UBS AM, la branche de gestion d’actifs du groupe suisse UBS et l’un des 20 premiers gestionnaires d’actifs mondiaux avec 1100 milliards de dollars d’actifs investis, a publié en mars 2021 sa première politique d’exclusion relative au charbon thermique. Alors qu’un seuil d’exclusion est introduit pour le secteur minier, le secteur de la production d’électricité à partir du charbon est lui totalement ignoré par cette politique. UBS AM peut également continuer à soutenir les entreprises qui développent de nouvelles mines de charbon ou de nouvelles centrales à charbon. En outre, UBS AM ne mentionne aucune stratégie visant à sortir du charbon d’ici 2030 dans les pays européens et de l’OCDE et d’ici 2040 dans le reste du monde. Il s’agit donc d’une occasion manquée pour UBS AM.

1. Ce qui change

La première politique charbon d’UBS AM tient en une ligne : le gestionnaire d’actifs n’investit pas dans les entreprises qui tirent 30 % ou plus de leurs revenus de l’extraction du charbon thermique (y compris le lignite, le bitume, l’anthracite et le charbonvapeur) et de sa vente à des tiers.

Ces exclusions s’appliquent aux fonds en gestion active, à la fois d’actions et d‘obligations, gérés directement par UBS AM. Les investissements dans d’autres fonds (y compris les ETF et les fonds & mandats à investisseur unique) et les produits dérivés sur indices ne sont pas concernés par cette politique. Par ailleurs, les produits dérivés basés sur une seule entité de référence (‘Derivatives on single names) sont eux concernés par cette politique d’exclusion.

2. Notre analyse : ce n’est qu’un début

Avec cette première politique charbon, UBS AM prend enfin conscience de la nécessité de mettre en œuvre une politique d’exclusion, et nous saluons ce premier pas en avant. Mais les engagements d’UBS AM sont extrêmement limités et ne couvrent qu’une part réduite de l’industrie charbonnière. Le périmètre d’application est également restreint. Par conséquent, cette politique ne sera pas suffisante pour réduire de manière significative le soutien d’UBS AM au secteur du charbon. Selon des recherches financières récentes, UBS AM détenait des actions et des obligations de 167 entreprises charbonnières figurant sur la Global Coal Exit List (GCEL) pour des montants respectifs de 3,9 milliards de dollars et 1,2 milliards de dollars en novembre 2020.

Malgré l’adoption de sa première politique charbon, UBS AM pourrait encore investir dans 648 entreprises de la GCEL, tout en n’excluant que 287 d’entre elles.

La principale lacune de cette politique est qu’UBS AM omet totalement de prendre en compte les producteurs d’électricité à partir de charbon, alors que plusieurs de ses pairs mondiaux excluent certains énergéticiens, comme Amundi, AXA IM ou Ostrum AM. Selon une étude de Climate Analytics basée sur le dernier rapport du GIEC, toutes les centrales à charbon doivent être fermées d’ici 2030 dans les pays de l’OCDE et d’Europe et d’ici 2040 dans le reste du monde. C’est pourquoi le gestionnaire d’actifs suisse doit immédiatement adopter une stratégie de sortie du charbon, à ces mêmes échéances, qui concernerait à la fois la production d’électricité à partir de charbon et l’extraction du charbon thermique.

Dans le même temps, même si UBS AM adopte un seuil relatif d’exclusion à 30 % du chiffre d’affaires pour les sociétés minières de charbon, le gestionnaire d’actifs suisse peut toujours soutenir 58 sociétés d’extraction de charbon en dessous du seuil de 30 %, telles que Glencore (dont environ 20 % des revenus proviennent du charbon mais qui extrait 123 Mt de charbon par an, 97 millions de dollars d’investissements). Pour prendre en compte l’impact réel sur le climat et la santé des entreprises charbonnières, UBS AM doit compléter son critère d’exclusion relatif par un critère absolu et exclure immédiatement les entreprises qui produisent plus de 10 MT de charbon par an et s’engager à abaisser ces seuils à zéro.

UBS AM ferme également les yeux sur les développeurs qui prévoient des projets de nouvelles mines de charbon, de nouvelles centrales à charbon ou de nouvelles infrastructures charbon, alors que plus de 1000 nouvelles unités de production d’électricité à partir de charbon sont prévues, augmentant ainsi la capacité de production d’électricité à partir de charbon de près de 40 %. UBS AM pourra ainsi continuer à soutenir l’entreprise minière Adani (dont moins de 30 % des revenus proviennent de l’extraction du charbon thermique, 8 millions de dollars investis par UBS AM) bien que le groupe indien prévoie de construire de nouvelles mines de charbon en Australie et en Inde et d’ajouter 3,3GW à sa capacité de production d’électricité à partir du charbon. UBS AM doit immédiatement reconnaître le consensus mondial sur la nécessité de mettre fin à l’expansion du secteur du charbon dès maintenant, et exclure tous les développeurs de projets charbon, sans exception, comme le fait par exemple le gestionnaire d’actifs français Amundi.

En outre, le périmètre d’application de cette politique charbon est relativement limité pour plusieurs raisons :

  • Nos propres recherches et nos échanges avec UBS AM nous permettent d’évaluer que seuls 36 % des actifs sous gestion sont couverts par cette politique d’exclusion.
  • La part des actifs d’UBS AM gérée de manière passive représente environ 42 % du total des actifs sous gestion. Ces actifs ne sont pas couverts par cette politique d’exclusion.
  • UBS AM ne précise pas sa stratégie pour les nouveaux mandats. Cette politique d’exclusion sera-t-elle proposée par défaut aux clients ?

Les scores de UBS AM dans le Coal Policy Tool

Ce tableau présente l’évaluation charbon de UBS AM en se basant sur les 5 critères du Coal Policy Tool.

3. Nos conclusions

En comparant la première politique charbon d’UBS AM à celle du groupe UBS, nous sommes arrivés à deux conclusions : (1) le manque flagrant de cohérence entre les deux politiques : le gestionnaire d’actifs exclut uniquement les sociétés minières alors que sa maison-mère exclut également les sociétés productrices d’électricité à partir de charbon, (2) les deux acteurs financiers sont encore très loin d’une politique charbon robuste.

UBS AM doit réagir de toute urgence pour s’aligner sur les meilleures pratiques du secteur d’Amundi, d’AXA IM ou d’Ostrum AM. Pour cela, UBS AM doit commencer par exclure tous les développeurs de projets charbon et étendre sa politique au secteur de la production d’électricité à partir de charbon. Le gestionnaire d’actifs suisse doit également revoir le périmètre d’application de sa politique, qui est actuellement beaucoup trop limité. En outre, UBS AM doit détailler une stratégie globale visant à sortir totalement du charbon au plus tard en 2030 dans les pays de l’UE et de l’OCDE, et en 2040 dans le reste du monde. Enfin, pour faire face à l’urgence climatique, UBS AM doit commencer à s’attaquer au secteur du pétrole et du gaz.

En savoir plus :   

Lien vers la politique d’exclusion de UBS AM (en anglais)

Lien vers le Coal Policy Tool