Reclaim Finance publie pour la première fois un classement des pratiques d’investissements des plus gros gestionnaires d’actifs européens et étatsuniens en matière de climat, via l’exemple du secteur du charbon. Le rapport, intitulé pour sa première édition “Slow Burn: Les Gestionnaires D’actifs Parient Contre le Climat”, montre que les gestionnaires d’actifs ignorent leur responsabilité climatique et sont toujours des soutiens de premier ordre de l’industrie du charbon. Avec seulement 25% d’actifs couverts par un critère de restriction lié aux investissements charbonniers parmi l’ensemble des actifs gérés par les 29 institutions analysées, l’industrie va devoir réagir rapidement pour décarboner l’ensemble de leur portefeuille sans laisser de côté la gestion “passive”.

Objectif zéro émission mais zéro action

29 gestionnaires d’actifs majeurs basés en Europe et aux Etats Unis ont été questionnés et évalués sur leur approche vis-à-vis du secteur du charbon, une secteur clé de la lutte contre le changement climatique. Bien que 16 aient maintenant pris des engagements climatiques de long terme, nous montrons que ces mêmes acteurs sont aux abonnés absents lorsqu’il s’agit de sortir du charbon, une première étape pourtant essentielle à l’action climatique. En dépit des avertissements de la science climatique qui exige que des actions immédiates soient prises pour parvenir à une sortie du charbon en 2030/2040, seuls deux gestionnaires d’actifs ont une politique robuste prévoyant effectivement la sortie du charbon à ces dates et excluants les entreprises ayant des plans d’expansion du charbon. Cela signifie que sur €33000 milliards gérés, seuls 3400 le sont excluant les entreprises avec de tels plans. Cela montre le gouffre qui existe entre discours et réalité.

Ce manque d’ambition dans les politiques vient comme une surprise alors que les annonces climatiques se sont multipliées ces derniers mois de la part des gestionnaires d’actifs. Ainsi, en dépit de leur signature aux principes de la ‘Net Zero Asset Manager Initiative’, 6 gestionnaires d’actifs dont Vanguard, LGIM, Allianz, GI et Aberdeen SI soutiennent toujours les entreprises ayant des projets d’expansion dans le charbon, une contradiction inadmissible.

Le mythe de l’investissement ‘passif’

Cependant, l’enseignement le plus effrayant du rapport est que les gestionnaires d’actifs ignorent tout simplement les investissements qu’ils gèrent de manière “passive”. En se dissimulant derrière des contraintes techniques que l’industrie s’est imposée à elle-même, une proportion croissante d’actifs échappent à toute restriction. Cela se traduit par un chiffre: seuls 3% des actifs gérés “passivement” par ces gestionnaires d’actifs sont couverts par des restrictions sur les investissements dans le charbon.

L’investissement dit “passif” représente donc une menace croissante pour le climat avec des gestionnaires d’actifs dont l’exposition au charbon reste souvent élevée justement à cause de ces fonds indiciels “passifs”. Aux Etats-Unis, les géants de la gestion “passive”, Blackrock et Vanguard, détiennent 17% de tous les investissements institutionnels réalisés dans le charbon. En Europe, cette technique de gestion représente maintenant 33% du marché des actions, avec des acteurs comme Amundi qui tentent de conquérir toujours plus de parts de marché, notamment en rachetant récemment le leader français des ETF Lyxor.

Le rapport montre que les affirmations des gestionnaires d’actifs sont tout simplement fausses lorsqu’ils disent ne pas pouvoir être sélectifs lors du déploiement de ces fonds indiciels. La gestion “passive” est une combinaison de choix actifs : les gestionnaires sélectionnent les indices qu’ils suivent, quels fonds mettre en avant, mais aussi avec quel degré de précision ils doivent répliquer l’indice sous-jacent. Enfin, le pouvoir croissant dont ils bénéficient permet à ces gestionnaires de vendre et d’utiliser une telle menace de désinvestissement. Appliquer rapidement des critères robustes d’exclusion du charbon à tous ces fonds indiciels est donc la prochaine étape pour ces gestionnaires d’actifs.

Les gestionnaires d’actifs sous le feu des critiques

Aucun gestionnaire d’actif ne ressort du classement avec un bon niveau, seul un (Axa IM) atteint plus de la moitié des 100 points maximum totaux. En dépit du nombre étourdissant d’engagements “net-zéro” – avec Allianz et BlackRock parmi les 13 concernés – seuls quelques-uns obtiennent plus de 20 points.

Certains des plus grands gestionnaires d’actifs, basés aux Etats-Unis, sont particulièrement à la traîne, tels que les géants du “passif” que sont State Street et Vanguard. Avec l’arrivée de la COP 26, les projecteurs seront aussi braqués sur le Royaume-Uni où des gestionnaires tels que Schroders et Aberdeen SI n’ont même pas de politique charbon.

Ce qui doit se produire

Pour décarboner activement l’ensemble de ces portefeuilles d’actifs, les gestionnaires d’actifs doivent immédiatement désinvestir des entreprises développant des projets charbonniers et commencer à désinvestir dès maintenant des entreprises du secteur du charbon pour atteindre une exposition zéro en 2030/2040. Le désinvestissement doit couvrir par défaut l’ensemble des actifs sous gestion. Cela réglerait le problème récurrent des très faibles proportions d’actifs couvertes par de nombreuses politiques charbons, notamment pour BlackRock et Legal & General Investment Management (LGIM).

Le rapport souligne les premières étapes à entreprendre dès à présent concernant les portefeuilles “passifs”, tels que l’engagement à ne pas lancer de nouveau produit sans préalablement appliquer des filtres charbon robustes, et sans changer l’option par défaut pour proposer systématiquement des fonds respectueux du climat. Pour les fonds existants dépendants d’indices standards, une action collective des gestionnaires d’actifs est nécessaire pour demander aux fournisseurs d’indices d’exclure le charbon. C’est à ça que doivent ressembler des engagements climatiques effectifs.

Les gestionnaires d’actifs constituent une industrie de plus en plus puissante avec plus de $100’000 milliards d’actifs totaux. La manière dont ils se mobilisent sera clé dans les années qui viennent. Échouer à radicalement changer ces fonds utilisés par défaut fera courir un risque fort non seulement aux actifs de leurs clients mais également chances d’effectuer une transition énergétique rapide.

Mise à jour :

Suite à des informations supplémentaires nous ayant été communiquées après la publication de ce rapport, le score attribué à Generali Investments a été modifié de 1 à 20 (sur 100). Ce changement a un effet sur le score reflété aux pages 14, 15 et 19 du rapport.

Pour aller plus loin :

* Le rapport est est soutenu par les ONG urgewald, Re:Common, Sunrise et Amazon Watch.

  • Lire le rapport entier ici.
  • Lire notre communiqué de presse ici.