat n’est alignée avec un scénario 1.5°C.
L’analyse des stratégies climat de ces 12 entreprises pétrolières et gazières au regard du scénario NZE démontre que leurs investissements, plans de production et stratégie de diversification ne leur permettent pas de suivre une trajectoire 1,5°C.
Des investissements insuffisants dans les énergies soutenables.
Les investissements de l’année 2022 dans les énergies renouvelables restent bien inférieurs à ceux dans les énergies fossiles. Les entreprises américaines ne communiquent aucun investissement dans les énergies soutenables.
Des distributions élevées aux actionnaires.
Pas d’arrêt de l’expansion pétro-gazière.
Aucune entreprise ne s’est engagée à arrêter l’expansion pétro-gazière, à rebours des projections de l’AIE et des recommandations de l’ONU.
Des objectifs de production trop élevés.
Dès lors qu’elles publient des objectifs de production, toutes les entreprises visent une production de pétrole et de gaz d’ici 2030 bien plus élevés que ce qui est requis dans le scénario NZE de l’AIE.
Un mix énergétique à 2030 reposant sur les énergies fossiles.
Une diversification trompeuse.
Analyse des stratégies climat
Plans de production de Repsol
Repsol prévoit de porter sa production de pétrole et de gaz à 620 kbep par jour d’ici à 2025 et a déclaré qu’elle maintiendrait ce niveau de production d’ici à 2030. Si elle atteint cet objectif, sa production sera supérieure de 68 % au niveau requis pour s’aligner sur les NZE.
Repsol ne s’est pas engagée à cesser de développer de nouveaux projets pétroliers et gaziers au-delà de ceux qui sont déjà en cours de développement, alors que la société espagnole possède 1 403 mmboe de ressources d’hydrocarbures découvertes qui ne sont pas encore entrées dans la phase d’évaluation ou de développement du champ.
Répartition des flux de trésorerie de Repsol
Repsol a alloué 3,2 milliards d’euros au pétrole et au gaz, dont 2,1 milliards d’euros aux activités upstream. Parallèlement, Repsol a investi 762 millions d’euros dans les énergies renouvelables.
Pour chaque euro investi dans les énergies renouvelables en 2022, Repsol a investi plus de 4 euros dans le pétrole et le gaz. Pour chaque euro investi dans les énergies renouvelables en 2022, plus de 3 euros ont été distribués aux actionnaires sous forme de dividendes et de rachat d’actions.
Repsol prévoit d’investir en moyenne 3,8 milliards d’euros par an entre 2021 et 2025, dont 2,6 milliards d’euros dans le pétrole et le gaz et 1 milliard d’euros dans la production d’énergie bas carbone, qui comprend les énergies renouvelables et les centrales thermiques à cycle combiné.
Le développement des énergies renouvelables de Repsol ne devrait pas représenter plus d’un quart des dépenses d’investissement du groupe d’ici à 2025.
Mix énergétique de Repsol
Repsol vise à disposer d’une capacité renouvelable de 6 GW d’ici 2025 et de 20 GW d’ici 2030. Sa stratégie repose sur une stratégie d’acquisition d’actifs et d’entreprises. La part maximale des énergies renouvelables dans le mix énergétique de Repsol resterait inférieure à 22 % en 2030.
Emissions de gaz à effet de serre de Repsol
L’intensité carbone visée par Repsol en 2030 est de 30 % supérieure à celle du scénario NZE et de 16 % supérieure à celle d’un scénario en dessous de 2°C. Si elle atteint ces cibles et réduit sa production d’énergie conformément aux scénarios NZE et APS de l’AIE, Repsol aura dépassé sa part du budget carbone 2023-2030 de 30 % par rapport aux émissions possibles dans le scénario NZE et de 16 % par rapport à celles émises dans le scénario APS.