Maybank, premier groupe bancaire de Malaisie avec 165 milliards de dollars d’actifs, a annoncé à l’occasion de son assemblée générale annuelle en mai 2021 ses premières mesures pour exclure une partie du secteur du charbon de ses activités de financement. Toutefois, ses engagements sont extrêmement limités. Ils n’égalent même pas les engagements antérieurs de CIMB, son concurrent national. Maybank doit saisir l’occasion de la publication de son futur « cadre d’ensemble » pour l’analyse du cycle de production charbon pour renforcer ses critères d’exclusion du charbon.

1. Ce qui est nouveau

La première annonce de la politique charbon de Maybank mentionne l’engagement de  » ne pas financer de nouvelles activités liées au charbon « . Dans son rapport 2020 sur le développement durable, Maybank est plus précise et s’engage à ne financer « aucune nouvelle activité d’extraction de charbon » tout en appliquant une stricte « évaluation de l’impact des risques ESG » pour le financement des centrales à charbon. Elle mentionne également le développement d’un « cadre d’ensemble pour la chaîne de valeur du charbon » couvrant à la fois les secteurs de l’extraction du charbon et de la production d’électricité à partir de charbon.

2. Notre analyse: une première politique très timide

Maybank est une banque régionale de taille, parmi les 5 premières banques d’Asie du Sud-Est. Elle a financé plusieurs projets de charbon récemment, comme Java 9 et 10 ou Nghi Son 2, ainsi que des entreprises de charbon dans la région de l’ASEAN. Elle a orienté au moins 1,7 milliard de dollars US vers le secteur du charbon entre octobre 2018 et octobre 2020, par le biais de prêts et d’opérations de souscription à 6 grandes entreprises charbonnières qui exploitent actuellement 30,7 GW d’énergie au charbon, soit presque l’équivalent de la capacité installée totale de l’Indonésie.

Si la décision de la Maybank d’adopter sa première politique d’exclusion du charbon est bienvenue, il est extrêmement décevant de voir à quel point elle est limitée : elle est très insuffisante pour contribuer aux objectifs climatiques de l’Accord de Paris. D’après les éléments de la politique dont nous disposons, il semble qu’elle se concentre exclusivement sur le financement de projets dédiés et non sur les activités générales de financement des entreprises, et qu’elle exclut spécifiquement les nouvelles mines de charbon mais pas les nouvelles usines de charbon. Nous avons contacté Maybank et attendons leurs réponses pour clarifier plusieurs points.

Si elles sont confirmées, ces limitations signifient que la politique de Maybank n’est pas aussi ambitieuse que celles de CIMB ou de DBS, qui ont toutes deux mis fin au financement direct des nouvelles usines de charbon, DBS réduisant également son soutien à certains développeurs de charbon. Si l’on considère que les entreprises charbonnières soutenues récemment par Maybank prévoient collectivement 13,2 GW de capacité de production d’électricité au charbon supplémentaire, il est clair que la prochaine étape sera de mettre fin à tout soutien à l’expansion du charbon.

Si Maybank doit également cesser de financer des entreprises fortement exposées dans le secteur du charbon en mettant en place des seuils d’exclusion stricts pour les entreprises d’extraction et de production d’électricité à partir du charbon (maximum 20% des revenus ou de la part du charbon dans la production d’électricité & maximum 5 Gw de centrales à charbon ou 10Mt de charbon extrait), une autre lacune importante et plus urgente dans sa politique est l’absence d’engagement de sortie progressive du charbon. La banque malaisienne doit suivre la science du climat et sortir du secteur du charbon d’ici 2040.

Le score de Maybank dans le Coal Policy Tool

Ce tableau présente le score de Maybank pour sa politique charbon analysée à partir des 5 critères du Coal Policy Tool

3. Conclusion

Si avoir une politique pour le charbon est toujours mieux que de n’en avoir pas, les engagements de Maybank sont clairement en retard par rapport à beaucoup de ses pairs sachant qu’ils ne respectent même pas les attentes minimales requises: la fin du financement direct de nouvelles centrales à charbon. En élaborant son futur « cadre d’ensemble pour la chaîne de valeur du charbon », Maybank doit combler cette lacune et cesser immédiatement de financer tous les développeurs de charbon, ce qui est un minimum pour une banque qui prétend œuvrer pour une « société résiliente au changement climatique ».

Maybank doit également rattraper son retard sur ses pairs en s’engageant à prendre des mesures énergiques pour devenir totalement exempte des énergies fossiles, par exemple en copiant l’engagement ambitieux d’élimination totale des énergies fossiles de son bilan en 2045 adopté par Nedbank (Afrique du Sud) début mai 2021.

Pour aller plus loin :